Édition du 16 avril 2024

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Agriculture

14e congrès d’Union Paysanne - Pour la liberté d'association en agriculture

Du 20 au 22 février dernier, plus de 130 personnes ont pris part au 14e Congrès de l’Union paysanne, qui s’est déroulé à Saint-Germain-de-Kamouraska, lieu de création de l’organisme.

Ce congrès annuel a été le moment de discuter d’agroécologie et de souveraineté alimentaire, de politique énergétique ainsi que de l’accès à la terre. Ce congrès a aussi démontré l’importance de sortir du carcan de la représentation syndicale unique. Afin de mieux comprendre ce débat nous reproduisons les commentaires de plusieurs intervenants sur cette question ainsi que les positions d’Union paysanne sur les principaux enjeux concernant l’agriculture.

Selon le président Benoit Girouard , la meilleure description des circonstances qui ont donné naissance à Union paysanne vient probablement de la bouche du co-fondateur, Roméo Bouchard : « L’Union paysanne est née de l’impossibilité pour les petits agriculteurs et les néoruraux que nous étions de faire la moindre brèche dans ce mur impénétrable érigé par l’UPA autour de la campagne. »

Depuis ce temps d’autres voix se sont ajoutées pour remettre en question le monopole syndical dans l’agriculture. Jacques Proulx ex-président de l’Union des producteurs agricoles de 1981 à 1993 et fondateur de Solidarité rurale explique que : « Le statu quo n’est plus tenable. Devant les attaques provenant de tous les côtés – libre-échange élargi, baisse constante des budgets agricoles, multiplication des terres en friche – je fais un appel à la réflexion et à la prospective, en rappelant que le temps est compté. De deux choses l’une : soit nous attendons que les gouvernements ou que les autres nations agricoles dessinent l’agonie de la gestion de l’offre, soit les producteurs et leurs organisations s’engagent sérieusement dans la rénovation de leur système, afin de préserver un juste revenu pour tous et la pluralité dans la manière de produire. »

Jean Pronovost, ex-président de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire du Québec, s’exprime quant à lui en ces termes : « Pour bien remplir ses missions, l’agriculture doit nécessairement être plurielle. La ferme familiale qui en forme le cœur doit laisser de l’espace à des fermes plus artisanales, tout en composant avec des fermes qui produisent sur une plus grande échelle des denrées de forte consommation. Notre agriculture est aussi une agriculture marchande, qui doit maintenir en équilibre un système qui mise sur la gestion de l’offre et les frontières plus ouvertes nécessaires aux producteurs qui ont besoin d’exporter. L’Union paysanne nous invite à réexaminer ces deux équilibres à la lumière des leçons qu’on peut tirer du passé, mais aussi en fonction d’un avenir dont on peut déjà apercevoir les contours. Le débat est pertinent et, compte tenu du rôle important de l’agroalimentaire, interpelle tous les citoyens. »

Quelques repères historiques

Dès 1950, afin de soi-disant rattraper l’industrialisation des fermes ontariennes, la commission Héon est claire : il y a 100 000 fermes de trop (sur les 140 000 à l’époque) ! 40 000 fermes de grande taille et modernes seront bien suffisantes. Pour y arriver, elle propose de hausser les normes de toutes sortes et les contrôles à la ferme afin de décourager les fermiers aux pratiques traditionnelles qui finiront par disparaître. Le résultat est frappant : il ne reste plus que 26 000 fermes au Québec en 2010.

À partir des années 70, la gestion de l’offre fait son apparition, accélère la standardisation de l’agriculture et est lentement détournée de ses objectifs initiaux.
Années 90, la globalisation des marchés prend de la force. On voit s’amorcer les négociations du GATT et de l’ALENA qui viendront gruger la souveraineté alimentaire des nations. Malgré les risques, l’UPA, nos gouvernements et l’industrie s’engagent résolument dans une orientation industrielle de l’agriculture avec comme fer de lance de ce modèle le secteur porcin. Pour y arriver, le gouvernement acceptera d’allonger les centaines de millions de dollars réclamés par l’UPA, ne laissant rien au passage pour les petites fermes qui continueront de décliner à un rythme alarmant. En aucun cas, la population qui paye la facture ne sera tenue au courant.

Les politiques directrices d’Union paysanne

Sortir notre agriculture de l’OMC et des accords commerciaux

Le rôle de l’agriculture est trop important pour la traiter comme un simple bien économique. En ce sens il est nécessaire que notre gouvernement ne participe en aucun temps à des négociations ou l’on viendrait sacrifier notre agriculture sur l’autel du libre-marché. Corollairement, il faut que notre gouvernement soit sensible aux revendications des organismes paysans mexicains car ces derniers demandent une révision radicale du chapitre agricole de l’ALENA dont ils subissent les effets dévastateurs.

La souveraineté alimentaire nécessite des agriculteurs souverains

Pour ce faire, il faut que notre État agisse pour renforcer le pouvoir des agriculteurs face aux grandes entreprises agroindustrielles et qu’il s’oppose au brevetage du vivant, aux OGM, à la privatisation des semences, à l’instrumentalisation des aliments et à tout ce qui empêche les paysans d’être autonome sur leur ferme. Elle doit aussi rétablir une vraie liberté d’association pour les agriculteurs.

Afin d’atteindre notre souveraineté alimentaire

Il faut accorder une grande importance aux conditions sociales et environnementales de production des aliments, ce qui implique une réforme des politiques agricoles incluant la promotion de l’agriculture paysanne locale et le soutient des agriculteurs par des prestations reliées à leur protection des ressources et du paysage. Tout le contraire des 30 dernières années.

La souveraineté alimentaire est axée sur une agriculture de proximité destinée en priorité à alimenter les marchés régionaux et nationaux. Elle est respectueuse de l’autonomie des agriculteurs partout dans le monde et du droit des citoyens de tous les pays à une alimentation saine et suffisante. Elle va ainsi de pair avec l’agriculture écologique et paysanne, tout en s’opposant à l’utilisation des plantes transgéniques en agriculture, au brevetage du vivant et à la mainmise locale et mondiale des industries de l’alimentation.

Le pluralisme syndical est essentiel

Il faut que le Québec rejoigne les rangs des nations démocratiques en permettant aux fermiers de choisir ceux qui les représenteront. Réorienter les subventions vers la majorité des fermes du Québec qui en sont privées pour l’instant puisque l’argent est accaparé par un petit groupe d’intégrateurs et de gros producteurs. Que voulons-nous, 100 grosses fermes ou des milliers de plus petites ? Il faut également cesser de soutenir les unités produites pour aller vers un soutien global de la ferme. L’agriculture a une vocation sociale et en ce sens l’État doit en être le premier gestionnaire et non les syndicats. Le Québec doit le plus rapidement possible se doter d’une politique agricole qui orientera toute l’agriculture. Reconnaître que notre agriculture a 3 fonctions déterminantes et que tous les programmes en agriculture doivent s’y subordonner : L’approvisionnement de la population en quantité et en qualité. (Fonction vivrière) La protection des ressources. (Fonction agroenvironnementale) L’occupation décentralisée du territoire. (Fonction socioterritoriale) Permettre la multifonctionnalité

Textes tiré de : http://www.unionpaysanne.com/

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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