Édition du 12 mars 2024

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Québec

1er budget Plante-Dorais à Montréal : justifié et rigoureux, mais désenchantement aussi

La semaine dernière, l’administration Plante-Dorais présentait son premier budget pour la Ville de Montréal. Ce budget (dit « de transition » parce qu’encore sous l’influence les décisions de l’administration précédente) devait commencer à refléter les valeurs sociales progressistes et la vision urbanistique humaniste de Projet Montréal.

Quant à son contenu, le budget Plante-Dorais a bien amorcé le tournant de Montréal vers une ville plus verte, plus humaine et plus accessible, en augmentant substantiellement mais graduellement des postes de dépenses « sociaux » : transports en commun (+5,1%), service de l’eau (+4,9%), services de proximité et déneigement (+3,6%), transferts et services aux arrondissements (+2,9%), habitation, logement social et salubrité des logements (+8,4 millions $), nouveau programme d’aide aux commerçants affectés par la réfection des infrastructures, etc.

L’ensemble des dépenses sous la gouverne de la Ville de Montréal augmente ainsi de 139,5 millions $ (+2,7% du budget 2017). Mais au budget il faut ajouter 131 millions $ de dépenses supplémentaires prescrites par des ententes-cadres avec l’Agglomération (ex. Réflexe Montréal) ou avec le Gouvernement du Québec (ex. mesures transitoires pour les régimes de retraite). Au total, le budget de Montréal augmente donc de 270,5 millions $ en 2018, soit 5,2% de plus qu’en 2017. C’est substantiel.

Les taxes foncières comptent pour presque 70% des revenus de la Ville de Montréal. Elles augmentent en moyenne de 3,3% en 2018 sur les immeubles résidentiels se répartissant ainsi : 1,9% de taxes foncières générales, 0,3% de taxes d’arrondissement, et 1,1% de taxe d’eau (stable depuis 5 ans). Cette augmentation des taxes au-delà du taux d’inflation (1,9%) à la consommation a été le sujet du tollé d’opposition au budget cette semaine, et les propriétaires sont montés aux barricades. Mais les 60% Montréalais qui ne sont pas propriétaires ? Plusieurs rouspètent car leurs loyers seront éventuellement affectés par toute hausse de taxes foncières.

En fait, pour l’unité de logement (maison ou condo) moyenne à Montréal (430 000 $) avec un compte de taxe moyen de 3700 $, le 3,3% ne représente qu’une augmentation de 118 $ par an pour le/la propriétaire. Et comme l’excès relativement au taux d’inflation n’est que de 1,4% (3,3% - 1,9%), cela revient à un dépassement de la promesse électorale de Projet Montréal de 50$ par an, ou environ 4$ par mois : c’est peu relativement aux taxes et à l’hypothèque. Sans dire que ça ne compte pas, il faut dédramatiser un peu cette « surtaxe », qui aide à réparer les infrastructures d’eau plus rapidement et de diminuer les bris souvent catastrophiques qui augmenteraient les taxes plus tard.

Ce qui rend la grogne particulièrement amère et compréhensible (j’exclus ici les maires des banlieues de l’Île) dans les médias et sur les réseaux sociaux, c’est la conjonction de trois facteurs : 1) cette hausse de taxes brise la promesse électorale de Valérie Plante de « réaliser son programme sans hausser les taxes au-delà de l’inflation », 2) la mairesse et le président du Comité exécutif ont présenté leur budget en niant cette évidence, alléguant que la promesse (cf citation ci-haut) portait seulement sur la partie « charges générales » des taxes foncières (1,9%), et 3) cette rupture de promesse et cette négation viennent d’une candidate et d’un parti qui avaient convaincu une partie de l’électorat qu’on pouvait « faire de la politique autrement ». Cette déception, un sentiment de trahison des espoirs, voilà le plus grave impact social et politique de la présentation du budget 2018 de Montréal. Cette façon maladroite et relativement fallacieuse de présenter le budget a détourné l’attention médiatique et populaire des mesures progressistes du nouveau budget.

Pour bien faire, il aurait fallu reconnaître d’emblée la rupture - à regret - de la promesse électorale de Valérie Plante. (Cet engagement n’aurait pas dû être fait si catégoriquement quand on ne connaît pas encore toutes les données complexes affectant le budget, ni quand on est un parti réformiste progressiste qui doit dépenser pour améliorer les services et la qualité de vie de la population.) Alors, on aurait pu invoquer légitimement le « trou » de 358 millions $ découvert en novembre (un écart de 7% du budget) pour expliquer la méprise sincère de la promesse électorale de Projet Montréal, et surtout la réalisation de l’urgence d’investir dans des infrastructures d’eau. En effet, sans la nouvelle augmentation de la taxe d’eau, l’augmentation de taxes foncières résidentielles aurait été de 2,2% au lieu de 3,3%.
Cette taxe d’eau est devenue le principal point litigieux du budget 2018 de Montréal.

Cela mérite une explication car elle est tout à fait justifiée. Tous les commentateurs reconnaîtront comme P.-A. Normandin de La Presse (http://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/201801/17/01-5150314-refection-du-reseau-deau-montreal-augmente-de-50-la-cadence.php) qu’il fallait augmenter la cadence de réfection ses infrastructures d’eau à Montréal : 18 bris majeurs en 2017 seulement, un déficit d’entretien récurrent depuis les jeux olympiques de 1976, un tiers de l’eau potable gaspillée dans les fuites des conduites d’eau municipales, 11% des 30 milliards $ d’infrastructures nécessitant des réparations urgentes, etc. Or, la taxe d’eau n’a pas été augmentée depuis 2013. En fait, l’administration Coderre s’apprêtait aussi à l’augmenter significativement en 2018 ! (En outre, Coderre prévoyait (cf P.-A. Normandin cité) aussi augmenter les taxes foncières et la taxe d’eau pour une augmentation globale de 3% environ des taxes foncières tout en réduisant le financement des arrondissements qui auraient alors dû ajouter des taxes spéciales ….)

Pour conclure, le budget montréalais 2018 de l’administration Plante-Dorais et l’augmentation de taxes foncières résultante sont bien justifiables et nécessaires, et peu compressibles (la moitié relevant d’ententes-cadres imposées et de la crise des infrastructures d’eau). Le problème n’est pas le budget objectif et les décisions budgétaires prévoyantes, sociales et minutieuses de l’administration Plante-Dorais. Non. LE problème est le désenchantement subjectif d’une partie des Montréalais (et d’autres populations québécoises moins directement) face à l’idéal de transparence, de pédagogie et d’intégrité qui était la marque de Projet Montréal et de Valérie Plante. Bien que l’annonce des 300 nouveaux autobus hybrides par Valérie Plante réalise une promesse électorale particulière hardie, il faudra d’autres gestes et un peu plus d’humilité de l’administration Plante-Dorais et de Projet Montréal face aux erreurs inévitables d’une gouvernance pour retrouver leur crédibilité d’avant le budget et pour reprendre la flambeau du « faire de la politique autrement ».

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