Édition du 16 avril 2024

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Planète

A Bonn, la COP 23 sur le climat s’ouvre sans enthousiasme

La COP23 s’ouvre ce lundi à Bonn, sous la présidence des îles Fidji. Objectif, définir un mode d’emploi pour l’accord de Paris, qui vise à contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C. Mais l’annonce du retrait des Etats-Unis et les ambivalences de l’Union européenne menacent les négociations.

Tiré de Reporterre.

C’est reparti pour un nouveau round de négociations climat. La COP 23 (23e conférence des Nations unies sur le changement climatique) s’ouvre ce lundi 6 novembre à Bonn (Allemagne), sous la présidence des îles Fidji. Pendant deux semaines, les délégués de 195 pays vont négocier les règles de mise en œuvre de l’accord de Paris, adopté en décembre 2015 à l’issue de la COP 21 à Paris, et qui vise à contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C – si possible 1,5 °C.

Une véritable course contre la montre, alors que les rapports alarmistes s’accumulent et que le dérèglement du climat se manifeste déjà aux quatre coins du globe. « Les concentrations de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère continuent à grimper en flèche. En 2016, on a battu un record avec une concentration de 403 particules de CO2 par million », s’alarme Lucile Dufour, responsable des négociations internationales et du développement au Réseau action climat (Rac). « La saison des ouragans a été particulièrement intense dans les Antilles, enchérit François Gemenne, directeur exécutif du programme de recherche Politiques de la Terre à Sciences Po. En Asie du Sud, des pluies de mousson très violentes ont affecté 42 millions de personnes. » « Entre janvier et septembre 2017, près de deux millions de personnes ont été déplacées à cause d’épisodes de sécheresse, notamment en Afrique de l’Ouest », complète Armelle Le Comte, responsable de plaidoyer climat et énergie à Oxfam France.

Au cœur des discussions, les engagements de chaque Etat pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre

Malgré ce contexte d’urgence, la COP 23 s’annonce plutôt technique. Son objectif est de préciser le calendrier et le modalités de mise en œuvre de l’accord de Paris. Parmi les sujets de discussion prévus, les contributions nationales, une feuilles de route où chacun des Etats a détaillé ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à partir de 2020 et les moyens d’y parvenir. « L’accord précise que ces contributions doivent être claires, transparentes et lisibles. Reste à se mettre d’accord sur ce que cela signifie. Les Etats doivent aussi se mettre d’accord sur un calendrier de révision de ces contributions. Enfin, l’accord prévoit un mécanisme de transparence et de contrôle, dont il faut préciser le mode de fonctionnement. Le diable se cache dans les détails et les mécanismes choisis pourront complètement changer le visage de l’accord », prévient Sandrine Maljean-Dubois, directrice de recherches au CNRS et spécialiste en droit international de l’environnement, qui a participé à la COP 21 en tant que membre de la délégation française. Les règles choisies seront regroupées au sein d’une sorte de manuel de mise en œuvre de l’accord, qui doit être adopté lors de la COP 24 fin 2018.

Par ces discussions, les Etats pourront préparer le terrain avant le lancement du « dialogue de Talanoa », annoncé par les îles Fidji, qui doit se prolonger pendant toute l’année 2018 et déboucher sur un bilan intermédiaire des contributions nationales. L’accord de Paris prévoit en effet un premier bilan global en 2023, qui devrait déboucher sur une hausse des ambitions climatiques des Etats. « Pour l’heure, le compte n’y est pas, déplore François Gemenne. Selon le dernier rapport des Nations unies pour l’environnement (Pnue), l’écart entre les engagements et les objectifs est catastrophique et nous place sur une trajectoire de plus de 3 °C de réchauffement. »

« La présidence d’un Etat insulaire menacé de submersion va mettre l’accent sur la solidarité internationale »

La question des financements climat devrait également être abordée. « C’est la première fois qu’une COP s’ouvre sous la présidence d’un petit Etat insulaire du Pacifique, menacé de submersion par la montée des eaux, note Lucile Dufour. Cela va pousser la question de la solidarité internationale. » En 2009 à Copenhague, les pays développés s’étaient engagés à verser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 aux pays en développement les plus impactés par les changements climatiques. Le compte n’y est pas : selon un rapport de l’OCDE d’octobre 2016, seuls 67 milliards d’aide annuels auraient été rassemblés. « A peine 20 % de ces financements iront à l’adaptation au changement climatique, loin des 50 % prévus par l’accord de Paris », précise Armelle Le Comte. Tout l’enjeu sera aussi de définir ce qu’est un financement climat. « Est-ce du don ? Du prêt ? Le projet financé doit-il être entièrement climatique ou seulement en partie ? Il faudra être vigilant sur ces points pour éviter que les Etats ne relabellisent certains projets et gonflent ainsi artificiellement leurs efforts financiers. »

Plus généralement, Fançois Gemenne attend de cette COP 23 qu’elle « repolitise les négociations. La COP 22 de Marrakech avait donné l’impression de discussions vides, apolitiques, comme si c’était à la société civile de présenter des solutions. Le centre de négociations ressemblait à une sorte de foire aux inventions, où chacun présentait son panneau solaire, sa voiture électrique. Mais les Etats ne doivent pas se laver les mains au motif que l’accord de Paris a été adopté. La grande question est de savoir si l’on considère cet accord comme un point de départ ou une ligne d’arrivée ».

Quel impact du retrait des Etats-Unis sur l’accord de Paris ?

Reste à savoir si la délégation américaine ne va pas faire de l’obstruction aux négociations. Le 1er juin dernier, Donald Trump a annoncé l’intention des Etats-Unis, deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre, de quitter l’accord de Paris. Pour des raisons internes au fonctionnement de l’accord, le retrait ne sera pas effectif avant la fin de l’année 2020. Mais Donald Trump a d’ores et déjà annoncé qu’il ne verserait plus la contribution des Etats-Unis à la Convention-cadre des Nations unies sur les changement climatiques (CCNUCC), de 15 millions de dollars par an, ni celle dédiée au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), soit 40 % de son budget. Il est revenu sur la promesse de Barack Obama d’abonder le Fonds vert pour le climat à hauteur de 3 milliards de dollars (un milliard avait déjà été versé). « Cela représentait 25 à 35 % du budget du Fonds vert », déplore Sandrine Maljean-Dubois.

Pour ce qui est de l’impact sur les négociations à proprement parler, les avis sont mitigés. « Quand l’élection de Trump a été annoncée en pleine COP 22 à Marrakech, ça a glacé tout le monde, se souvient Sandrine Maljean-Dubois. On savait que ce n’était pas bon pour le processus. Mais il n’y a pas eu non plus d’effet domino. » « La déclaration de Trump est une provocation, quelque chose d’inédit dans le multilatéralisme. Elle ne renforce pas le processus et démoralise, estime Amy Dahan, historienne des sciences et directrice émérite au CNRS, co-auteure de l’ouvrage Gouverner le climat ? 20 ans de négociations climatiques, écrit avec Stefan Aykut. Mais Trump galvanise aussi les forces qui lui sont contraires : le capitalisme plus avancé, plus vert, plus numérique des grands groupes de Californie, les maires des grandes villes... Le front contre lui a l’air de tenir. » Pierre Cannet, responsable des programmes climat, énergie et villes durables au WWF France, veut également croire à l’existence d’un mouvement climatique européen : « On se souvient de la pétition “We’re still in” et de ses 2.300 signataires, parmi lesquels des collectivités territoriales, des régions et des entreprises, qui se sont mobilisés pour montrer que l’accord de Paris était irréversible. »

La Chine et l’Union européenne, déterminées mais ambivalentes

Les autres Etats signataires de l’accord ont fait front. En juillet, les pays du G20 (moins les Etats-Unis) ont qualifié l’accord de Paris d’irréversible et assuré qu’ils veilleraient à sa mise en œuvre. En juin, un sommet a eu lieu entre la Chine (premier pollueur mondial) et l’Union européenne (troisième pollueur), au cours duquel chacun s’est engagé à réduire la part des énergies fossiles et à participer activement à la levée de 100 milliards de dollars annuels pour les pays en développement. « La Chine reste déterminée, elle voit un intérêt économique dans l’accord de Paris puisque tous les experts disent que le temps du charbon est derrière nous. Mais sur le plan politique, sa position est plus difficile à lire : elle ne semble pas prête à occuper le boulevard laissé par le retrait des Etats-Unis », analyse Sandrine Maljean-Dubois. « Il y a eu beaucoup d’agitation politique autour de la Chine comme nouvelle bonne élève, mais il faut prendre cela avec précautions, estime pour sa part Amy Dahan. Elle fait des efforts et investit dans les énergies renouvelables, mais elle ne s’est engagée que sur des politiques qui servaient ses intérêts économiques et sociaux. Elle n’a jamais dit qu’elle allait sortir du charbon. Elle va à son rythme et ne va pas au-delà de ce qui l’arrange. »

Quant à l’Union européenne, elle peine à prendre le leadership des négociations. En cause, sa difficulté à régler la question du partage de l’effort entre les Vingt-Huit pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est fixé : - 40 % en 2030 par rapport à 1990. La réforme de son système d’échange de quotas d’émissions de CO2, en discussion depuis l’été 2015, est complètement bloquée, notamment par la Varsovie. « 17 milliards d’euros, c’est le montant possible des investissements dans les centrales à charbon, si la proposition de la Pologne sur le marché carbone était adoptée », alertent plusieurs ONG climatiques et de solidarité internationale dans un communiqué distribué le 2 novembre.

Vers un fiasco polonais en 2018 ?

La perspective que la COP 24 de 2018, décisive pour adopter le manuel de mise en œuvre de l’accord de Paris, se déroule à Varsovie, n’a donc rien de rassurant. « La COP de Varsovie avait été assez catastrophique sur le plan politique, se souvient Sandrine Maljean-Dubois. Ils avaient organisé un sommet du charbon juste à côté du centre des négociations. Le ministre de l’environnement, qui présidait les négociations, avait été limogé en plein milieu parce qu’il s’était opposé au gaz de schiste. Depuis, la position de la Pologne n’a pas beaucoup évolué. » « La Pologne est encore très dépendante du charbon et plusieurs de ses dirigeants sont climatosceptiques. Elle a très bien compris que le meilleur moyen de freiner les négociations sans devenir un mouton noir était de les organiser elle-même », abonde François Gemenne.

Dans ce contexte, la position de la France reste floue. En juillet dernier, Emmanuel Macron a certes annoncé la tenue d’un sommet sur le climat, le 12 décembre à Paris, co-organisé avec le secrétariat général des Nations unies et la Banque mondiale. Cet événement, auquel assisteront plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement, sera consacré au financement de la lutte contre le changement climatique. Mais en parallèle, dans son projet de loi de finances pour 2018, le gouvernement a abandonné l’élargissement de la taxe sur les transactions financières, prévu à partir du 1er janvier 2018 et dont une partie des recettes devait être reversée au titre de l’aide publique au développement. Toujours dans le cadre de cette loi, la ministre des Outre-Mer Annick Girardin a annoncé fin octobre la suppression du Fonds vert – une enveloppe de 25 millions d’euros destinés à aider les territoires français d’Outre-mer à s’adapter aux changements climatiques.

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