À Ottawa : des décisions troublantes, un enrobage scientifique bien mince
C’est ainsi, par exemple, que le premier ministre a applaudi le « plan climat » de l’Alberta en le décrivant comme « un pas très positif dans la lutte contre les changements climatiques [1], alors que ce plan permet une hausse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre associées à la production de pétrole des sables bitumineux [2]. C’est aussi en se réclamant d’une évaluation « rigoureuse » fondée sur « la science la plus solide qui soit » que son gouvernement a approuvé le mégaprojet de liquéfaction de gaz naturel Pacific Northwest en Colombie britannique [3]. De même, c’est en invoquant « la science et les données probantes », et même l’espoir de laisser « un pays plus propre » à nos enfants, que le premier ministre a donné son accord à l’expansion du pipeline Trans Moutain en Colombie-Britannique. [4]. Finalement, malgré ses promesses, Ottawa n’a toujours pas de plan pour éliminer les subventions aux énergies fossiles [5]
Cette dérive sémantique n’est pas anodine. Pour en saisir la portée, il faut se rappeler que les émissions du secteur pétrolier représentent déjà 25 % des gaz à effet de serre (GES) émis au Canada, que le gouvernement Trudeau a promis de réduire les émissions de GES de 30 % d’ici 2030 par rapport à 2005, et que jusqu’à présent, les réductions atteignent seulement 2,2 % [6]. Sachant cela, force est d’admettre que ces décisions sont éminemment troublantes – que leur enrobage « scientifique » est tellement mince qu’on voit à travers.
À Québec, des postvérités sous forme d’omissions
Au Québec, alors que la cible officielle de baisse des émissions de GES est de 37,5 % en 2030 et de 80 à 95 % 2050, par rapport à 1990, [7] le gouvernement Couillard subventionne des hydrocarbures à coup de dizaines de millions de dollars et crée un cadre réglementaire qui ouvre toute grande la porte à leur extraction en sol québécois.
Ici, la postvérité sous la forme d’omission intervient quand nos décideurs politiques présentent le gaz naturel comme une énergie de transition, en utilisant le prétexte de la réduction des émissions de GES pour financer l’expansion du réseau de Gaz Métro [8] ou la conversion des véhicules lourds au gaz naturel [9] au moyen du Fonds vert – mais sans préciser que cette réduction concerne uniquement le CO2 émis lors de la combustion. Or le gaz naturel, composé à 95 % de méthane (CH4) [10] a la mauvaise habitude de fuir à toutes les étapes de sa production, de son transport et de sa consommation – et le potentiel de réchauffement planétaire du méthane est 86 fois plus élevé que celui du CO2 sur 20 ans. La vérité complète est celle-ci : la contribution du gaz naturel « conventionnel » au réchauffement planétaire est au moins comparable à celle du diésel et à celle du gaz de schiste qui est assurément beaucoup plus élevée. [11]
La science et les faits ont également subi une dégelée quand le gouvernement Couillard a présenté ses projets de règlement d’application de la loi des hydrocarbures, le 20 septembre dernier, en les qualifiant de « cadre réglementaire le plus strict en Amérique du Nord » – mais en omettant de mentionner que la fracturation hydraulique est interdite dans plusieurs provinces et États. Ces règlements permettraient les forages avec fracturation hydraulique dans les lacs et les rivières, à 40 mètres de la voie navigable du Saint-Laurent, à 175 mètres d’un quartier résidentiel, à 275 mètres d’une garderie ou d’une école… Le communiqué du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles ne soulignait pas non plus que selon les études gouvernementales, l’exploration des énergies fossiles serait « difficilement conciliable avec les objectifs du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques » [12] »
Une question de survie
Les causes ne manquent pas par les temps qui courent. Au RVHQ, nous croyons néanmoins que lutter contre les faits alternatifs pour préserver le climat et l’eau potable n’est pas un choix mais bien une question de survie pour les générations qui suivent. En tant que retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics Québec, vous faites partie des personnes les mieux placées pour livrer cette lutte et de nombreux membres de votre association font d’ailleurs partie du RVHQ. Si vous avez le goût de vous joindre au mouvement citoyen de défense des faits, de la science et de la beauté du monde, écrivez-nous à communication@rvhq.ca.
L’engagement citoyen fonctionne !
Le 5 octobre 2017, au terme d’une lutte souvent décrite comme celle de David contre Goliath, la société TransCanada annonçait l’abandon de son mégaprojet de pipeline Energie Est. La contribution inestimable du mouvement citoyen à cette victoire a été largement saluée.
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