Cette nouvelle mouture du nationalisme conservateur aurait pris son essor après la défaite du Parti Québécois (PQ) aux élections de 2007. En somme, le nationalisme conservateur se nourrirait de la crise de la lutte pour la souveraineté du Québec. Il identifierait la nation québécoise à sa souche canadienne-française. Ce nationalisme aurait une influence grandissante sur le Parti québécois.
Le livre analyse la pensée d’une brochette d’intellectuels organiques de ce courant : Joseph Yvon Thériault, Éric Bédard, Marc Chevrier, Stéphane Kelley et Gilles Labelle. Piotte et Couture définissent ce néonationalisme conservateur par les traits suivants : le passéisme, la critique conservatrice de la modernité, l’épistémologie idéaliste, l’oubli ou le rejet de l’apport des sciences sociales et l’euphémisation de leur conservatisme. La culture de l’élite est au centre de l’interprétation par ces intellectuels de l’Histoire du Québec....
La partie théorique de l’ouvrage est peu développée. On peut certes retrouver la cohérence des vues des auteurs dans les critiques apportées aux différents intellectuels néoconservateurs . Mais ces présupposés théoriques ne sont pas explicités. Quelle est leur définition de la nation ? Défendent-ils une conception civique de la nation ou une conception socio-politique ? Quelle est la place des classes sociales dans leur conception de la nation ? Quelle est la place des mémoires des différents mouvements sociaux dans le développement d’une identité nationale particulière ? Comment la nation québécoise est-elle un enjeu d’un combat entre les différentes classes qui la composent et du combat féministe qui la traverse dans la définition des différents projets politiques présents sur la scène québécoise ? Comment le problème de la multiple appartenance nationale se pose-t-il à la nation québécoise dans un contexte où la nation canadienne est un facteur d’identification d’une partie des Québécoises et des Québécois, et particulièrement, des élites économiques dominantes ?
Si nombre d’allusions sont faites à l’évolution du Parti québécois vers une démarche de plus en plus étroitement identitaire à mesure que la lutte pour l’accession à la souveraineté était reportée, Piotte et Couture semblent présenter l’apparition de nos intellectuels néoconservateurs comme la cause et non comme les produits de cette évolution historique. Ici aussi, l’intérêt du livre, nous semble moins reposer sur la description du conservatisme des différents auteurs analysés, que sur certaines réponses à des questions stratégiques que leur livre suggère.
Leur conclusion présente l’inscription sociale des intellectuels conservateurs étudiés dans la société québécoise. Elle décrit un réseau intellectuel et les luttes idéologiques menées par ces derniers pour imposer leur hégémonie particulièrement contre le nationalisme pluraliste. Piotte et Couture montrent que dans leur « quête d’une nation forte et unie, dans et par sa tradition, les intellectuels étudiés en viennent à stigmatiser les minorités "de toutes sortes" qui la menacent... » Les auteurs décrivent comment les intellectuels conservateurs sont relayés dans différents médias par les intellectuels médiatiques qui permettent de consolider leur position hégémonique.
Bref, un souhait : que ce livre soit une ouverture à une recherche plus ambitieuse sur la réalité de la nation québécoise aujourd’hui comme cadre complexe de nos combats émancipateurs.