Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

À quand la plate-forme Solidaire après l’hypocrite clarté du PQ

Le PQ vient de faire connaître sa plate-forme électorale pour l’élection de l’automne 2018 dite « proposition principale » quitte à la réajuster dans huit mois. Enraciner le mensonge et l’hypocrisie est en effet long et compliqué.

« Malgré leur volonté de ‘‘tourner le dos au pétrole’’, les délégués [au Conseil national du PQ] ont gardé la porte ouverte aux projets d’exploitation pétrolière ou gazière bénéficiant de l’‘‘acceptabilité sociale’’ » [1]... fabriquée par les monopoles médiatiques [2]. Pour être encore plus clair, « [i]ls ont […] invité les élus péquistes à l’Assemblée nationale à ‘‘s’opposer » à toute forme d’exploitation pétrolière et gazière qui aurait des impacts environnementaux plus importants que le pétrole et le gaz importés actuellement’’ ». Comme le pétrole bitumineux importé aux deux raffineries québécoises supplantera à terme celui conventionnel grâce à l’oléoduc d’Enbridge maintenant en opération et du train de la mort vers Sorel, cette restriction s’avère en fait un bar ouvert. Comme summum de la clarté, les délégués ont refusé de s’opposer à l’élargissement de l’autoroute 30 bien que « la Commission politique préconise la mise sur pied d’une ‘‘stratégie de lutte contre l’étalement urbain et l’empiétement anthropique’’ ».

Pour combler la mesure de cette lumière transcendante, après que le PQ gouvernemental sous Pauline Marois eut favorisé l’oléoduc Énergie-Est de Trans-Canada, celui oppositionnel le rejette. Voilà pour la proposition principale censée être « un net virage à gauche de nature à favoriser le rapprochement avec Québec solidaire » [3]. Tant qu’à faire des pirouettes à propos des hydrocarbures, pourquoi pas aussi à propos des syndicats et de la loi du travail. Pourquoi pas promettre des études sur Pharma-Québec et sur le revenu minimum garanti, comme en font aussi les Libéraux sur ce dernier sujet. Pourquoi pas aussi faire des phrases. Si la plate-forme clignote à gauche, le discours du chef, beaucoup plus médiatisé, signale à droite vers la CAQ. Mais là aussi, ce protectionnisme à saveur Trump ne fait pas sérieux pour une petite économie provinciale déjà très ouverte [4].

Jadis, le grand écart du nationalisme interclasse du PQ se résolvait dans la lutte commune pour l’indépendance... sans diviseur projet de société. Comme le leurre du « p’tit Canada » a dorénavant démontré son rapport coût-bénéfice tendant vers l’infini, le PQ est condamné au jeu de la carotte suspendue dans la face de l’âne quitte à osciller comme un pendule devenu fou entre la gauche et la droite. Ce vide stratégique déroule le tapis sous les pieds de Québec solidaire qui le remplit avec son utopie constituante pour gens bien élevés respectueux des formes démocratiques et croyants au comte de fée des ruptures dans la continuité malgré les faits brutaux de l’histoire réellement existante. Il faut cependant avouer que la longueur du processus constituant parsemé des prévisibles coups de Jarnac reporte pratiquement le référendum final au deuxième mandat... c’est-à-dire aux Calendes grecques. Astuce à la Parizeau qui crée quelque part un terrain d’entente dont les vedettes de « Faut-qu’on-separle » pourraient être l’interface... d’autant plus que la porte-parole parlementaire leur laisse la place.

Voyant (enfin) le cul-de-sac, la gauche Solidaire avoue que « la constituante comme expression de la souveraineté populaire ne pourra se concrétiser que par une transformation du rapport de force entre les classes fondamentales de la nation québécoise, et par la réorganisation de la lutte indépendantiste autour d’un projet de transformation sociale radicale. » [5] Sauf qu’elle se refuse à concrétiser ce projet mobilisateur après onze ans de loyale opposition à la direction sociale-libérale du parti. Ne lui reste plus qu’à retomber dans l’ornière électoraliste de « l’élection d’un parti ou (d’une alliance de partis politiques indépendantistes) [qui] peut être un déclencheur de cette démarche [...grâce à] la perspective de [la] constituante... ». Pour ne pas ainsi tourner en rond, puis-je rappeler l’audace écologique du dernier congrès Solidaire dont on peut dégager le stratégique projet de société du plein emploi écologique dont l’indépendance est la clef [6]. Le parti attend-t-il Godot avant de rendre publique une telle plate-forme ?

Marc Bonhomme, 19 janvier 2017


[1Marco Bélair-Cirino, Lisée veut lutter contre la pauvreté issue du fédéralisme, Le Devoir, 16/01/17

[2Bruno Massé, L’acceptabilité sociale, ou l’art de se faire avoir ?, Huffington Post Québec, 24/09/13

[3Michel David, À gauche toute, Le Devoir, 17/01/17

[4Jean-Robert Sansfaçon, Au-delà des slogans (éditorial), Le Devoir, 18/01/17

[5Bernard Rioux, La constituante, un axe stratégique dans la lutte pour l’indépendance, Presse-toi-à-gauche, 17/01/17

[6Voir sur mon site : « Cachez ce plan vert de plein emploi écologique que le PQ ne saurait voir », 29/10/16

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