Édition du 23 avril 2024

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Afrique du sud : Le Zuptagate va-t-il éclabousser l’UE ?

Lord Peter Hain, ancien militant anti-apartheid, a mis le pied dans la fourmilière des complicités tacites ou involontaires des banques européennes à blanchir l’argent des familles Gupta et Zuma. Dans son discours à la Chambre des Lords, il demande à son pays et aux autres pays de réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Tiré du blogue de l’auteure.

La Grande-Bretagne a adopté une nouvelle loi pour condamner le blanchiment d’argent et les crimes financiers (Sanctions and Money Laundering Bill) ; tout en s’en réjouissant Lord Hain estime que ce combat ne peut pas se gagner dans un seul pays, mais qu’il faut une coordination entre les services de police et organismes de respect de la loi des divers pays pour être vraiment efficace et éliminer cette gangrène qui menace tous les pays. « Le blanchiment d’argent est un facilitateur essentiel du crime organisé, qui permet à des criminels de transférer des millions d’un fonds bancaire illicite dans l’économie légale, ce qui ruine son intégrité et la confiance du public…mais sans coopération transfrontalière, nous ne gagnerons pas la guerre contre la criminalité financière » .

Pour rendre plus intelligible la malfaisance de cette criminalité sur les populations les plus pauvres, il a détaillé le mécanisme d’une escroquerie mise en place dans l’Etat libre, une des neuf provinces de l’Afrique du Sud, par la famille Gupta et ses complices.

« ..Plus de la moitié de la population de cette province vit avec un repas par jour, des milliers d’enfants vont à l’école le ventre vide, s’ils ont la chance d’aller à l’école, la moitié des élèves quittent l’école avant l’obtention du « matric » (équivalent du baccalauréat) parce que leur préoccupation quotidienne est d’abord de survivre. Aussi quand le gouvernement provincial annonça en février 2013 qu’il donnait 20 millions d’euros pour la construction d’une coopérative de production laitière dans la petite ville de Vrede dont 80 familles pauvres seraient co-responsables, la communauté a eu une lueur d’espoir. Mais ce que les gens de Vrede ne savaient pas c’est que ce projet et leur village allait devenir la scène d’un crime de blanchiment d’argent transnational commis par les autorités de la province du Free State et la famille Gupta. Ce réseau criminel a utilisé ces 80 familles pauvres comme pions dans un maelstrom de crimes financiers impliquant des institutions bancaires britanniques et d’autres pays ».

Lord Hain explique alors le mécanisme qui a permis à la famille Gupta, grâce à des sociétés bidons dont les comptes étaient détenus par une banque britannique, puis dans les Emirats arabes unis, puis en Inde, pour être rapatriés en Afrique du Sud sur le compte des Guptas et comment cet argent a servi pour le somptueux mariage d’une fille Gupta. Pendant que les invités se gavaient de truffes au chocolat, les vétérinaires de l’Etat libre découvraient les carcasses pourrissantes de 30 vaches mortes de malnutrition dans le village de Vrede.

Lord Hain rappelle que le Groupe d’Action financière ou Gafi, mise en place à Paris par le sommet du G7 en juillet 1989, avait mis en garde sur l’utilisation frauduleuses des zones franches pour recycler l’argent sale et fournir des fonds illégaux à la mafia et au terrorisme et que des questions se posent sur ces zones franches utilisées par les Emirats arabes unis et d’autres pays pour attirer les investissements étrangers et impulser le commerce international « avec la complicité, consciente ou inconsciente des institutions financières britanniques du réseau criminel transnational Gupta/Zuma ».

Pour l’ancien militant anti-apartheid, il est grand temps de prendre des mesures efficaces pour mettre fin à ces réseaux criminels et éviter que des entreprises multinationales comme Bell Pottinger, McKinsey, KPMG et SAP soient « contaminées » par leurs relations coupables avec la famille Gupta.

Lord Hain a envoyé son discours au Chancelier de l’Echiquier de son pays, à l’ambassadeur américain à Londres pour demander l’intervention du FBI ; sa collègue Neena Gill, députée européenne pour le parti travailliste a soulevé le problème au Parlement européen et le Commissaire Pierre Moscovici a répondu favorablement à sa demande d’enquêter sur les banques européennes qui pourraient être impliquées dans le scandale ; et il a aussi écrit au Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Pour l’ancien militant anti-apartheid "le gouvernement britannique et les parlementaires sont complices de l’élite corrompue de l’Afrique du Sud aujourd’hui au pouvoir qui trahit l’héritage de la lutte anti-apartheid, comme ils ont été complices de l’apartheid ».

On peut lire le discours de Lord Peter Hain du 1er novembre 2017 en cliquant sur le lien.

Jacqueline Dérens

Blogueuse sur le site de Mediapart (France). Ancienne militante contre l’apartheid, fondatrice de l’association RENAPAS - Rencontre nationale avec le peuple d’Afrique du Sud.

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