Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique d’austérité

En réaction à la proposition du CPQ de fermer la Gaspésie et les régions pauvres

Amen !

Cher Conseil du patronat du Québec (CPQ), Le mémoire que tu as déposé la semaine dernière lors de la commission parlementaire sur la Stratégie gouvernementale de développement durable 2015-2020 est un vrai petit bijou. De A à Z. Les propos que tu y tiens sont tout à fait brillants, que dis-je, inspirants.

Tiré du site du journal Le Graffici.

J’espère que le noeud de ce document, oh combien éloquent et raisonné, sera entendu par notre bon gouvernement. Parce que tu as raison sur toute la ligne. Je ne le cacherai pas ; depuis que le document a été publié par petites bribes dans les médias, je te vénère. Et ceux qui gueulent, au fond de leur village ? Eux-mêmes savent que tu as raison.

Gloire à toi, CPQ ! Gloire à tes écrits, à ton intelligence, à ta compréhension du monde !
Tu dis vrai lorsque tu encourages nos élus à mettre la hache dans des petites municipalités québécoises qui n’ont absolument rien de rentable anyway. Arrêtons de vivre en 1920, arrêtons la gangrène des trous perdus qui mettent à mal l’entièreté du Québec.

Éteignons le feu avant que ça se propage, cette médiocrité-là. À bas les petits hameaux inutiles, à bas les patelins pathétiques, la mentalité faible de région. Et fermons enfin la gueule de ce petit peuple qui chiale de midi à 14 heures depuis des siècles et des siècles.

Amen.

Des gens, ça se déplace comme du bétail sans broncher ; y’a qu’à leur demander et tous ces pauvres habitants seront heureux de saisir l’immense chance qui leur est offerte, soit celle de quitter le bled pourri où ils résident par défaut. De toute façon, peut-on vraiment parler de choix ? Choisir de rester agglomérés comme un troupeau à des heures des grands centres ? Choisir de s’isoler de tous services qui se tiennent, des restaurants 24 heures, des drive-through , du Centre Bell pis du Centre Eaton ? Choisir d’être pauvres et mal éduqués ?

Choisir de n’avoir aucun avenir ?

On fera une fleur aux dames et messieurs en fermant leur bourgade. En tirant la plug de leur patelin à moitié mort de toute façon. On leur sauvera peut-être la vie, qui sait, en les déménageant à Dorval, Longueuil ou Lachine. Parce qu’effectivement, ce sont des martyrs que notre bon gouvernement se doit de sauver. Des brebis égarées à secourir, des veuves et des orphelins qu’il nous faut absolument délivrer. Avec ben de la job, je suis pas mal certaine qu’on pourrait faire de ces paysans-là des citadins au moins un minimum civilisés. Mettons-nous au travail au plus sacrant ! Qu’est-ce qu’on attend ?

Allez, CPQ. Moi qui te suivrais au bout du monde, je t’aiderai à vider les régions. Je serai là, derrière toi, à poser les pancartes quand tout le monde sera enfin parti, les yeux remplis de l’espoir d’une vie meilleure. D’une vie de trafic, d’une vie de surpopulation, d’une vie de station Berri-UQÀM, d’une vie de béton.

Je la vois déjà, ma belle affiche. ‘’Région fermée’’. Ça va être un soulagement pour tout le Québec, quand on va enfin poser ça. Ça va pousser des soupirs de Dollard-des-Ormeaux à Limoilou. Ça va être le party en sacrament, CPQ !

Je suis d’accord avec toi, CPQ. Vivre en région ‘’éloignée’’, c’est se donner du trouble big time. C’est aussi en donner aux autres, plus sensés, qui ont eu le bon sens d’élire domicile en ville. En fait, c’est presqu’une insulte à l’intelligence collective.

Gouvernement fédéral, ajoute-moi ce crime infâme dans le Code criminel et que ça saute ! Ça va régler la question une bonne fois pour toutes. Parce que les gens qui restent dans Rosemont-Petite-Patrie, eux autres, y’ont tout compris. Et de toute façon, c’est pour eux que notre gouvernement provincial doit prendre des décisions, c’est pour eux qu’il se doit de gouverner.

Sûrement pas pour une bande d’illuminés qui veulent à tout prix vivre leur rêve de Filles de Caleb, ces pauvres chômeurs qui préfèrent rester effoirés dans leur divan à fumer et bouffer des chips plutôt que de prendre part à la société active qui envoie des chèques pour compenser leur paresse. Encore moins pour ces êtres aux accents incompréhensibles qui n’ont jamais lu un traître livre de leur vie et qui ne sont même pas capables de parler sur le sens du monde, ces gens qui se saoulent aux paysages pour oublier leur misérable existence.

CPQ, t’es un maître à penser. T’es un Dieu. Hourra ! Hourra ! Hourra !

J’ai envie de dormir enlacée avec ton mémoire, de lui faire son café le matin et de le tenir par la main dans l’adversité. J’ai envie de me mettre du rouge à lèvre fushia, de couvrir chacune de ses pages de baisers et de le faire laminer sur le mur de ma chambre à coucher.
 
Ton document, il est juste trop bien pour n’être jamais mis à exécution. Tu révolutionnes le Québec ; tu nous feras passer de singes à hommes. CPQ, l’évolution, c’est toi ! Mieux : ton mémoire, c’est la vie. Ni plus ni moins. La vie, CPQ. M’entends-tu ? J’ai envie de t’épouser, CPQ ! CPQ, ÉPOUSE-MOI !

Je ne te remercierai jamais assez d’enfin dire tout haut ce que tout Montréal pense tout bas. De remettre la province sur les rails, de tenter de la dépolluer de la puanteur infecte des régions.

J’espère que Philippe Couillard, ce premier ministre que je respecte tant, t’écoutera, ajoutant ainsi cette décision à cette lignée sans faute d’annonces parfaites qui me font saliver de satisfaction.

Ne te rétracte surtout pas, CPQ. Ne t’abaisses pas à ça. Tu sais comme moi qui a inventé le bon sens ; c’est toi.

Roxanne, qui trouve, comme tout le monde, que tu es un pur génie.

P.S Ceci est la lettre que tu aurais aimé recevoir, CPQ. Celle qu’aucun Québécois, je l’espère, ne t’écrira sérieusement.

Évidemment que c’est un gros tas de bullshit, cette lettre. Parce que ton mémoire, je ne marcherais même pas dessus de peur de me salir les bottes. Tes mots me dégoûtent, ta vision du Québec me donne la furieuse envie de dégobiller, le simple fait que tu aies osé présenter pareil torchon me donne de violentes crampes intestinales.

Tu pensais quoi, CPQ ? Qu’on allait tous te prendre sur nos épaules avec des ‘’Hey-pé-pipe-hourra’’ ou te faire la bascule ? Qu’on allumerait des feux de Bengale, qu’on ferait de toi un saint, un gourou ? Qu’on se garocherait pour te féliciter ?

Je vais te dire seulement une chose, CPQ. Si pour toi vivre dans une région ‘’pauvre’’, c’est un fardeau, je serai toujours fière de l’être à tes yeux. D’être ton boulet gaspésien, d’être ta honte dévitalisée. D’aimer si fort ce que tu méprises tant.

Roxanne Langlois

Lectrice du journal Le Graffici (Gaspésie).

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