Édition du 16 avril 2024

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Amnistie internationale presse le Canada d’appliquer les recommandations de l’ONU pour mettre fin aux violations des droits économiques, sociaux et culturels

Le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels a émis ses observations finales aujourd’hui, suite à son examen, le mois dernier, de la conformité du Canada aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il s’agit du premier examen du Canada réalisé par ce Comité depuis 2006 et le premier examen du Canada par une agence des droits humains de l’ONU sous le nouveau gouvernement Trudeau.

Le Comité a vigoureusement rejeté la position prise par le Gouvernement à de nombreuses occasions et pendant plusieurs années à l’effet que les droits économiques, sociaux et culturels (ESC) sont d’une nature différente et qu’ils ne sont pas soumis au même niveau de respect judiciaire que les droits civils et politiques.

Alex Neve, le secrétaire général d’Amnistie internationale Canada section anglophone, a déclaré : « Pendant trop d’années — que ce soit à l’ONU, au Parlement ou devant les tribunaux — le gouvernement canadien a maintenu que l’on ne peut pas faire respecter les droits relatifs à des préoccupations aussi essentielles que la santé, le logement, l’éducation, l’alimentation et l’eau, au même titre que d’autres droits. Cette position est en contradiction complète avec le droit international et elle a été réfutée une fois de plus par les experts de l’ONU. Le temps est venu pour le gouvernement canadien de tourner la page et d’abandonner cette position intenable, et de reconnaître que les droits économiques, sociaux et cultures doivent être maintenus et défendus au même titre que tous les autres droits. »

Le Comité a exprimé plusieurs inquiétudes relatives aux droits des peuples autochtones du Canada ; entre autres, le pays n’a pas toujours su respecter le droit des peuples autochtones à un consentement éclairé, libre et préalable (CELP) pour ce qui touche au développement des ressources sur leurs terres. Le Comité demande au Canada de « reconnaître entièrement » le CELP dans ses lois, ses politiques et ses pratiques.

Le Comité s’est montré préoccupé par le fossé économique et social qui subsiste entre la population autochtone et non autochtone, et qui comporte, entre autres, des inégalités pour ce qui de l’accès au logement, à l’éducation et aux services de santé. Il a pressé le Canada de garantir aux Premières nations la salubrité en matière d’eau de consommation et d’égouts. De manière significative, le Comité a spécifiquement demandé au Gouvernement de respecter intégralement le récent jugement du Tribunal canadien des droits de la personne relatif à la fourniture de services à l’enfance et à la famille sur les réserves des Premières nations.

Le Comité souligne qu’il est inquiet du fait que les changements climatiques ont un effet néfaste sur les droits des peuples autochtones, et insiste particulièrement sur l’affaiblissement des normes de protection environnementale ces dernières années. Le Comité presse le Canada d’impliquer entièrement les Peuples autochtones dans l’élaboration de politiques et de programmes relatifs aux changements climatiques, et aussi de renforcer les normes et l’approbation des projets de développement des ressources, dont les évaluations d’impacts environnementaux, afin de respecter ses obligations internationales en matière de droits humains.

Le Comité demande au Canada de renforcer, de plusieurs façons, ses politiques et ses programmes relatifs aux droits des Peuples autochtones, entre autres par la promotion et l’application de la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, l’augmentation des niveau de financement fédéral et provincial, et l’application des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation.

Alex Neve a déclaré : « Le Comité a accueilli favorablement la promesse faite par le nouveau gouvernement d’améliorer la situation dans laquelle se trouvent les Peuples autochtones, mais il est aussi grandement préoccupé par l’absence de progrès qui subsiste et par les nombreux obstacles qui nuisent à la protection des droits des Peuples autochtones. La nouvelle attitude du Canada doit maintenant déboucher sur des actions concrètes. Un gigantesque premier pas consisterait à arrêter la construction du barrage du Site C en Colombie-Britannique, qui se poursuit sans le consentement des communautés des Premières nations qui sont affectées. »

Le Comité a demandé au Canada de renforcer sa législation relative aux impacts que les opérations étrangères des entreprises canadiennes ont sur les droits humains, par l’établissement entre autres de « mécanismes efficaces d’examen des plaintes » et l’adoption de mesures afin de « faciliter l’accès à la justice devant des tribunaux domestiques pour les victimes de la conduite de ces entreprises ». Le Comité a également recommandé que les ententes d’investissement et de commerce négociées par le Canada reconnaissent que les obligations du Canada en matière de droits humains doivent primer sur les intérêts des investisseurs, afin que l’introduction des procédures de règlement de différend entre un investisseur et l’État ne présentent pas d’obstacles à l’entière réalisation des droits du Pacte.

Béatrice Vaugrante, la directrice générale d’Amnistie internationale Canada section francophone, a déclaré : « Le Comité a clairement dit que les entreprises doivent être imputables en matière de droits de la personne dans leurs opérations à l’étranger et que la politique commerciale du Canada doit placer les droits humains au premier plan. Ces recommandations arrivent à point nommé, étant donné plusieurs inquiétudes sérieuses au sujet de l’impact des opérations à l’étranger des compagnies minières canadiennes et du débat qui s’annonce sur la ratification du Partenariat transpacifique. »

Le Comité a également recommandé que le Canada surveille l’introduction, par les provinces, de mesures d’austérité et qu’il s’assure qu’elles ne minent pas le contenu obligatoire minimum de tous les droits du Pacte, et que de telles mesures ne soient pas discriminatoires et qu’elles soient temporaires, nécessaires et proportionnées.

Béatrice Vaugrante a aussi déclaré : « Le Comité a fait remarquer que les mesures d’austérité dans des secteurs tels que les soins de santé et l’éducation ont un impact disproportionné sur les femmes et les groupes vulnérables. Toutes les provinces devraient procéder à une évaluation exhaustive de l’impact que toutes mesures budgétaires régressives ont sur les droits humains pour garantir que les femmes et les groupes marginalisés ne soient pas affectés de façon disproportionnée. »

Sur la question des migrants, le Comité a souligné le fait que certaines catégories de travailleurs étrangers, dont les travailleurs migrants temporaires et saisonniers, comme ceux qui travaillent comme aidants familiaux, sont vulnérables face à l’exploitation par les employeurs, surtout si leur permis de travail est lié à un employeur en particulier. Le Comité s’est également dit inquiet que des immigrants sans papiers au Canada se voient refuser l’accès aux soins de santé, et il a recommandé que le Gouvernement garantisse l’accès au Programme fédéral de santé intérimaire sans discrimination par rapport au statut d’immigrant, conformément à une recommandation semblable faite l’an dernier par le Comité des droits de l’homme de l’ONU.

Le Comité a accueilli favorablement la décision d’instituer une enquête sur les femmes autochtones assassinées et disparues, mais il a cependant exprimé sa préoccupation relative à la violence persistante envers les femmes au Canada ; cette violence est surtout présente chez les femmes et les filles autochtones et elle est exacerbée par la précarité de la situation économique des femmes. Il a enjoint le Canada d’étudier les liens qui relient la violence à la pauvreté, à l’origine ethnique et à la vulnérabilité, et de prendre des mesures efficaces visant à prévenir et à éradiquer la violence envers les femmes et les filles.

Le Comité a demandé au Canada de s’assurer que les mesures prises en vue de l’élaboration d’une politique alimentaire nationale et d’une stratégie nationale de l’habitation, soient fondées sur les droits de la personne.

Le Comité a pressé tous les niveaux de gouvernement au Canada de collaborer plus étroitement en vue du maintien des droits économiques, sociaux et culturels. Il a recommandé que ces droits soient incorporés dans les ententes intergouvernementales et la législation habilitante des municipalités, et que les transferts de paiements prennent en compte le respect des droits du Pacte.

Alex Neve a déclaré : « Étant donné que les provinces ont la responsabilité des secteurs qui ont une importance primordiale pour les droits ESC en vertu de la Constitution, comme c’est le cas pour l’éducation et la santé, il est d’autant plus important qu’il existe une excellente coordination entre le fédéral, les provinces et les territoires, pour l’application des recommandations du Comité. »

Béatrice Vaugrante a aussi déclaré : « À cette croisée des chemins, le gouvernement fédéral devrait assumer un rôle de leader et amener les différents gouvernements à établir ensemble des mécanismes plus efficaces pour la mise en application des obligations internationales en matière de droits humains. La première rencontre ministérielle sur les droits humains à se tenir au Canada depuis 1988, pourrait être le point de départ. »

Complément d’information

Les recommandations du Comité touchent à des préoccupations générales ayant des implications sur les droits de tous au Canada, et qui sont affectées par la législation canadienne, les politiques et les actions à l’étranger. Elles touchent au cœur de l’incapacité démontrée par le Canada depuis plusieurs années, de maintenir et de respecter adéquatement ses obligations internationales en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Plusieurs des recommandations du Comité reprennent des préoccupations exprimées lors du dernier examen il y a dix ans, ce qui indique un manque flagrant de progrès.

Mis à jour le lundi, 7 mars 2016

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