Édition du 26 mars 2024

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Québec solidaire

Atelier sur la Constituante : La Constituante telle que vue par QS

Camp de formation QS Taschereau (samedi 9 septembre 2017)

Introduction :
Je suis bien content de pouvoir participer à ce camp de formation de QS. Et je voudrais remercier les organisateurs et organisatrices des possibles qu’ils ont ainsi ouverts, car c’est un exercice collectif auquel on a tout à gagner de participer : indispensable outil pour approfondir, enrichir ensemble notre engagement politique commun, en somme mieux participer —en nous donnant un socle commun de pratiques, de mots et de concepts— au renforcement et à la croissance de QS. À condition cependant que cette formation soit pensée sous la forme de débats, d’échanges, de dialogues, d’approfondissements inter-actifs et démocratiques. Et c’est ce que je me propose de faire dans l’heure qui suit : donner sans doute dans une première partie, des points de repère sur la constituante telle que pensée par QS, mais surtout offrir dans une deuxième partie, l’occasion d’échanger, d’approfondir ensemble notre compréhension commune de la constituante.

La constituante est en effet un des points centraux, un des points les plus originaux, les plus riches, innovants, quant à la question de l’indépendance du programme de QS ; mais aussi un des plus discutés, interprétés, contestés, objets de litiges, de discussions passionnées, de débats houleux. En fait la conception qu’on en a actuellement à QS, correspond à un long processus de réflexion, entamé du temps de l’UFP (juin 2002), sanctionné par 2 votes au sein du parti (2009/2016) mais s’enracinant dans une histoire collective beaucoup plus longue qui remonte jusqu’aux Patriotes de 1837/38. Il est important donc d’essayer d’en comprendre toute la signification, et ainsi de saisir au passage peut-être les raisons de ces interprétations divergentes. Et pour ce faire, je vous propose de procéder en 3 temps, en partant du général et en allant au plus particulier.

1) Dans un premier temps, on cherchera donc à se rappeller ensemble quelles sont les bases d’une Assemblée constituante, à fixer donc quelques points de repère : qu’est-ce qu’une Assemblée constituante, à quoi sert-elle, quelle est sa fonction politique, juridique, etc., quand a t-on commencé à entendre parler d’elle, historiquement parlant, pourquoi redevient-elle à la mode aujourd’hui, quelles formes peut-elle prendre ?

2) Puis dans un deuxième temps, on s’attardera plutôt à l’Assemblée constituante telle que vue par QS : pourquoi une Assemblée constituante au Québec dans la perspective d’un parti comme QS, que peut-elle apporter de nouveau, en quoi rompt-elle avec l’approche péquiste traditionnelle, quels seraient ses avantages, sespoints forts, ses fragilités ?

3) Puis dans un troisième temps et en conclusion, on abordera plus précisément le débat qui a eu lieu au sein de QS et qui est en train de rebondir à l’occasion des discussions avec ON : une Assemblée constituante, avec ou sans mandat d’indépendance, quels en seraient les enjeux, les défis ? Que révèle ce débat ? Et que pensez du double vote tel que défendu parPaul Cliche et Jonathan Durand Folco.

I) Qu’est-ce qu’une Assemblée constituante ?

C’est une institution collégiale (qui peut aller de la formation d’un groupe d’experts en droit constitutionnel, à une assemblée des représentants du peuple élus au suffrage universel) qui a pour tâche de rédiger la constitution d’un pays, c’est-à-dire la loi des lois d’un pays, l’ensemble des lois fondamentales, des lois-mères qui constituent l’armature juridique de tel ou tel pays [1]. Il s’agit donc de rédiger non seulement le texte fondamental d’organisation des différents pouvoirs politiques (éxécutif, législatif, judiciaire, médiatique, etc.) qui structurent un pays donné (régime présidentiel, parlementaire, etc.), mais encore de nommer les institutions qui les incarnent (république parlementaire, république sociale, monarchie constitutionnelle, démocratie censitaire, etc.) et de rappeler les valeurs et les principes sur lesquels repose la vie commune (liberté, égalité, fraternité, importance des droits collectifs versus droits individuels, etc.). L’assemblée constituante n’a donc pas qu’une portée strictement juridique, par sa dimension « fondatrice » elle touche peu ou prou à toutes les dimensions de la vie en société, y compris économique.

L’assemblée constituante joue donc un rôle d’orientation ou plutôt de ré-orientation générale d’une société donnée aspirant à obéir à des principes d’ordre démocratique. (on décide ensemble des lois auxquelles on obéit). Parce que, là où il y a constitution, il y a toujours l’idée que le droit et la paix civile doivent primer sur la force et la guerre et que la loi est une règle universelle qui s’applique à tous les citoyens de manière semblable, évitant ainsi les abus de pouvoir, permettant la vie en société. Il y a aussi l’idée que ce qui est important dans une société c’est l’existence de droits inaliénables qui doivent pouvoir nous protéger de l’arbitraire du pouvoir absolu ou tyrannique. C’est pour cela d’ailleurs que l’on entend parler de constituante dans l’histoire surtout à partir des révolutions française (1789) et américaine (1776), et que l’on assiste aujourd’hui à un retour en force de cette problématique depuis la chute des pays dits socialistes qui eux, avaient mis l’accent plutôt sur des transformations directement économiques et politiques (l’infrastructure socio-économique), jugées plus « réelles » que celles juridiques considérées comme par trop « formelles » (la superstructure juridicopolitique). Quoiqu’il en soit, l’appel à une assemblée constituante marque plus souvent qu’autrement, une volonté de rupture, de changement de cap, de refondation. Une refondation qui peut d’ailleurs être interprétée comme l’inscription dans l’univers juridique, de nouveaux rapports de force entre les différentes composantes ou classes de la société.

Pour illustrer ces grandes idées on pourrait prendre l’exemple du Venezuela contemporain que j’ai eu la chance de suivre d’un peu plus près ces dernières années. La constituante dont Chavez a fait la promotion lors de la campagne présidentielle de 1998 et dont il est sorti gagnant (avec 56% des voix), visait à incarner les très fortes aspirations au changement social de larges secteurs de la population vénézuélienne exaspérés par les effets de l’application dratique de mesures néolibérales et de la crise des institutions de la 4ième république qui s’en est suivie (voir sous Andres Carlos Perez, le Caracazo de février 1989). Il s’agissait pour lui, rien de moins que de jeter les bases d’une cinquième république (qui romprait donc avec les injustices et les patronages clientélistes (la corruption) propres à la 4ième république fondée quant à elle en 1958). L’idée de constituante emportait donc avec elle une dimension révolutionnaire, radicale (au sens de prendre les choses à la racine), transformatrice tout à fait séduisante. Et c’est tambour battant qu’il va la propulser sur le devant de la scène, car c’est la première mesure qu’il prendra après son élection : un décret visant à appeler le peuple à se prononcer par un référendum sur la convocation d’une assemblée constituante, le 25 avril 99 : « convoquez-vous une Assemblée-constituante avec la proposition de transformer l’État et de créer un nouvel ordre juridique qui permette le fonctionnement d’une démocratie sociale et participative ?  » ; êtes-vous d’accord avec les bases proposées par l’exécutif national pour la convocation (..) ? 92% à 86 % de votes en faveur, mais avec 62% d’abstention. Le 3 août : il y a donc élection des constituants avec une large majorité pour le « Pôle patriotique » qui emporte 122 sièges sur les 128 que comptait l’assemblée constituante. Ses travaux dureront jusqu’au 17 novembre 99 (Chavez en ayant d’autorité réduit le temps de moitié), et seront confirmés par un second référendum qui se tiendra le 15 décembre 1999 (avec 71% de oui, mais 51% d’abstention), en rappelant cependant que c’était la première fois que la constitution du pays était soumise à un vote populaire direct (et en juillet 2 000 : élections générales selon la nouvelle constitution).

Dans les faits, malgré les énormes avancées vis-à-vis de la constitution précédente de 1961 et par rapport à la question initiale, les résultats ont plutôt été mitigés, de l’ordre du compromis, et cela malgré l’écrasante majorité du « Pôle patriotique » d’obédience chaviste : la reconduction d’une démocratie représentative (avec régime présidentiel fort) au sein de laquelle ont été installés quelques notables aménagements participatifs (référendum révocatoire touchant au poste de président, ajout de 2 pouvoirs complémentaires dotés d’une relative indépendance : « le pouvoir électoral » et « le pouvoir citoyen » ainsi que la reconnaissance des peuples indigènes et le fait qu’au sein d’une économie mixte, il est reconnu le rôle interventionniste de l’État (à la fois comme propriétaire et régulateur). Mais restait aussi toute la question de l’application et de la mise en forme de lois précises, de toutes ces nouvelles et grandes orientations : objets dans les années subséquentes de batailles politiques permanentes. Conclusions provisoires : a donné lieu à un élan, a provoqué un changement de cap, mais est loin d’avoir tout réglé. Voir aussi d’autres exemples : la constituante pour la 6ième république de la France insoumise [2] (5ième 1958/1946 4ième), de l’Équateur et de la Bolivie [3]. Voir aussi les assises nationales des États généraux du Canada français en 1969 [4]iv, et le Parti québécois des années 70 [5]

II) La constituante selon QS

Même si l’idée était déjà dans l’air au Québec [6]vi, l’idée de la constituante telle qu’elle a pris corps à QS, a été au point de départ, élaborée au sein de l’UFP. Elle visait à répondre aux insuffisances et échecs de la stratégie péquiste des années (80-90) quant à l’accession à l’indépendance ainsi qu’aux aspirations de démocratie participative de plus en plus vives à partir des années 2000 dans les milieux de la gauche : proposer un moyen nouveau et original pour affirmer la souveraineté en acte de tout un peuple ; et le faire en pensant qu’ainsi on se donnerait plus d’armes ou d’outils pour réaliser effectivement l’indépendance du Québec. Les avantages appréhendés : exercice donnant plus de temps pour mieux convaincre et mieux contrer les puissantes campagnes contraires du fédéralisme et des lobbies médiatiques ; exercice permettant l’implication citoyenne, renforçant la mobilisation sociale de larges secteurs de la population, ayant la vertu de faire apercevoir à tout un chacun –à travers l’élaboration d’une constitution commune— ce que pourrait vouloir dire vivre dans un pays indépendant, manière de créer ainsi un rapport de force plus favorable à la rupture indépendantiste. Pour l’UFP [7], il ne s’agissait donc pas de dissocier l’exercice collectif d’élaboration d’une constitution, de la marche à l’indépendance. Il s’agissait d’une seule et même chose, l’un favorisant l’autre et vice-versa. On y évoquait d’ailleurs la figure explicite d’une république, la république du Québec et on se revendiquait au passage de l’héritage des Patriotes (manière de ré-activer leurs aspirations passées) [8]. Avec l’arrivée d’Option citoyenne (moins sensible à cette question) et la naissance de QS, la question de l’indépendance ou de la souveraineté a eu tendance, pendant un premier temps à être traitée sur un mode très général, en faisant l’impasse sur la constituante (on était tout à la fois un parti féministe, altermondialiste, écologiste, souverainiste, soucieux de la question sociale, etc.). Et ce n’est qu’en 2009 lors d’un congrès ad hoc que l’on accouche du gros de la position actuelle de QS, position réaffirmée en 2016 en congrès [9]

Ce qui est notable c’est plusieurs accents originaux sont mis en évidence : a) le projet social (c’est d’abord au nom de ce projet social (de justice et d’égalité et de démocratie participative, puis de la préservation de la nation québécoise) que l’indépendance est jugée nécessaire, car autrement le projet serait irréalisable ; b) la dimension citoyenne de la nation définie comme communauté politique (on y appartient parce qu’on partage sur un territoire donné une même vie commune, plus que parce qu’on appartient à un passé) ; c) la dimension plurielle et diversifiée de la nation aux plans ethnique et culturel avec une langue commune le français ; d) une démarche de souveraineté populaire et participative, avec un grand souci d’autonomie, de représentativité de la société civile (hommes/femmes, régions, secteurs professionnels, présence possible autochtone, environ 500 constituants (différents des députés de l’Assemblée nationale), travail sur 18 mois) ; e) Mais à travers l’élection d’une assemblée constituante ouverte ou plutôt indéterminée à laquelle le gouvernement de QS donnerait le mandat de faire « une constitution du Québec », sans spécifier si celle-ci serait ou non indépendantiste, tout en admettant par ailleurs que Québec solidaire défendra son option sur la question nationale québécoise

On voit donc où git l’originalité (angélique !?) de cette position : ne pas vouloir —au nom des principes de la démocratie et de la souveraineté d’un peuple (et de l’autonomie souveraine d’une assemblée constituante)—, orienter depuis le gouvernement les débats de l’assemblée constituante. On voit aussi où elle peut faire problème, car (1) fait totalement abstraction de la puissance et de la présence destabilisante (non démocratique) des instances fédérales (correspondant à un dispositif de domination coloniale) ; (2) compare illusoirement l’Assemblée constituante à un forum convivial, à une aimable conversation collective aux vertus pédagogiques (permettant le ralliement des indécis), alors qu’elle se muera inévitablement en champ de bataille politique, et ne pourra aucunement être « une arêne neutre » où toutes les idées auront une chance égale d’être reconnue à leur juste valeur.

Conclusion : une position en devenir, le débat ouvert par ON et la proposition de Durand Folco et Cliche ? Débat avec la salle : d’accord, pas d’accord ?


[1Qu’est-ce qui distingue une loi fondamentale, écrit-il ? C’est la loi fondamentale qui marque de son sceau toutes les lois et dispositions juridiques édictées dans un pays. Elle agit comme une force déterminante sur le caractère de ces lois : à qui s’applique cette loi, qui détient la responsabilité de son application, quel mécanisme définit les possibilités de son abrogation, quelle instance juridique peut l’invalider ou la défendre...)[1] Ferdinand Lasalle, Qu’est-ce qu’une constitution, 16 avril 1862,http://www.marxists.org/francais/ge.

[2La mise en place d’une assemblée constituante chargée de rédiger la constitution d’une Sixième République qui succéderait à l’actuelle Cinquième République. Celle-ci est qualifiée de « monarchie présidentielle » par le mouvement qui estime que le Président de la République concentre trop de pouvoirs, sans que le peuple puisse exercer un contrôle sur son action. Ce processus constituant serait aussi l’occasion de proposer d’autres modes de fonctionnement comme la proportionnelle aux élections législatives. Le changement de constitution, et donc des institutions, est jugé fondamental par le mouvement qui voit dans l’abstention électorale croissante le reflet d’un désaveu des français pour leur système institutionnel. le droit de révocation des élus par référendum comme moyen de remettre un mandat en question lorsque l’élu n’est pas fidèle à ses engagements, lorsqu’il n’est pas intègre ou lorsqu’il n’est pas assidu. Le mouvement souhaite également proposer cette mesure lors du processus constituant.

[3Cette Constitution innovante, qui ne remettait pas en cause les prérogatives dévolues à l’exécutif, modifiait cependant les principes constitutionnels en vigueur en Bolivie jusqu’à présent. L’esprit de cette Constitution était affiché dans son préambule qui mettait en exergue les valeurs des peuples indigènes de Bolivie et remettait en cause l’État colonial, républicain et néolibéral au profit d’un État unitaire social de droit plurinational communautaire.

[4Du 5 au 9 mars 1969, les États généraux du Canada Français concluent leur démarche en tenant des Assises nationales. [2] Sans en avoir encore véritablement le moyen de l’imposer, les Assises affirment haut et fort que le pouvoir constituant appartient au peuple québécois. On y esquisse le projet de société d’un Québec indépendant. Le gouvernement du Québec se voyait confier le mandat d’arrêter les modalités de l’élection et du fonctionnement de la constituante : 300 à 500 personnes élues au suffrage universel au niveau des circonscriptions électorales ; incompatibilité des fonctions de député et de constituant ; mandat de douze mois ; soumission au peuple du projet de constitution élaborée par voie de référendum...

[5Voir le Programme du Parti québécois (1970 : « État souverain, le Québec adoptera une constitution élaborée avec la participation populaire au niveau des comtés et ratifiée par les délégués du peuple québécois réunis en une assemblée constituante. Cette constitution devra refléter les aspirations et la nature réelle du peuple québécois.

[6Lettre au Devoir de Monière, Pierre de Bellefeuille, Claude Charron et Gordon Lefevbre (2001) : « Ainsi, créée par une loi de l’Assemblée nationale, cette assemblée constituante aura un statut légal et décisionnel. Elle pourra agir en quelque sorte comme une deuxième Chambre élue et avoir un pouvoir codécisionnel avec celui de l’Assemblée nationale sur la définition de l’avenir constitutionnel du Québec. Afin de favoriser la plus large représentation possible des options, tout en préservant l’efficacité des délibérations, la loi devrait prévoir l’élection de quatre constituants par circonscription électorale. L’élection des 500 constituants devrait être administrée par le Directeur général des élections. Cette assemblée constituante siégerait pendant un maximum de deux ans et aurait deux missions : définir les pouvoirs constitutionnels nécessaires à l’affirmation politique du peuple québécois et adopter les principes régissant la future Constitution du Québec. À la fin de ses travaux, le gouvernement du Québec disposerait d’un projet constitutionnel qu’il pourrait proposer au reste du Canada. Si les négociations s’avéraient fructueuses, le nouveau statut politique qui en résulterait serait ensuite soumis à un référendum de ratification. Si le gouvernement canadien refusait de négocier ou si ces négociations n’aboutissaient pas, il y aurait un référendum portant sur l’accession du Québec à la souveraineté ».

[7Document de réflexion de l’UFP, octobre 2005. « Sans préjuger des travaux de l’Assemblée constituante, on peut penser que cette large démarche de démocratie participative donnerait des résultats adaptés aux besoins du peuple du Québec. La Consti­tution pourrait ainsi s’ouvrir par une Charte sociale prévoyant non seulement des droits politiques, mais aussi des droits économiques et sociaux. Y seraient définis des droits collectifs qui élargissent la démocratie et dépassent une logique purement libérale des droits individuels. Pourquoi des droits collectifs ? Parce que les individus placés en position subalterne dans la société peuvent exercer leurs droits individuels seulement par une action collective. Pièce maîtresse d’une nouvelle Constitution, la Charte sociale pourrait ainsi baliser les droits d’orga­nisation collective des travailleuses et des travailleurs, l’égalité entre hommes et femmes en matière de droits économiques et de représentation politique. Elle pourrait maintenir, voire élargir le droit de syndicalisation, de grève et de manifestation. Elle devrait consacrer les meilleurs acquis en matière de salaires, de temps de travail, de protection de l’environnement. Et ce ne sont là que quelques exemples. Pour l’UFP, mettre de l’avant la stratégie de l’Assemblée constituante, ce n’est pas seulement entre­prendre de définir un projet de société. C’est convier toutes les forces vives du Québec à participer à l’élaboration du projet. Voilà pourquoi notre proposition s’éloigne des autres démarches proposées jusqu’ici pour réaliser l’indépendance. Il ne s’agit plus de compter sur le résultat électoral du parti politique qui se considère comme l’unique porteur du projet collectif de souveraineté. Il ne s’agit pas d’un processus juridique où des experts sont chargés d’écrire une Constitution québécoise en renommant les institutions héritées de la tradition britannique. Il ne s’agit pas davantage d’organiser un référendum dont la victoire dépend d’une cam­pagne publicitaire visant à faire approuver un projet élaboré en vase clos. Parler d’Assemblée constituante, pour l’UFP, ce n’est pas poser abstraitement un nouveau chemin vers la souveraineté du Québec. C’est proposer de discuter, de la manière la plus démocratique et la plus large possible, des mécanismes essentiels pour assurer la défense du bien commun, pour articuler les luttes politiques et les revendications sociales.".

[8Le groupe de Robert Nelson (auteur de la Déclaration d’indépendance du Bas-Canada). Cette déclaration contient les thèmes de l’UFP : la république et la constituante (que Nelson appelle convention). Que dans le plus court délai possible, le peuple choisisse des délégués, suivant la présente division du pays en comtés, villes et bourgs, lesquels formeront une convention ou corps législatif pour formuler une constitution suivant les besoins du pays, conforme aux dispositions de cette déclaration, sujette à être modifiée suivant la volonté du peuple. Robert Nelson, 28 février 1838.

[9Celle-ci aura pour mandat d’élaborer une constitution du Québec, spécifiant les valeurs, les droits et les principes sur lesquels doit reposer la vie commune et définissant son statut, ses institutions, les pouvoirs, les responsabilités et les ressources qui leur sont délégués. L’Assemblée constituante sera élue au suffrage universel et sera composée d’un nombre égal de femmes et d’hommes. Le mode de scrutin assurera la représentation proportionnelle des tendances et des différents milieux socioéconomiques présents au sein de la société québécoise. L’élection de cette Assemblée constituante devra permettre aux candidats et aux candidates de tous moyens et toutes origines d’avoir un accès équitable aux moyens de communication. Les membres de l’Assemblée nationale ne pourront pas se faire élire à l’Assemblée constituante, puisque cette participation requiert une disponibilité à temps plein. Après l’élection de l’Assemblée constituante, celle-ci aura la responsabilité et les moyens de mener un vaste processus de démocratie participative visant à consulter la population du Québec sur son avenir politique et constitutionnel, de même que sur les valeurs et les institutions politiques qui y sont rattachées. En fonction des résultats de la démarche —qui devront être connus de la population et dont l’Assemblée constituante aura l’obligation de tenir compte— cette dernière élaborera un projet de constitution. Les propositions issues de l’Assemblée constituante, y compris celle sur le statut politique du Québec, seront soumises au choix de la population par référendum, ce qui marquera la fin du processus.Tout au long de la démarche d’Assemblée constituante, Québec solidaire défendra son option sur la question nationale québécoise et fera la promotion de ses valeurs écologistes, égalitaires, féministes, démocratiques, pluralistes et pacifistes, sans toutefois présumer de l’issue des débats.

Pierre Mouterde

Sociologue, philosophe et essayiste, Pierre Mouterde est spécialiste des mouvements sociaux en Amérique latine et des enjeux relatifs à la démocratie et aux droits humains. Il est l’auteur de nombreux livres dont, aux Éditions Écosociété, Quand l’utopie ne désarme pas (2002), Repenser l’action politique de gauche (2005) et Pour une philosophie de l’action et de l’émancipation (2009).

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