Édition du 16 avril 2024

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États-Unis

Bernie Sanders a rencontré le bureau éditorial du New York Daily News, que s’est-il vraiment passé ?

Juan Gonzalez (journaliste à democracynow.org) participait à cette rencontre et donne son appréciation

Democracy Now, 6 avril 2016,

Traduction et organisation du texte : Alexandra Cyr

Introduction

La plupart des grands médias ont ouvertement critiqué la prestation de Bernie Sanders durant cette entrevue avec l’équipe éditoriale du New York Daily News. Le Washington Post a publié un article intitulé : « Neuf choses que Bernie Sanders aurait dû savoir mais ne savait pas lors de l’entrevue avec le N.Y. Daily News ». L’ancien conseiller de M. Obama a twitté  : « Les transcriptions de l’entrevue de Sanders avec l’équipe éditoriale du Daily News sont presque aussi accablantes que celles de Trump au Washington Post ». Nous avons un éclairage différent avec notre journaliste et chroniqueur au Daily News, Juan Gonzalez qui y était.
Amy Goodman : Donc, en ce moment la course (aux candidatures) arrive à New York.

(…)
Le 19 avril 2016 (date des primaires des 2 partis à N.Y.), il y a eu cette rencontre au N.Y. Daily News. Juan, vous y étiez. Les transcriptions ont été publiées. Hilary Clinton les a envoyées à ses partisans-es. Ryan Grim du Huffington Post a écrit : « Une idée s’est vite cristallisée dans les médias nationaux : Bernie Sanders s’est surtout planté lors de cette entrevue au N.Y. Daily News ». CNN s’est contenté de dire : « Plusieurs fois au cours de cette entrevue, Sanders était incertain quant aux faits, a dit qu’il ne pouvait répondre adéquatement parce qu’il n’avait pas les informations nécessaires pour le faire ou a tout simplement dit qu’il ne savait pas. (La station) a ajouté qu’au cours d’un échange, M. Sanders a précisé qu’il n’était pas sûr de la manière qu’il s’y prendrait pour fractionner les grandes banques. C’est pourtant une proposition centrale de sa réforme de Wall Street ». Pour le Washington Post : « cette entrevue était proche du désastre pour Bernie Sanders ».

Mais tous ne sont pas d’accord avec ces évaluations. Juan vous avez fait l’aller-retour entre ici et le N.Y. Daily News pour participer à cette entrevue avec leur bureau éditorial,

Juan Gonzalez : Oui. Je n’ai certainement pas eu cette impression pour tout vous dire. Cette équipe éditoriale est reconnue, surtout le rédacteur en chef, Arthur Browne, pour sa manière de lancer les questions pointues l’une après l’autre comme dans un bombardement » (Où est l’ouverture de ces guillemets ?). Plusieurs d’entre nous avons aussi posé des questions et, dans l’ensemble, Bernie Sanders a fait une bonne performance. Il y a eu quelques interventions où il a trébuché, mais j’ai été impressionné par son habilité à esquiver des questions qui lui étaient lancées. Par exemple, quand on l’a interrogé sur la situation israélo-palestinienne, sur le fait qu’Israël doit se retirer des territoires palestiniens occupés illégalement : bien franchement, j’ai été étonné de la franchise de sa position qui est claire. Mais en même temps, il a déclaré qu’il ferait, en tant que président, tout ce qui serait possible pour négocier la paix et arriver à un règlement qui protégerait la sécurité d’Israël. Là où je pense qu’il a trébuché un peu, c’est sur la manière par laquelle il fractionnerait les grandes banques ; on le pressait de questions à ce sujet et clairement, il n’y arrivait pas.

A.G. : Qui aurait juridiction.

J.G. : Oui, qui aurait juridiction …mais globalement, j’ai trouvé sa performance excellente.

Van Jones : Est-ce que je peux dire une ou deux choses à ce moment-ci ? C’est à New York que la course démocrate va se décider. L’entourage de Mme Clinton a compris qu’il y avait une rébellion dans le parti. En temps ordinaire, on n’en parlerait déjà plus. Les plus importants contributeurs habituels auraient tout simplement cessé de financer le candidat qui tire de l’arrière, mais, cette fois, ce ne sont pas des « contributeurs habituels » qui financent la campagne du candidat rebelle, c’est un mouvement populaire. Les instances du parti, leurs contributeurs et la candidate savent que la course doit se décider à New York. Ils vont attaquer B. Sanders sur des points précis, comme vous ne l’avez jamais vu. Vous allez voir les grands médias l’attaquer. À partir de maintenant, rien n’arrêtera cet examen sur des points précis. Il va être attaqué sur des points comme on ne l’exige d’aucun candidat. (…) Il va devoir affiner sa bataille. Vous ne pouvez pas simplement vous excuser devant la population. Vous devez être capable de répondre aux questions difficiles.

Mais, également, le parti doit prendre au sérieux les causes progressistes ; il est temps qu’il en parle, qu’il s’engage. Je veux dire quelque chose de particulier au sujet des Afro-Américains-es. Si nous (les Afro-Américains-es) voulons que le Parti démocrate gagne les élections, nous qui avons été appelés « la coalition Obama » sommes les seuls-es qui doivent accorder, non pas 50 %, ni 60 %, ni 70 %, ni 80 % ni même 90 %, mais bien 92 % de notre vote aux élections présidentielles. Nous tirons de l’arrière en ce moment face à cet objectif. Nous en détenons la clé. Si nous ne votons qu’à 85 % pour les Démocrates, les Républicains gagnent. Nous devons donc tout savoir sur tous les enjeux qui nous affectent et venant des deux candidats. Tout doit être mis sur la table pour être examiné de près et renvoyé aux deux candidats.

A.G. : C’est intéressant. La semaine dernière je suis allée entendre B. Sanders à son ralliement dans le South Bronx. C’était la première fois qu’un candidat allait dans ce secteur depuis des lustres. C’était électrique.

(…)
Il y a avait16 000, 18 000 ou 20 000 personnes. Quand il demande de l’argent, il regarde directement la caméra ou les gens en disant simplement : « Eh ! Envoyez-moi 3$ ». La moyenne des dons est de 27 $. Quand Hilary Clinton veut trouver de l’argent, elle doit quitter sa campagne. Ainsi, hier soir, lors de l’importante primaire au Wisconsin, elle était avec les responsables du financement. Cela se fait derrière des portes closes.

V.J. : Oui. Nous avons une opportunité en ce moment, on peut dire à quelque candidat que ce soit : « Pourquoi acceptez-vous l’argent des plus puissants ? » Ils vous répondront : « tous les autres le font, si je ne le fais pas je serai évacué-e de la course. Je suis obligé-e de le faire ». Eh bien voilà ! Nous avons l’exemple de quelqu’un qui ne le fait pas, qui se maintient en force et va de l’avant.

A.G. : Finalement, Ruth Conniff à Madison au Wisconsin, le territoire de Paul Ryan. On discute de la possibilité qu’il devienne le candidat, un candidat du consensus qui serait choisi lors d’une convention républicaine négociée ou ouverte. M. Ryan est le président de la Chambre des représentants.

Ruth Conniff : Oui, c’est un peu fou. Je ne vois pas comment les Républicains peuvent se rallier à leur convention et défendre l’idée que leur candidat soit quelqu’un qui n’a pas fait la course. Je pense que Donald Trump a raison : ils se retrouveraient avec un véritable problème. Paul Ryan a déclaré qu’il n’était pas intéressé à la candidature. Bien sûr, il a dit ça avant d’avoir été nommé président de la Chambre.

Quand vous voyez Donald Trump, lors d’un ralliement à Janesville, se mettre à attaquer Paul Ryan et Scott Walker et qu’il est applaudi en retour, vous vous dites qu’il se joue quelque chose en fonction de la fracture dans le parti. C’est ce type de fracture que décrit Van Jones du côté démocrate. Nous y avons un candidat qui se situe au bout du spectre politique côté progressiste, qui parle à la population qui a vraiment été heurtée par les politiques des deux partis qui favorisent les entreprises.

D. Trump s’appuie aussi sur les mécontents-es des classes inférieures, des électeurs-trices républicains-es de la classe ouvrière qui n’ont pas profité des politiques républicaines et sont vraiment enragés-es. Eh oui, le racisme et les groupes nationalistes blancs qui sont intervenus dans la campagne de Trump au Wisconsin font absolument partie du jeu. Il y a aussi de la révolte contre des gens comme Paul Ryan qui a soutenu des traités de libre-échange. Il s’est exprimé à Janesville, une localité de la « ceinture de rouille » qui a vu les opérations de GM partir ailleurs. Il en a blâmé M. Obama, même si ça s’est passé avant qu’il soit au pouvoir. Ses électeurs-trices ont vraiment été heurtés-es par cela, mais, grâce au redécoupage des districts électoraux, il a réussi à se faire réélire même s’il a perdu à Janesville de multiples fois. Alors, que Paul Ryan soit une alternative … c’est le rêve des élites républicaines favorables aux entreprises, mais ça ne passera pas auprès des électeurs-trices. C’est un énorme dilemme pour le Parti républicain cette année.

A.G. : Nous terminons ici. Merci à Ruth Conniff, rédactrice en chef de The Progressive magazine et à Van Jones, président et fondateur de Dream Corps.

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