Édition du 16 avril 2024

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États-Unis

Bernie ou pas : le dilemme de la gauche américaine

Le 20, 21 et 23 mai, une bonne partie de la gauche américaine était réunie pour le rendez-vous annuel à New York, le « Left Forum ». Il y a avait 400 sessions et plus de 3000 participants pour entendre des syndicalistes, des intervenant-es communautaires, des militants de micro mouvements de gauche, des universitaires, intellectuels, écologistes, étudiant-es, journalistes, féministes. Tout cela dans une discussion multi-sujets et multi formes, mais avec une question lancinante et transversale confrontant tout le monde : que faire avec la vague Sanders ?

Pour les partis de gauche, notamment les divers groupes trotskistes et le Parti communiste, la critique de Sanders est sévère. On dit qu’il n’est pas un « vrai socialiste ». Qu’il est en réalité un social-démocrate plutôt mou. On l’accuse de rester collé au Parti démocrate. On observe que son programme est ambigu, qu’il endosse, tout en le critiquant, le système politique américain basé sur l’autofinancement. Plusieurs ne voient pas beaucoup d’aspects positifs dans la campagne de Sanders à part des déclarations hostiles au 1 %.

Ces critiques cependant ne sont pas majoritaires. Pour des militants comme l’éditeur de l’influent Jacobin Bhaskar Sunkara (il sera à l’université populaires NCS cet été), les États-Unis vivent un moment historique. La gauche américaine doit s’insérer dans le mouvement de masse qui soutient Sanders. Plusieurs intellectuels de gauche tels Bryan Koulouris (Socialist Alternative) et Justin Molito (Labor for Bernie) estiment qu’il y a une ouverture dans cette campagne pour entendre et discuter la perspective socialiste. La vague Sanders, disent-ils, s’inspire d’Occupy et peut redynamiser le mouvement social. Il faut alors voir l’élection de 2016 comme une étape d’une longue lutte à venir. Peut-être un nouveau départ après des décennies d’isolement.

Parmi les partisans de Sanders, des personnalités comme Kshama Sawant (conseillère municipale socialiste de Seattle), espèrent qu’il poursuive au-delà de la convention démocrate comme candidat indépendant. D’autres voudraient qu’il rejoigne le Parti Vert et devienne le colistier de Jill Stein, une prestigieuse personnalité qui pratique la médecine sociale au Massachussetts où elle a été candidate au poste de gouverneur en 2002 et 2010.

La perspective socialiste ou progressiste existe bel et bien dans ce pays et a même une histoire. Il y a 100 ans, une des personnalités politiques les plus populaires était le syndicaliste Eugene Debs, qui avait obtenu l’appui de près d’un million d’électeurs. Après la Deuxième guerre mondiale, un dissident démocrate du nom d’Henry Wallace a défié l’establishment politique avec l’appui de la gauche et des syndicats pour se présenter à l’élection présidentielle sous la bannière du Parti progressiste. Plus récemment, le candidat des Verts, le défenseur des consommateurs Ralph Nader, avait lui-aussi obtenu l’appui de plusieurs millions de personnes. Depuis quelques années, des candidats qui se présentent comme socialistes remportent des élections municipales comme à Seattle (Oregon), Berkeley (Californie), Madison (Wisconsin), New York, Burlington (Vermont).

Évidemment, le système politique américain rend la chose très difficile puisque tout est structuré entre deux partis qui sont en fait le côté pile et le côté face de la même pièce. Voter en dehors de cette fausse alternance est souvent un choix difficile puisqu’on peut se dire que cela ne donne pas grand-chose. On verra si le phénomène Sanders réussit à brasser cette cage durablement.

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