Édition du 26 mars 2024

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Québec solidaire

Carte électorale : un scénario qui se répète

Les protestations légitimes et justifiées à l’égard de la dernière proposition de révision de la carte électorale, qui ferait disparaître la circonscription de Sainte-Marie-St-Jacques à Montréal représentée par Manon Massé de Québec solidaire, ainsi que la "crise" de confiance qu’elle engendre à l’égard de nos institutions démocratiques, ne sont pas un phénomène nouveau.

Tout comme actuellement, les révisions de 2001 et de 2011 ont connu leur lot de soubresauts. À ces deux moments, le gouvernement en place a suspendu les travaux de la Commission de représentation électorale (CRÉ), présidée par le DGEQ, car il n’y avait pas un consensus suffisant ou plus précisément parce que la nouvelle carte électorale lui déplaisait.

En 2001, la CRÉ, après avoir fait connaître sa proposition préliminaire de redécoupage de la carte électorale et suite à une première ronde de consultations publiques, a produit un rapport spécifique à la région de Montréal qui a entraîné une seconde ronde de consultations publiques. Tout cela parce que ce rapport "montréalais" présentait une proposition significativement différente de sa proposition préliminaire au sujet des circonscriptions de la Métropole. Aujourd’hui, c’est ce que nous demandons aussi, et cela pour la même raison qu’en 2001 : une nouvelle consultation doit avoir lieu car au grand jamais la disparition de Sainte-Marie-St-Jacques n’a été évoquée dans la proposition préliminaire de la CRÉ qui prévoyait plutôt la fusion de deux autres circonscriptions à Montréal (appartenant aux Libéraux en passant...).

En 2011, le gouvernement, en plus de suspendre les travaux de la CRÉ, a même proposé un projet de loi faisant augmenter le nombre de circonscriptions de 125 à 128 afin d’éviter la disparition de trois circonscriptions. Tout ceci pour atteindre un équilibre entre deux préoccupations exprimées dans la population et parmi la classe politique : l’égalité relative du vote partout au Québec (défendues par les gens des régions densément peuplées) et la juste représentation des populations des régions moins densément peuplées (défendue par les gens qui verraient leur circonscription disparaître). En effet, pourquoi s’obstiner à faire un exercice de révision de la carte électorale avec des paramètres (ex : maximum de 125 comtés) qui conduisent nécessairement à un "jeu à somme nulle" (si tu additionnes à quelque part, tu es obligé de soustraire ailleurs) et, plus important encore, qui empêchent qu’un consensus se développe ? N’eut été de la partisanerie des deux partis d’opposition (PQ et CAQ) à ce moment, on aurait pu assister au retour à la table à dessin par la CRÉ, et par conséquent à une seconde consultation, comme cela est survenu en 2001.

Aujourd’hui, en 2017, la CRÉ fait face aux mêmes constatations et les arguments invoqués de part et d’autre, en 2001 comme en 2011, sont les mêmes. Le Québec étant ce qu’il est, soit un vaste territoire où la population est dispersée de façon inégale et où des tendances lourdes sont observées au niveau de la démographie et des mouvements de population, il est encore nécessaire de chercher un moyen de répondre à l’ensemble de leurs préoccupations et de tenter d’en arriver à un meilleur équilibre au niveau du respect de l’égalité relative du vote et de la juste représentation des populations de toutes les régions.

Toutefois, et nous le constatons encore une fois, la seule révision de la carte électorale, avec les paramètres limitatifs imposés par la Loi électorale, ne permet pas d’atteindre cet objectif et de rallier le plus grand nombre possible. Il faut donc "sortir du cadre actuel" et travailler avec de nouveaux paramètres.

C’est ainsi qu’une révision de la carte électorale envisagée en conjonction avec un nouveau mode de scrutin, qui impliquerait une redéfinition des "régions électorales", pourrait permettre d’y parvenir. Comment ? Tout simplement en divisant le Québec en 8 ou 9 régions électorales qui seraient représentées par des député-e-s de circonscriptions (comme actuellement) ET des député-e-s régionaux (élu-e-s à partir de listes régionales déterminées par chaque parti) qui serviraient à compenser les distorsions causées par l’élection des premiers sous le mode actuel (ex : le fait qu’un parti peut prendre le pouvoir avec seulement 30% d’appui populaire). C’est ce qu’on appelle un mode de scrutin mixte compensatoire, tel que proposé par Québec solidaire depuis des années (http://bit.ly/2k9WsOz).

Sous ce nouveau mode de scrutin, la carte électorale serait redessinée pour assurer l’égalité du vote et chaque région aurait un nombre d’élu-e-s proportionnel à son poids démographique. En plus, au final, chaque citoyen-ne aurait accès à plus qu’un-e député-e et à une diversité de points de vue correspondant à la diversité de points de vue qu’on retrouve dans la population.

N’avons-nous pas suffisamment d’exemples historiques démontrant l’impossibilité de réviser la carte électorale "comme du monde" pour enfin comprendre qu’il faut oser élargir notre perspective pour trouver des solutions aux échecs répétitifs et au "psychodrame" qu’ils engendrent à chaque fois que la carte électorale est révisée ?

Stéphane Lessard

Stéphane Lessard

Stéphane Lessard, Ex-membre du Comité de coordination national de Québec solidaire (2006-2010)

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