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Catalogne et Espagne : illustration du devoir de s'informer

29 août 2017

Un article paru dans Le Devoir du 28 août 2017 est une illustration parfaite de comment l’hégémonie culturelle décide pour nous de ce que signifient les événements. C’est aussi un véritable cas d’école quand il s’agit de montrer comment l’idéologie dominante, celle des puissants de ce monde, parle à travers nous qu’on en soit conscient ou pas.

Nous analyserons donc rapidement quelques éléments de cet article intitulé « Après une courte trêve, la guerre des nerfs reprend » en présumant que le journaliste ne diffuse pas consciemment une vision biaisée de la réalité. L’article porte sur la confrontation entre la Catalogne et l’Espagne sur la tenue du référendum d’indépendance le premier octobre prochain dans le contexte des attentats djihadistes que l’on sait et au lendemain d’une grande manifestation à Barcelone, capitale de la Catalogne, où les attentats ont eu lieu.

Le surtitre de l’article est « Espagne ». C’est la désignation officielle et l’on comprendra qu’il est convenu que les agences de presse et les journalistes ne prennent pas parti pour les volontés sécessionnistes. Ainsi, un article d’agence de presse destiné à l’étranger et qui vient du Québec surtitrera normalement « Canada ».

L’article vient de l’agence France-Presse à Madrid. Là on conviendra qu’il est quand même un peu curieux qu’on traite des actualités catalanes à partir de Madrid, d’autant que Barcelone est une très grande ville plus proche géographiquement de la France que Madrid et certainement très facile d’accès. On a aussi du mal à croire que l’agence France-Presse n’ait pas de correspondant à Barcelone. Quelle valeur devrait-on accorder à une dépêche sur les actualités québécoises qui viendrait de Toronto ?

Le sous-titre maintenant : « Le premier ministre Rajoy a demandé en vain aux indépendantistes catalans de reporter leur référendum. » Il s’agit du premier ministre espagnol faudrait-il préciser. Et les indépendantistes catalans ne sont pas un groupe sans organisation. C’est tout de même le président de la Catalogne Carles Puigdemont qui parle au nom de son parlement. Cette présentation des forces en présence est tronquée. L’emploi de l’expression « en vain » par le journaliste laisse sous-entendre qu’il y a une perte dans ce refus catalan. Ce n’est qu’une perte pour les autorités espagnoles, pas pour les autorités catalanes ni pour la population, qui est majoritairement favorable à la tenue du référendum (à plus de 70 %, apprend-on plus loin dans l’article).

La première phrase de l’article va comme suit : « L’Espagne n’aura pas eu le temps de faire son deuil. » On laisse ainsi entendre que les vilains Catalans ont empêché les Espagnols de vivre leur deuil. Il est assez étrange de s’exprimer ainsi quand on sait que c’est la Catalogne qui est en deuil.

Deuxième phrase : « Dimanche, alors que succombait une seizième victime des attentats de Catalogne, la guerre des nerfs reprenait entre Madrid et les indépendantistes catalans. » Si on reconnaît un peu tard que les attentats ont eu lieu en Catalogne, on oppose encore une instance officielle, Madrid, à un groupe informe « les indépendantistes catalans », ce qui est une manière très claire (consciente ou non) de discréditer une partie à l’avantage de l’autre. S’ajoute l’odieux de s’affirmer pour les Catalans alors qu’une seizième victime vient de trépasser, tissant ainsi un rapport monstrueux quoique inexistant entre la volonté d’indépendance et les résultats du terrorisme.

Troisième phrase : « Le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a demandé publiquement aux séparatistes de renoncer au référendum qu’ils préparent pour le 1er octobre afin de faire sécession. » On fait comme s’il n’y avait qu’un seul gouvernement en ne précisant pas qu’il s’agit du gouvernement espagnol qui demande quelque chose au gouvernement de la Generalitat de Catalogne. Encore une fois, on oppose une autorité officielle (et donc sous-entendue légitime) à un groupe sans structure : les « séparatistes ». On sait par ailleurs la connotation très négative qui est attachée au mot séparatistes, qui fait frissonner d’angoisse les bonnes âmes.

Est-il besoin de continuer ? Cet article aurait été écrit par le gouvernement espagnol qu’il ne serait pas différent. Est-ce que j’accuse l’agence France-Presse et son reporter, qu’il ne m’apparaît pas utile de nommer ici, de partialité ? de répondre à une commande ? Pas du tout, c’est l’hégémonie qui parle par leur bouche. Et si on ne prend pas la peine de bien s’informer soi-même aux sources les plus sûres, on manque au devoir de s’informer auquel ne s’empressent pas de répondre ceux qui n’ont rien à gagner à ce que l’ordre des choses change.

Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
8200, rue Hochelaga App. 5
Montréal H1L 2L1
Répondeur ou télécopieur : (514) 723-0415
francis.lagace@gmail.com.
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