Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Éditorial

Discours d’ouverture

Charest a tout faux !

Charest avait besoin de jeter de la poudre aux yeux pour faire oublier un gouvernement de moins en moins présentable et un premier ministre qui bat des records d’impopularité. En signant la pétition demandant sa démission, un quart de million de Québécoises et de Québécois lui ont dit clairement : "dégage !" Avec ce discours, il n’a convaincu que des membres de son parti.

Son diagnostic de la situation du Québec montre qu’il est sourd aux aspirations de la population. Silence assourdissant sur la demande d’enquête publique sur la corruption. Pas un mot sur la demande de moratoire sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste et affirmation résolue qu’il va procéder. Pour lui, la situation du Québec est excellente. Ce dernier rayonne dans le monde. La pauvreté recule. Le chômage est au plus bas. Des patrons paient moins d’impôt. Toute va très bien madame la marquise, ...!!! Il refuse de parler de l’essentiel : le crise du secteur manufacturier, la lourdeur des tâches du personnel de l’éducation et de la santé, la multiplication des scandales démontrant que la corruption est généralisée, le sous-financement du système scolaire du primaire à l’université, la gravité des problèmes environnementaux qui sont criants... Le premier ministre regarde les choses de si haut, qu’il ne peut voir la réalité des problèmes auxquels font face une majorité de Québécoises et de Québécois.

Des diversions face aux véritables problèmes de l’éducation

Les problèmes en éducation (taux de décrochage, endettement étudiant, ségrégation de diverses couches sociales avec le développement des écoles privées, manque de ressources, difficultés d’intégration des enfants en difficultés d’apprentissage) ne sont pratiquement pas abordés par le premier ministre. Il préfère présenter des gadgets comme l’achat de tableaux blanc interactifs, l’introduction du vouvoiement et de formations au civisme... Voilà un beau plan pour l’école québécoise. Rien pour renforcer le secteur public pour faire face aux problèmes qu’il rencontre. Comme horizon, on a rarement fait plus bas.

Les universités avec Jean Charest se voient réduites à être les pépinières des talents devant répondre aux besoins immédiats des entreprises privées. Alors l’endettement étudiant n’est pas un problème, au contraire le gouvernement s’entête à empirer leur situation en augmentant les frais de scolarité. Tant pis, si l’accessibilité aux études supérieures s’en trouvent réduite.

Un silence total, sur les effets désastreux du sous-financement et de la privatisation rampante du système de santé

Jean Charest se félicite de la situation des soins de santé. Et il propose la création d’une structure : une direction québécoise du cancer. Il n’a pas le courage d’analyser la fragilisation du secteur public de santé par la privatisation rampante qu’il favorise depuis des années. Il s’entête à construire le CHUM en PPP alors que les expériences internationales démontrent que ces pratiques sont le plus souvent très coûteuses, qu’elles font perdre de l’expertise au secteur public et qu’elles limitent le contrôle démocratique de la population sur ses institutions. Il ne pouvait pas promettre un réinvestissement massif dans le secteur au moment où sa préoccupation est de parvenir au déficit zéro par une marche forcée en sabrant dans les dépenses avec d’autant plus d’ardeur qu’il coupe dans ses revenus en provenance des entreprises alors qu’il maintient contre la volonté de la population, encore une fois, la taxation des services et l’impôt sur la santé.

Aucun constat sérieux, aucune solution, sur les difficultés actuelles de la langue française

Ne cherchez pas dans son discours le moindre mot sur les difficultés de la langue française au Québec présentement. Vous ne trouvez rien : aucun constat sérieux, aucune solution. Les difficultés de l’apprentissage de l’anglais, voilà le problème. Et on promet pour les élèves de 6e une demi-année consacrée à l’apprentissage de l’anglais. Est-ce souhaitable ? Est-ce réalisable ? Dans quels délais, avec quelles ressources ? Voilà des questions impertinentes. Pourquoi chercher à opérationnaliser des effets de toge ?

Se fier au privé qui fait des affaires avec les aîné-e-s

D’abord préoccupé des intérêts des assureurs, Charest va veiller, affirme-t-il, à l’extension des régimes de retraite privés pour le plus grand nombre... sans parler de sa volonté d’étendre le temps de travail pour les 65 ans et plus. Il joint ainsi sa voix aux différents gouvernements des pays capitalistes occidentaux dans leur préoccupation d’allonger le temps de travail pour pouvoir faire peser cette armée de réserve que peuvent constituer les aînés pour exercer des pressions à la baisse sur les salaires. Son seul plan est le développement des services aux aînés offerts par le secteur privé alors qu’il est de notoriété publique que les services y sont de moindre qualité. Ce sont encore les femmes qui devront augmenter leur fardeau de travail étant les premières qui se mobilisent comme proches aidantes.

« Plein gaz sur les énergies sales »

Dans les méandres de la recherche d’effets oratoires, il n’hésite pas présenter l’objectif de faire du Québec un leader mondial dans la lutte aux changements climatiques, pour défendre quelques lignes plus bas, tant l’exploration des gaz de schiste que les réserves de pétrole du golfe. Voilà la véritable politique énergétique de Jean Charest. Développer les énergies fossiles pour développer nos capacités d’exportation à ce niveau. L’application au Québec de la politique albertaine qui enrichira certains – tout va rester aux mains du privé comme l’illustre l’affaire Pétrolia – alors que les effets des destructions environnementales vont, eux, être largement partagés. De plus, le tournant vers l’exploitation des énergies fossiles ne va qu’empirer la lutte contre les gaz à effet de serre alors que l’essentiel est de se tourner vers les énergies renouvelables pour en faire un vaste chantier public sous le contrôle démocratique de la population.

De plus, le gouvernement Charest entretient un culte du secret complice de l’industrie comme le démontre l’affaire Pétrolia-Hydro Québec dans laquelle la société d’État a cédé ses droits pour une bouchée de pain tout en refusant de dévoiler les termes de cet accord. Même la ministre Normandeau doit s’incliner devant les portes closes.

Le Plan nord, un plan dessiné sur l’eau

Le Plan Nord, avec sa rhétorique de la nouvelle frontière, pour autant qu’il n’en reste pas aux déclarations d’intention, est l’expression d’une avidité face aux ressources minérales, énergétiques, forestières de ces territoires. Mais, ce sont des plans dessinés sur de l’eau dans le contexte de la crise économique mondiale. Rien pour soulever un quelconque enthousiasme mais les formules alambiquées que Jean Charest a bien voulu nous servir.

Bref les cinq priorités exposées par Jean Charest nous promettent un avenir désastreux : une éducation moins accessible et soumise aux intérêts étroits des entreprises ; des emplois de plus en plus précaires et l’élargissement d’un travail gratuit retombant sur le dos des femmes ; un développement énergétique centré sur les énergies fossiles menant à la détérioration de notre environnement ; la vente de nos ressources aux grands capitalistes pour leurs seuls intérêts et la commercialisation des services de santé débouchant sur la mise en place d’une médecine à deux vitesses.

Des politiques à rejeter, une alternative à construire.

La mobilisation a commencé à se construire contre un tel projet. Les citoyennes et les citoyens qui ont demandé un moratoire sur le développement des gaz de schiste continuent leur action. La volonté de s’attaquer à la corruption des administrations publiques n’a pas diminué.

Les mouvements syndicaux et sociaux se sont regroupés dans de larges coalitions pour mener des actions contre les politiques du gouvernement libéral pour dénoncer le budget du gouvernement qui va concrétiser les intentions gouvernementales. C’est pourquoi, le 12 mars, des dizaines et des dizaines de milliers de personnes doivent se mobiliser pour ce qui doit être une nouvelle relance de la construction de la résistance populaire aux projets antisociaux du gouvernement.

L’opposition viendra d’abord de la rue, car le projet du déficit zéro, le refus des revendications syndicales du dernier Front commun ont été largement appuyés par les partis présents à l’Assemblée nationale, sauf par Québec solidaire. La colère citoyenne n’a pas fini de surprendre. La coordination des forces sociales opposées au gouvernement Charest va continuer à s’approfondir. Elle devra exiger que les partis politiques qui prétendent s’opposer au gouvernement Charest s’engagent à soutenir activement leurs revendications en faveur de la population du Québec.

À l’heure où les partis néolibéraux qui offrent leurs service à l’oligarchie se multiplient, - on pense à l’éventuel parti de François Legault ou au PQ de Pauline Marois qui s’engage à aller dans le même sens avec quelques bémols sans grande importance-, il est clair que la résistance populaire doit se donner comme objectif non seulement de bloquer les mauvais coups que les gouvernements nous préparent, mais de lutter pour un gouvernement qui aura une autre politique, une politique répondant aux besoins de la majorité de la population. C’est pourquoi, la lutte politique pour l’enracinement d’un parti reprenant les revendications des travailleuses, des travailleurs, de la jeunesse, des femmes et des milieux populaires est incontournable si nous voulons dépasser une position largement défensive et présenter à la population québécoise un autre projet de société.

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