Édition du 16 avril 2024

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Arts culture et société

Citizen Kane

« Il n’y a pas de lumière sans ombre. » Louis Aragon (1897-1982).

Ce film est incontestablement l’une des œuvres cinématographiques les plus marquantes dans l’histoire du cinéma. L’American Film Institute l’a d’ailleurs qualifié, en 1998, de « plus grand film de tous les temps. » Le grand succès de ce film vient, entre autres choses, du fait que son réalisateur, Orson Weeles, n’avait que 25 ans quand il l’a tourné et il y tient, en plus, le rôle du personnage principal inspiré du magnat de la presse William Randolph Hearst. W. R. Hearst a d’ailleurs tout fait en son pouvoir pour empêcher la sortie et la diffusion de ce film en salle. Ses démarches de bâillonnements, pour notre plus grand bonheur, ont échoué.

Le film s’ouvre sur la dernière parole sibylline prononcée par Charles Foster Kane au moment où il trépasse : « Rosebud ». En prononçant ce mot, Kane semble donner la clé interprétative de toute son existence. Ce sera à partir de cet indice qu’un journaliste tentera de reconstituer la vie du défunt. Sa démarche consiste à recueillir des témoignages auprès de personnes qui l’ont connu et côtoyé pendant de nombreuses années (l’ancien ami, la femme déchue, le domestique en chef). Au terme de ses investigations journalistiques, qui l’ont mené jusqu’au palais où Kane est décédé, la caméra nous montre une luge en bois qui brûle dans le foyer d’une splendide résidence de luxe accessible uniquement aux richissimes multimillionnaires. C’est sur ce traîneau, un jouet d’enfance de Kane, qu’est gravée la célèbre inscription énigmatique « Rosebud ».

Sous l’angle psychologique, ce film traite de la nostalgie de l’enfance. Sous les aspects économique et politique, le film porte sur l’orgueil, la suffisance et l’arrogance d’une personne riche et puissante qui s’imagine qu’avec l’argent « tout peut s’acheter ». D’un point de vue cinématographique maintenant, en optant pour des flash-back éclatés, le film s’inscrit indiscutablement dans la voie de l’innovation. La trame narrative linéaire traditionnelle du cinéma hollywoodien est littéralement pulvérisée ici. Avec ce film, aux nombreux retours en arrière, nous sommes devant un récit non pas chronologique en continue, mais du type déchronologie1. Une nouveauté majeure et significative à l’époque.

Ce film a été tourné en noir et blanc. Il comporte de nombreux contrastes riches qui jouent entre… l’ombre et la lumière. Il est, encore aujourd’hui, un incontournable à voir impérativement. Un must !

Yvan Perrier

Notes
1.- Déchronologie : Présentation qui ne tient pas compte de l’ordre chronologique. Le petit Robert, 2015, p. 631.

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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