Édition du 26 mars 2024

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Conférence de Durban sur le climat : l’agonie d’un mandat

La conférence de Durban sur le changement climatique est terminée. Elle s’achève sur un accord sans engagement, condamnant à une augmentation de la température globale de plus de 4°C, dont l’objectif est de diluer les responsabilités à travers la négociation d’un nouveau mandat pour 2015 qui ne serait applicable qu’en 2020.

Le traité de Kyoto reconnaissait la responsabilité historique des pays industrialisés et leur assignait des objectifs obligatoires de réduction des émissions jusqu’en 2012 – avec un engagement à définir une deuxième période de 2012 à 2017 (article 3). Le texte de Durban n’applique pas le traité. Pour cela il aurait fallu un amendement et un processus de ratification des États. Il a été seulement « pris note » de la nécessité d’examiner une nouvelle période d’engagements lors de la prochaine conférence, la « COP18 » qui se tiendra à Doha (Qatar) fin 2012. Pendant ce temps, le Japon, la Russie, le Canada et d’autres pourront ne pas respecter les obligations qu’ils avaient ratifiées. Plus encore, ce pourrait même être une aubaine pour justifier la négociation d’un nouveau traité.

La position des États-Unis a gagné du terrain et s’est finalement imposée : un nouveau processus de négociations devrait s’ouvrir, chargé de définir un nouveau « cadre juridique » à compter de 2020. Appliqué à tous les pays, sans distinction et sans être légalement contraignant, ce nouveau cadre enterrerait définitivement ce qui a constitué le fondement de la Convention climat de l’ONU en 1992 : la reconnaissance d’une responsabilité historique des pays industriels. Il établirait dans un texte commun les engagements et promesses des différents pays, ce qui, en l’état actuel des choses, conduirait à un réchauffement de plus de 4°C en 2050.

Des engagements financiers avaient été annoncés à Copenhague par les pays industrialisés (10 milliards par an jusqu’à 2012, 70 milliards par an jusqu’à 2020 et 100 milliards par an à partir de cette date). La mise en place de ce « fonds vert » a été l’appât et le moyen de pression à Copenhague et à Cancún. Mais, sur les milliards promis à Copenhague, les pays du Sud ne voient toujours rien venir. Aujourd’hui les seuls moyens de financement concrètement envisagés pour financer la lutte contre le changement climatique sont des fonds privés attirés par les marchés du carbone. C’est la raison essentielle de la défense du protocole de Kyoto par l’Union européenne, soucieuse de l’effondrement du marché européen.

La gestion de ce fonds sera confiée, pour l’essentiel, à la Banque mondiale, et les entreprises pourraient y avoir directement accès. La Banque mondiale s’est également posée comme acteur central et contrôleur des transferts de technologies, avec notamment les expérimentations en matière de géo-engénierie, pour lesquelles il existe un moratoire de l’ONU qui pourrait être détourné par la Banque. Dans la même logique, même si cela n’a pas été retenu cette fois dans le texte, l’agriculture deviendrait un pourvoyeur de ces marchés, en ce qu’elle permettrait en premier de séquestrer le carbone émis ailleurs. La Banque mondiale a entamé le processus en dehors des textes onusiens, comme elle l’a fait pour la déforestation. Elle est à ce titre l’expérimentatrice desdits financements innovants. Dans le même esprit, la séquestration et le stockage du carbone ont été reconnus à Durban comme étant des « Mécanismes de développement propre » pour le plus grand bonheur des entreprises qui pourront ainsi gagner des crédits d’émission en continuant à extraire les énergies fossiles.

Au moment où les rapports scientifiques convergent pour dire l’urgence des changements à mettre en œuvre, ce sommet des Nations unies restera celui du grand renoncement. Aujourd’hui, c’est clairement le rôle des populations d’imposer d’autres choix à une diplomatie climatique soumise, plus que jamais, aux intérêts géopolitiques et aux lobbies économiques et financiers. Crise climatique, crise économique et sociale, crise démocratique ne sont pas disjointes.

Tout en affirmant notre solidarité concrète avec ceux qui vivent déjà les conséquences du changement climatique, c’est à nous tous de lier et articuler nos propositions de transition, et de poursuivre la construction de rapports de force pouvant déboucher sur les traités internationaux dont nous avons besoin pour répondre au terrible défi du changement climatique.

Mots-clés : Edition du 2011-12-13

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