Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Daniel Breton et « l’avenir économique et écologique de nos enfants »

M. Daniel Breton, député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et adjoint parlementaire à la première ministre (volet électrification des transports), a récemment donné son appui au projet d’exploration du pétrole de schiste sur l’île d’Anticosti lancé par son gouvernement [1].

Cette prise de position peut surprendre de la part d’un ancien directeur de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) et du cofondateur du Parti Vert du Québec.

On peut admettre que, vu la position de pouvoir qu’il occupe maintenant à titre de membre du gouvernement, M. Breton doit faire face à des contraintes auxquelles n’est pas soumise la majorité des citoyens. (Tout comme ses collègues Mme Martine Ouellet et M. Scott McKay, d’ailleurs, dont les antécédents devraient nous laisser croire qu’ils ont, eux aussi, un préjugé favorable pour l’environnement…)

Mais il faut aussi souligner que les citoyens et citoyennes de la base ont, de leur côté, le devoir de faire contrepoids et de veiller à protéger le bien commun et le patrimoine environnemental, à l’abri des contraintes et des pressions des différents lobbies. Il y a là un débat à faire, comme nous y invite M. Breton, mais encore faut-il le faire de façon intelligente et responsable.

Il est facile de monter tout de suite aux barricades et d’accuser de trahison une personne qui a milité toute sa vie pour la défense de l’environnement. Facile de se donner bonne conscience… Pourtant, nous consommons tous du pétrole et, si nous ne changeons pas nos habitudes, nous continuerons à en consommer encore pour un bon moment.

On s’entend généralement pour dire qu’il faut sortir de notre dépendance aux hydrocarbures. Mais pendant la période de transition, pendant les trente prochaines années, où prendrons-nous notre pétrole, demande M. Breton. La question doit en effet être posée. Mais la réponse qu’on lui donne peut varier selon les angles d’approche.

Comme un grand nombre de Québécois, nous nous opposons à la fracturation hydraulique utilisée pour extraire le gaz et le pétrole de schiste ainsi qu’à l’exploitation des sables bitumineux.

L’extraction du gaz de schiste émet plus de CO2 que l’exploitation du gaz conventionnel et presque autant que celle du charbon. Elle risque en outre de contaminer les nappes phréatiques et les eaux de surface et nécessite d’énormes quantités d’eau [2] [3], qui seront par la suite irrémédiablement polluées et inutilisables.

Quant à l’exploitation des sables bitumineux, elle a sur l’environnement des effets si dévastateurs que le gouvernement fédéral lui-même n’ose pas recueillir de données pour les évaluer [4] et musèle les scientifiques qui voudraient s’exprimer sur la question [5].
Malgré tout, le gouvernement du Québec est favorable à l’inversion du flux de pétrole issu des sables bitumineux dans le pipeline 9B d’Enbridge et juge nécessaire de vérifier l’existence d’éventuelles réserves de pétrole de schiste dans le sous-sol de l’île d’Anticosti.

Et si l’on découvrait que ce sous-sol regorge effectivement de pétrole, peut-on raisonnablement penser que nos décideurs auraient la sagesse de le laisser reposer dans la roche jusqu’à ce qu’on ait maîtrisé les facteurs qui sont à l’origine des changements climatiques, comme le recommandent instamment un nombre sans cesse croissant de scientifiques ? On peut en douter !

S’il s’avérait par contre, comme cela est d’ailleurs plus probable, que ces réserves de pétrole qu’on nous fait miroiter n’existaient pas ou n’étaient pas exploitables [6], que ferions-nous ? Ne trouverions-nous pas d’autres solutions ? La nécessité est mère de l’invention, dit-on…

Ne devrions-nous pas nous assurer, pendant cette fameuse période de transition, que les hydrocarbures que nous utilisons proviennent des sources les moins polluantes possibles, tout en travaillant à réduire notre consommation et à développer d’autres technologies plus propres ? Ne serait-ce pas là la meilleure façon de se montrer « responsables d’un point de vue économique et écologique ? ».

François Prévost et Denise Campillo

Montréal et Roxton Falls

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