Édition du 26 mars 2024

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États-Unis

Depuis 60 ans, ce puissant groupe conservateur s’est évertué à écraser la classe ouvrière (américaine)

Le récent arrêt Janus aide le Comité national pour le « droit de travailler » et ses associés à se rapprocher de leur objectif. En décembre 1953, un groupe de dirigeants.es d’entreprises s’affichant contre la classe ouvrière s’est réuni à Washington D.C. pour ce qui allait être la première d’une série d’autres rencontres secrètes. Ces rencontres étaient organisées par un manufacturier de boîtes de carton du nom d’Edwin S. Dillard, héritier de la compagnie Old Dominion Box Company. Il avait passé 7 ans à travailler à empêcher ses employés.es de se syndiquer. Le but de ces rencontres : trouver les moyens d’écraser le mouvement ouvrier américain.

Moshe Z. Marviti, The Nation, 5 juillet 2018
Traduction : Alexandra Cyr

M. Dillard a convaincu une entreprise de relations publiques réputée, Selvage & Lee, de repérer d’autres personnes qui pourraient se joindre à la cause. Dans un trésor de documents que le Syndicat des travailleurs de l’auto a partagé avec nous, nous avons pu saisir tous les efforts accomplis par le représentant retraité de la Chambre, Fred Hartley avec Whiteford Blakeneyii, fer de lance notoire de ce que le monde ouvrier appelle « la loi pour le travail esclavagiste », le premier avocat de la nation militant contre les syndicats, les représentants de General Electric, de Santa Fe Railway, d’un invité de Southern Tobacco et d’entreprises manufacturières et textiles.

Lors d’une de ces rencontres, M. Dillard a déclaré au groupe : « il est temps pour le monde des affaires de se rendre compte que (l’atelier ferméiii) est une terrible menace pour le pays, pour ses opérations dans les entreprises quelles qu’elles soient, partout aux États-Unis ». Le groupe a décidé de « former une organisation quelconque » pour faire face aux travailleurs.euses.

Lors de la troisième rencontre, le15 décembre 1954, le groupe, maintenant composé d’une douzaine de convaincus, s’est entendu sur un plan à la fois simple et radical : plutôt que continuer à combattre les travailleurs.euses de haut, depuis la gérance, ils allaient les briser de l’intérieur. L’élément clé de cette stratégie était emprunté à ce qui se faisait déjà depuis des années, par la droite ségrégationniste du sud, et qui venait d’être inscrit dans un article de la loi Taft-Hartleyiv de 1947. Cette disposition connue sous le nom de Section 14(b) permet aux États d’adopter des lois dites « du droit de travaillerv ». Ces lois autorisent les travailleurs.euses à ne pas payer de cotisations aux syndicats qui les représentent dans les lieux de travail. C’est le meilleur moyen d’assécher les fonds des organisations ouvrières de l’intérieur. À partir de là, le groupe s’est décuplé et a créé le National Right to Work Committee (NRTWC).

« Libérer la force ouvrière »

Presque 65 ans plus tard, le 27 juin de cette année, Mark Mix, président à la fois du National Right to Work Committee et de sa branche légale, la National Right to Work Legal Defense Foundation (NRWLDF), apparaissait victorieux sur les marches de la Cour suprême dans une entrevue à Fox News. En effet, l’Arrêt Janus contre l’AFSCME (American Federation of State, County and Municipal Employees) venait d’être prononcé. Il a déclaré : « Nous sommes très enthousiastes. C’est un grand jour pour chancun.e des travailleurs.euses, non seulement en Illinois, mais partout dans le pays ». Dans un échange de quelques minutes avec le journaliste de la chaîne, Bill Hemmer, il ajoute : « Finalement, la Cour suprême a pris la bonne décision ».

M. Mix avait de bonnes raisons de pavoiser : la fondation a représenté Mark Janus, le premier plaignant, qui a porté sa cause de la Cour fédérale du district en Illinois où il a été débouté jusqu’à la Cour d’appel du septième circuit où il a de nouveau perdu et jusqu’à la victoire devant la Cour suprême. Le juge Samuel Alito qui a rédigé l’arrêt pour les 5 juges conservateurs a renversé une disposition légale vieille de 40 ans. Il a accepté les fondements de l’argument qui veut que les travailleurs.euses du secteur public, tel M. Janus, ont le droit, de par le 1ier amendement, de refuser de payer des cotisations aux syndicats qui les représentent dans les négociations. M. Alito écrit : « Les syndicats du secteur public des États ne devront plus percevoir de cotisations d’employés.es sans leur consentement ».

Et le juge associé est même allé plus loin. Il a déclaré que venait de se terminer tout le temps où la pratique imposait aux travailleurs.euses ne désirant pas payer de cotisations syndicales parce que refusant d’adhérer au syndicat et d’avoir à le signaler, « violait leurs droits garantis par le 1ier amendement ». Faire un geste d’adhésion serait maintenant la pratique normale. Ce fut une écrasante décision en phase avec l’appétit de la droite pour le 1ier amendement. Elle transforme effectivement toutes les accréditations du secteur public en entités représentatives légales assujetties au « droit de travailler ». Elle rapproche aussi tout le pays aux élucubrations du comité fondateur contre la classe ouvrière.

Les effets de l’arrêt Janus s’avéreront importants et poseront des défis exceptionnellement difficiles aux syndicats. Comme M. Mix l’a déclaré à Fox News, non sans plaisir : « Ils sont vraiment cuits aujourd’hui ». En effet, en permettant aux travailleurs.euses de ne pas contribuer aux frais de représentation, même si la loi fédérale oblige les syndicats à les représenter, va plomber leurs finances, réduire leur niveau d’adhérants.es et affaiblir ainsi leurs capacités de négociation. Dans les faits, cela signifie que des millions d’employés.es du secteur public, des enseignants.es, des chauffeurs.euses d’autobus, des pompiers.ères et un nombre infini d’autres travailleurs.euses trouveront bien plus difficile de lutter pour de meilleurs salaires, de meilleurs bénéfices marginaux, des conditions de travail convenables et les emplois qui, sous d’autres conditions, ont servi de rampe de lancement vers la classe moyenne et qui ne joueront plus ce rôle. C’est une mauvaise nouvelle pour tout le monde, mais les avocats dans les organisations de travailleurs.euses, s’inquiètent particulièrement pour les personnes de couleurs et encore plus pour les femmes de couleur de loin les plus nombreuses dans les emplois de ce secteur, tout en gagnant beaucoup moins que leurs collègues masculins ; elles ont le plus à perdre.

Dans sa virulente déclaration de dissidence, la juge Elena Kagan, rejointe par trois autres juges libéraux, écrit : « Impossible de rendre la décision d’aujourd’hui plus acceptable. La majorité (de la Cour suprême) à renversé une décision intégrée dans la loi de notre nation et dans sa vie économique depuis 40 ans. Cela empêche le peuple américain, à travers ses administrations des États et des localités, de faire des choix quant à la gouvernance des lieux de travail ». (…)

Ce qui rend l’arrêt Janus particulièrement singulier c’est que la fondation (NRWLDF) et le comité (NRTWC) proclament intervenir au nom des travailleurs.euses des États-Unis. Dans leurs arguments sur leur site Web, ils décrivent leur tâche comme en étant une de libération des employés.es face aux paiements forcés aux syndicats et du rétablissement de leurs droits en vertu du 1ier amendement. Si vous passez outre l’analyse superficielle de l’arrêt Janus, il apparaît clairement que, comme dans le courant du « droit de travailler », tout ça n’a pas commencé avec la plainte d’un travailleur ou d’une travailleuse, mais avec un riche homme d’affaires luttant contre la syndicalisation.

Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de l’homme d’affaires multimillionnaire, gouverneur de l’Illinois, Bruce Rauner qui, durant son premier mois en poste en février 2015, a émis un ordre exécutif qui a obligé les agences qui payent les salaires des employés.es de l’État, à cesser immédiatement de prélever les cotisations syndicales, sous prétexte que celles-ci étaient non constitutionnelles. Il a poursuivi ensuite les syndicats devant la cour fédérale pour obtenir une déclaration à l’effet que son geste était légal. Comme l’a déclaré le juge de cette cour, il s’agit d’une procédure d’amateur pour tenter de faire porter le poids de la cause aux syndicats et d’ajouter que la poursuite du gouverneur était invalide puisque personnellement, il n’avait subi aucune conséquence et qu’il n’y avait aucun enjeu pour lui.

Tout se serait arrêté là si, en mars en 2015, avant que la décision du tribunal ne soit publiée, la NRWLDF ne dépose une demande d’intervention au nom de M. Janus et de 2 autres employés.es du secteur public et le Liberty Justice Center qui s’est ensuite joint au groupe. La fondation soutenait que M. Janus et d’autres s’opposaient, non seulement aux positions de politiques publiques des syndicats, mais aussi aux luttes syndicales visant des augmentations de salaire et de meilleurs bénéfices marginaux parce que cela mettait les finances de l’Illinois en mauvaise position : « M. Janus croit aussi que les positions de l’AFSCME lors des négociations ne prennent pas en compte la crise fiscale actuelle en Illinois ». Cet argument faisait partie de l’argumentation pour que M. Janus se joigne à la poursuite de M. Rauner. La fondation ajoutait aussi à ses arguments que le prélèvement universel des cotisations violait le Premier amendement.

Cette nouvelle configuration de la poursuite lui assurait sa légitimité. Le gouverneur a été éjecté par le juge fédéral et ce qui était une poursuite de la part d’un riche homme d’affaires luttant contre la syndicalisation est devenue celle d’un travailleur qui ne cessait de répéter qu’il n’était pas contre la syndicalisation, mais qu’il ne cherchait que le droit de choisir.

Cette transformation est la preuve des méthodes d’une organisation qui, plus que n’importe qui, a fait passer le « droit de travailler » de la marginalité au cœur de la loi du pays.

La genèse du « droit de travailler »

Pour comprendre comment cette obsession de l’extrême droite est devenue un principe du Parti républicain et s’est répandue largement dans les politiques, il est utile de se reporter aux tout début du concept.

Les premières mentions des mots « droit de travailler » remontent aussi loin qu’au début du 19ème siècle, mais sa transformation en arme aux mains des intérêts du monde des affaires conservateur est souvent attribuée à Vance Muse, un homme d’affaires texan réactionnaire. Muse s’est déjà décrit fièrement et publiquement comme un « convaincu de la suprématie de la race blanche ». Il était à la tête d’un groupe appelé l’Association chrétienne américaine. Dans les mots exacts de son petit-fils, il était aussi « un antisémite et un harceleur de communiste ». Il détestait les syndicats parce qu’il les voyait comme l’anti chambre du communisme et une menace à l’ordre racial : « À partir de maintenant, les hommes et les femmes de race blanches vont être forcés.es d’entrer dans des organisations où il y a des singes africains noirs.es, qu’ils seront obligés.es de les appeler au risque de perdre leur emploi » en référence à l’atelier syndiqué ». Durant les années 1940, il s’est organisé pour détruire les syndicats en consacrant les dernières années de sa vie à collaborer avec l’Association chrétienne américaine et d’autres organisations pour faire adopter des lois sur le « droit de travailler ». Au moment de sa mort en 1950, 11 États avaient adopté ce genre de lois et la loi Taft-Hartley était nationale.

Le National Right to Work Committee ne fait pas grand-place à V. Muse dans son propre historique, mais, il n’en reste pas moins que c’est de ces victoires passées que l’organisation est sortie de l’ombre plusieurs années après sa mort. Comme V. Muse, un grand nombre des premiers dirigeants des groupes étaient des hommes d’affaire du sud avec une antipathie notoire envers les syndicats. Et comme lui, beaucoup d’entre eux entretenaient des sentiments très clairs contre le communisme, mais contrairement à M. Muse qui laissait éclater son racisme sans retenue, les fondateurs du comité ont compris le pouvoir de la subtilité. Le groupe s’est mobilisé en faveur des intérêts des employeurs et c’est l’un d’eux qui le dirige, mais leur présentation publique prétend toujours représenter les valeurs et besoins de cols bleus.

À cet égard, le groupe était probablement plus proche de la Fondation DeMille pour la liberté politique qui a eu une courte existence. Elle a été fondée par le géant d’Hollywood et anti-communiste actif, Cecil B. DeMille. Selon le résumé qu’en donne son secrétaire en 1954 lors d’un discours à une Chambre de commerce, la stratégie de la Fondation DeMille pour la liberté politique, était de placer les travailleurs.euses au centre de ses efforts pour pouvoir les brandir en public : « Des individus puissants et les intérêts des entreprises doivent faire partie de toutes ces campagnes (dans les États en faveur du « droit de travailler »), mais comme . Ils pourront « déterminer les politiques et enclencher les actions », mais en revanche, elles devront « être exécutées par des citoyens.nes moins liés aux intérêts des employeurs dans l’esprit du public ».

Que ce soit en concordance consciente avec cette stratégie ou non, le Comité a très vite maitrisé une manière de faire semblable. Dès le point de départ, il a placé un ancien commis des chemins de fer syndiqué, William T. Harrison, comme sa figure publique, remplaçant l’ancien représentant antisyndical, Fred Hartley. M. DeMille qui avait désapprouvé les liens évidents du groupe avec les intérêts des employeurs semblait soulagé. Le groupe se montrait aussi adepte de l’art ancien de reprendre les idées progressistes et de les mettre sens dessus dessous ; par exemple, se draper dans le manteau des droits civiques et, avec une cynique inversion, cibler la classe ouvrière comme la menace aux droits des travailleurs.euses.

Avec ce genre de perversité, l’obligation d’être syndiqué.e devient le délit, en lieu et place des employés.es qui ne veulent pas payer pour le travail de représentations de leurs syndicats. Et les syndicats, non pas les employeurs.euses qui imposent à leur personnel de bas salaires ou de dangereuses conditions de travail, deviennent les oppresseurs coupables d’obliger les travailleurs.euses à joindre leurs rangs sans leur consentement. Comme l’a déclaré le NRTWC dans ses statuts et règlements en 1958 : « Nous croyons que (l’obligation de se syndiquer) est injustifiable et constitue une négation de la liberté individuelle et du libre choix. Elle implique rien de moins que l’oppression des minorités et la destruction des droits civiques ».

Le rôle spécifique du comité est donc de protéger ces droits et son arme est le « droit de travailler ». Il peut sembler étrange qu’un groupe créé par un homme d’affaires antisyndical, qui marche sous la bannière de Vance Muse, se déclare gardien des droits civiques et de ceux des minorités. Ça n’a pas empêché le NRTWC de tenter de le faire, que ce soit avec la distribution de publicités, par des dépositions en cour et même des parutions dans le magazine Ebonyvi. C’est là qu’en 1973, alors qu’elle était membre du NRTWC, Ruth Johnsonvii écrit dans une lettre à la rédaction que Martin Luther King Jr. aurait soutenu la lutte pour le « droit de travailler » : « C’est ce que le docteur King voulait. Sur une base volontaire » écrit-elle.

En fait, alors qu’il a été assassiné pendant qu’il soutenait des éboueurs en grève pour faire respecter leurs droits, il était exactement à l’opposé de cette lutte du soi-disant « droit de travailler ». Dans un discours en 1961, il met en garde : « Dans notre glorieuse bataille pour les droits civiques, nous devons faire attention de ne pas nous laisser berner par de faux slogans comme celui du « droit de travailler ». C’est un moyen de nous retirer nos droits civiques et au travail. Partout où ces lois ont été adoptées, les salaires sont plus bas, les emplois plus rares et il n’y y a pas de droits civiques. Nous n’allons pas nous laisser faire. Nous exigeons que cette fraude cesse ».

Une force écrasante

Les fondateurs du NRTWC ont établi les bases qui allaient les mener vers le futur, mais c’est Reed Larson qui l’a amené à la force que nous lui connaissons maintenant. (…) Au début de sa vie active, il était ingénieur pour la compagnie Coleman à Wichita qu’il a quittée en 1954 pour devenir la tête dirigeante de la lutte pour le « droit de travailler » au Kansas. Après avoir réussi contre toute attente, à faire adopter la législation, on l’a tiré de l’ombre pour lui confier la direction de l’organisation. Au Kansas, on rapporte qu’il a réussi grâce à l’appui du magnat du pétrole et patriarche de la famille Koch, Fred. Il assuré la direction du comité pendant 40 ans, jusqu’en 2003. Il a donné des conférences dans les cercles conservateurs de haut niveau. En 1981, il arrivait au 5ème rang des conservateurs les plus admirés en dehors du Congrès, ce n’était que 2 rangs de moins que Ronald Reagan. Trois ans plus tard, la revue de la Société John Birch, Review of the News, le présentait comme un « combattant pour les droits des travailleurs.euses » lors d’une entrevue exclusive.

En 1977, le New York Times publiait un portrait flatteur de l’homme. Un article, intitulé Reed Larson contre l’atelier syndical, exposait en même temps et son ambition qui comptait vraiment et un engagement large pour l’usage de la force écrasante. Sous sa direction, le NRTWC a augmenté diverses opérations dans le but de combattre le monde ouvrier sur de multiples fronts. La fondation de défense légale entreprenait des poursuites partout dans le pays en envahissant les tribunaux. Ses campagnes législatives poussaient les États à adopter des lois sur le « droit de travailler » en faisant attention de les choisir un par un. Il a pratiqué le lobbyisme auprès des législateurs.trices, soutenu des candidats.es aux élections et posté un nombre infini de lettres à tel point que l’édifice des organisations et groupes à Springfield en Virginie a été doté d’un code postal particulier par les services postaux. Durant la grève et le boycott chez Delano Grape, on rapporte qu’il a vendu des autocollants incitant les gens « à manger plus de raisins ».

Aux yeux de ses admirateurs, M. Larson est devenu un héros. En 2015, lors de l’éloge funèbre de M. Eugene Delgaudio, dirigeant de Public Advocate of the United Statesviii, (il était) : « le plus des géants du mouvement conservateur avec le plus de muscle et une stature au-dessus de tous ». Le Wall Street Journal l’a salué comme « avocat déterminé de la cause du « droit de travailler » », mais ceux et celles qui le critiquaient n’en avait pas la même image. M. Joseph Rauh Jr, avocat défenseur des droits civiques a déclaré au New York Times en 1977 : « il se consacre à la destruction du mouvement syndical ».

Au bout du compte, M. Larson a échoué à mener à bien sa mission, mais il a réussi à affaiblir le mouvement syndical et à répandre un appareil antisyndical qui demeure encore puissant en coulisse. Sous l’actuelle direction de Mark Mix, le NRTWC et ses organisations associées, font partie d’une opération de 30 millions de dollars selon Guidestarix. Y participent également des supporters de droite de haut niveau comme la Fondation Bradley, la Fondation Olin et la Fondation de la famille Walton (de Walmart). Même si ces groupes n’ont pas connu une grande reconnaissance de la part d’alliés conservateurs (…), leur emprise est importante et on peut retrouver leur marque dans plusieurs des actions pour définir les efforts actuels contre le monde ouvrier. Par exemple, en 2011, avec les pressions pour que le Wisconsin adopte la loi 10 qui empêche les syndicats du secteur public de, entre autres choses, négocier et en 2013 dans la « bataille de Chattanooga » qui a mis fin à la tentative de syndicalisation chez Wolkswagen.

De temps à autre, le NRTWC s’est retrouvé dans de mauvais draps avec de telles stratégies et activités. En 1984, durant l’ère Larson, et selon ses dires, le comité a décaissé 100,000 $ pour embaucher des détectives privés afin qu’ils infiltrent l’équipe de la campagne présidentielle de Walter Mondale, l’AFL-Cx et la National Education Association (NEA), en plus de faire face à une poursuite de la part de la Commission fédérale sur les élections. Finalement, la cause a été rejetée pour cause de fondements trop limités. Plus récemment, ProPublica, conjointement avec l’émission Frontline sur PBS, accompagnés par les journaux locaux du Montana, ont mis en évidence que toute une série de groupes écrans qui agissent en coulisse, ont procédé à l’expédition par la poste de propagande électorale en faveur des Républicains.es durant la campagne des primaires au Montana, le tout en violation de la loi sur le financement des campagnes électorales. Cela est passé sous le radar tant et aussi longtemps que des boîtes contenant des documents identifiés NRTWC n’aient été retrouvées au Colorado. Nous avons demandé au comité de réagir à propos de ces deux incidents et nous n’avons jamais reçu de réponse.

Mais dans l’ensemble, le comité a poursuivi ses tactiques très dures avec des résultats positifs, particulièrement depuis que le pouvoir est passé encore plus à droite. Depuis 2012, avec ses alliés.es, il a réussi à faire passer des lois sur le « droits de travailler » dans plusieurs États, dont les importants Michigan, Wisconsin et Missouri. Les protestations populaires au Missouri ont permis de reporter le vote au mois d’août 2018 ; la loi n’est donc pas en vigueur en ce momentxi. 28 États ont adopté ce genre de lois. D’une certaine manière, les syndicats ont été tellement affaiblis dans ces États, autrefois des forteresses démocrates, que cela a aidé à faire élire D. Trump en 2016.

En même temps, le comité continue sa lutte pour l’adoption de lois sur le « droit de travailler », le fin du fin des législations antisyndicales, le rêve du mouvement depuis l’ère de Vance Muse. On rapporte qu’il travaillait à un amendement de la constitution en ce sens juste avant sa mort. Pour renforcer ces efforts et d’autres projets, le NRTWC a dépensé environ 44 millions de dollars en lobbying auprès du Sénat depuis 1999 et c’est un investissement qui rapportera tôt ou tard. Selon Rand Paul, parrain du projet de loi « droit de travailler » au Sénat et promoteur actif du NRTWC, le Président Trump aurait promis de la signer si jamais elle arrivait sur son bureau. Dans une déclaration publiée par le comité, R. Paul déclare : sans l’ombre d’un doute, c’est notre meilleure chance à jamais de la faire adopter et de mettre fin à l’adhésion forcée aux syndicats aux États-Unis ».

Avec les récentes victoires, il se peut bien que le Congrès n’ait jamais à adopter une loi fédérale du « droit de travailler » et il est possible que la Cour suprême le décide avant. Déjà, avec l’arrêt Janus, la Cour a transformé les conditions de travail de tout le secteur public, où se retrouve la moitié de tous les syndiqués.es du pays, en les soumettant aux lois sur le « droit de travailler » en partie. Elle a ainsi mis fin à 40 ans de règles bien établies et bouleversé des milliers de contrats de travail régissant de millions de travailleurs.euses. Il ne lui reste plus qu’à trouver une autre tournure tout aussi cynique pour appliquer cette règle au secteur privé, mais cela est peu probable, parce que le premier amendement (de la Constitution) ne concerne pas le secteur privé de la même manière qu’il le fait pour le secteur public. Mais n’oublions pas que l’arrêt Janus était inimaginable il y a quelques années. Et si jamais cela arrive, ce ne sera pas attribuable à quelque cri du coeurxii de la classe ouvrière américaine ou à quelque exigence que ce soit de la part des travailleurs.euses, non, ce sera parce que le service juridique du NRTWC aura défendu et fourni les arguments (pour une telle disposition) depuis des décennies.

Du point de vue légal

Aux États-Unis, il y a une longue tradition utilisée par les abolitionnistes et les suffragettes, ce que le professeur de droit Jules Lobel a appelé « le succès sans victoire ». Cela se présente à contrario de ce que la plupart des gens conçoivent comme conclusion d’un procès, c’est-à-dire gagner sa cause, comme étant le but ultime, si ce n’est le seul. « Le succès sans victoire » voit le tribunal comme un forum politique où les points de vue minoritaires et les voix qu’on n’entend jamais peuvent susciter l’attention du public et l’éduquer. Les cas individuels sont amenés pour plus que gagner le procès : c’est pour définir le mouvement, souligner des contradictions dans la loi et les exploiter. Perdre une cause particulière peut donner l’occasion d’élaborer une structure pour gagner dans le futur. La formule a été utilisée traditionnellement par les opprimés.es et les sans voix. Elle est devenue une stratégie inattendue pour un groupe comme la National Right to Work Legal Defense Foundation qui s’accorde avec les grandes entreprises et les riches, mais c’est dans la lutte contre le soi-disant « nouvel esclavage » que la NRWLDF a pratiqué une inversion typique : avec ses soutiens corporatifs, elle est devenue David et les syndicats les Goliath. C’est cette conception des choses qui a amené Mark Janus à déclarer sans rire que sa cause ne portait pas sur les 23.48 $ de cotisation déduits de sa paye à chaque période, mais bien sa liberté fondamentale, ses choix et son libre arbitre.

Cette stratégie a des effets importants. Elle a inondé les tribunaux et les agences de poursuites contre les syndicats, les faisant paraître sous le pire jour possible. Selon une recherche de Westlaw, la fondation a présenté autant de requêtes et déposé autant de documents à titre « d’ami de la cour » à la Cour suprême depuis 1985 que la première organisation de défenses des droits civiques, la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). 1985 est la date la plus ancienne à partir de laquelle il est possible de faire une recherche élaborée. Des documents obtenus grâce à la loi d’accès à l’information révèlent que la NRWLDF a présenté 1,000 cas au National Labor Relations Board entre 2000 et 2014. Ces cas présentés dans presque chaque État du pays, représentent tout ce pourquoi un syndicat peut être poursuivi selon la loi sur les relations de travail. Chaque fois qu’un syndicat lance une campagne d’organisation, une élection, une grève ou une autre activité où des dissidences peuvent être exploitées, vous trouverez le comité (pour le droit de travailler) ou la fondation.

Les origines de ce programme d’ouverture de litiges remontent à 1968 quand le comité a créé la fondation et lui a donné un statut légal. Elle a comme mandat d’affaiblir les syndicats en utilisant le système légal. Elle a été conçue méthodiquement sur le modèle du fond de défense légale de la NAACP, l’organisation pionnière de défense des droits humains et civiques. La NRWLDF n’a pas emprunté que le nom de l’organisation de défense des droits humains et civiques, elle a aussi tenté d’en utiliser les victoires devant les tribunaux pour poursuivre ses propres buts. Elle a dit aux travailleurs.euses qu’elle défendrait leur droit civique et humain de ne pas se syndiquer et dans son approche des travailleurs.euses de couleur, cela revenait à dire que le syndicalisme était le nouvel esclavage. Elle a soutenu l’idée que seul le programme du « droit de travailler » pouvait les libérer.

Le premier cas important que le NRWLDF a porté jusqu’à la Cour suprême était celui d’Abood vs Detroit Board of Education. Il lui a permis de faire ses premières attaques contre le monde du travail, mais c’est aussi le cas qu’il ne cesse de vouloir démanteler depuis. Son argumentation reposait sur l’idée que parce qu’on obligeait des employés.es du secteur public à payer des cotisations au syndicat, il s’agissait d’une violation de leurs droits garantis par le Premier amendement. C’était une énorme cause avec quelques 600 plaignants.es, mais il s’est avéré que plus de la moitié de ces personnes étaient soit décédées, retraitées ou encore n’étaient pas membre de l’accréditation. Par contre la majorité des travailleurs.euses membres volontaires de l’unité d’accréditation ont choisi d’en demeurer membres et ont déposé à la Cour un document allant dans ce sens. Dans les cas plus récents, comme celui de Janus, il n’y a que quelques plaignants.es.

La décision de la Cour suprême en mai 1977 a été une perte évidente pour la NRWLDF, mais une victoire malgré tout. La Cour a rejeté les arguments de la fondation à l’effet que les syndicats du secteur public avaient une action politique qui allait de soi et que la perception des cotisations ne violait pas le Premier amendement. Par contre, elle a stipulé que tous les employés.es du secteur public partie au contrat de travail pouvaient réclamer le remboursement des cotisations qui ne servaient pas directement aux négociations collectives. La pratique qui a découlé de cette décision a été connue sous le nom d’« agence » ou « juste partage » des cotisations. Ainsi, les travailleurs.euses peuvent payer des cotisations réduites par rapport à celles de membres à part entière pour ne contribuer strictement qu’aux coûts d’organisation, de négociations et d’administration menant aux ententes collectives. La Cour a déclaré que, dans le secteur public, la frontière entre le politique et son contraire était hasardeuse à établir, ce qui n’est pas le cas dans le secteur privé, mais que « cette cause ne lui permettait pas de tenter de définir les limites de cette frontière ».

Là aussi il y avait anguille sous roche. Le juge Lewis Powell a déposé une opinion personnelle qui ressemble à une dissidence. Fondamentalement, il se dit d’accord avec l’argument de la NRWLDF qui avance que toute action syndicale dans le secteur public est de nature politique et que potentiellement, le droit de libre opinion des membres est menacé : « Qu’un syndicat d’enseignants.es soit concerné par les salaires et les bénéfices marginaux de ses membres, leurs qualification et la formation permanente, par le ratio enseignant.e-élève, la longueur de la journée scolaire, la discipline ou par le contenu des cours au le secondaire, ses objectifs sont quand même d’amener les politiques et décisions de la commission scolaire à adopter en partie ses vue. Dans ce contexte, les syndicats du secteur public ne sont pas différents des partis politiques traditionnels dans ce pays ».

Ce juge, quelques années auparavant, avait écrit l’horrible mémo Powell qui parle de la nécessité pour les entreprises d’utiliser les tribunaux pour défendre leurs intérêts et faire avancer leurs objectifs. Il avait semé la graine pour le renversement de la cause Abood. La NRWLDF n’a cessé depuis d’amener la Cour suprême à passer à l’acte. Pendant des décennies, la fondation en a appelé des jugements devant la Cour suprême, mais la plupart du temps, ces causes ont servi à préciser la fine ligne de démarcation entre les dépenses (syndicales) politiques et les autres et quels types d’avis devaient être envoyés aux membres qui ne veulent pas payer pour les activités politiques. Ce n’est que ces dernières années, avec l’arrivée du juge Samuel Alito, à la Cour suprême, que la fondation y a eu un véritable allié. Dans tout un ensemble de causes sauf une sur le « droit de travailler » présentées par la fondation, le juge Alito et la majorité conservatrice se sont emparés de la logique du juge Powell pour en finir avec le jugement Abood. Dans la récente cause Janus, la juge E. Kagan se réfère à cette période comme la « croisade de 6 ans pour bannir les cotisations réduites ».

Cette « croisade » a commencé en 2012 avec la cause Knox vs SEIU (Services Employees International Union). Elle était juridiquement simple. Tout ce qu’il fallait déterminer était de savoir si les syndicats du secteur public devaient donner un avis particulier à leurs membres, leur permettant ainsi de se retirer (du paiement total des cotisations) quand leurs syndicats faisaient du lobbying pour ou contre une proposition mise aux voix (lors d’une élection). Il n’y avait aucune ambiguïté : décréter qu’il fallait un avis particulier leur permettant de se retirer ou non, mais le juge Alito s’en est servi pour perturber l’arrêt Abood de 1977 et ainsi semer le doute sur les précédents créés par la Cour sur le statut des cotisations réduites. Le contenu de son opinion était rempli d’analyses sur le statut de ces cotisations dites de « juste partage » où il s’appuyait sur l’arrêt Abood sans que cela soit nécessaire. Il a écrit que cet arrêt avait permis les cotisations de « juste partage » parce qu’on voulait éviter des opérations sans contrôle de la part des syndicats et pour assurer la « paix industrielle », mais que la décision était « anormale » parce que l’argument d’empêcher les opérations sans contrôle des syndicats « est généralement insuffisant pour supplanter les droits garantis par le Premier amendement ». Pire, son opinion relègue toutes les négociations collectives du secteur public au rang d’activités politiques : « parce qu’un syndicat prend plusieurs positions durant les négociations qui ont un poids politique important et des effets sur la vie civique, … les cotisations obligatoires imposent une sorte de discours et des associations qui empiètent sur les droits (individuels des travailleurs.euses) garantis par le Premier amendement ».

Pendant des décennies, la Cour suprême a fixé soigneusement la ligne entre les dépenses politiques et non politiques des syndicats, distinguant ainsi ce qui pouvait être réclamé aux membres pour leurs activités. Le juge Alito est venu changer la donne avec ses opinions. Il a adopté totalement les arguments du NRWLC et sa fondation, à l’effet que tout ce que fait un syndicat du secteur public est d’ordre politique et ne devrait donc pas être admissible comme « dépense facturable » (aux membres).

Cette tendance a été reprise par la fondation deux ans plus tard quand elle a piloté la cause Harris vs Quinn. Elle impliquait du personnel médical assistant qui donnait des soins à des patients.es à domicile et la SEIU Healthcare Illinois & Indiana. D’une certaine façon, ce jugement était plutôt étroit. La majorité a décidé que ces travailleurs.euses n’étaient pas vraiment des employés.es du secteur public, l’arrêt Abood ne s’appliquait donc pas à ces personnes qui étaient ainsi considérées comme un secteur soumis au « droit de travailler ». Mais, ici encore, le juge Alito, qui a rédigé le texte pour la majorité, a repris les arguments de la fondation pour miner encore un peu plus l’arrêt Abood. Paragraphe après paragraphe, il soutient qu’en 1977 les juges ont « sérieusement erré, non pas su apprécier, prévoir les problèmes pratiques et ont fait reposer un point essentiel de leur analyse sur des hypothèses empiriques indéfendables ».

En fait, il demandait désespérément que quelqu’un présente à la Cour une cause qui obligerait les juges à traiter de l’enjeu du Premier amendement impliqué dans la règle du « juste partage » des cotisations. L’occasion s’est présentée un an plus tard, en 2015, quand la Cour suprême a accepté de juger la cause Friedrichs vs California Teachers Association. Cette cause attaque de front l’arrêt Abood en soutenant que les travailleurs.euses ont un droit constitutionnel de ne pas payer de cotisations syndicales pour les frais de représentation dont ils et elles bénéficient. À partir des causes menant à celle-ci et des arguments émis oralement, il y avait consensus à la Cour qui s’apprêtait à imposer la règle du « droit de travailler » à tous les employés.es du secteur public, mais le juge Antonin Scalia est décédé inopinément en février dernier et la Cour a pris une décision à 4 contre 4 le mois suivant.

Plusieurs ont pensé que la tournure des événements donnerait un peu de répit aux travailleurs.euses puisqu’il faut des années pour qu’une cause arrive à la Cour suprême. Mais la NRWLDF avait déjà en banque la cause Janus qui, sous ses aspects les plus pertinents, était semblable à la cause Friedrichs. Comme celle-ci, la cause Janus avait fait son chemin dans le système judiciaire, et ce, sans passer par un procès et les arguments étaient aussi basés sur le respect ou non des droits garantis par le Premier amendement.

En écrivant l’arrêt Janus pour la majorité de la Cour, le juge Alito répète la logique des causes Knox et Harris plus de 30 fois comme pour créer l’illusion que le système est en pièces et que la Cour a maintenu longtemps des réserves envers les « justes cotisations » (à payer par les travailleurs.euses). En fait, il se citait lui-même pour l’essentiel. La juge Kagan lui a presque donné raison quand elle a argumenté que « depuis les 40 ans de l’arrêt Abood, la Cour a dû résoudre un petit nombre de causes » où il fallait tracer la ligne pour l’application des « justes cotisations », qu’il n’y avait pas de mésentente dans les tribunaux inférieurs sur cet enjeu et qu’il « n’est pas surprenant qu’il n’y ait pas eu de vifs échanges ». Elle conclut que « la majorité n’a pas renversé Abood pour des raisons exceptionnelles, mais parce qu’elle n’a jamais aimé cette décision. Elle l’a renversé parce qu’elle le voulait ».

Ce n’est qu’un début

Il se peut que plusieurs pensent que l’arrêt Janus est la fin d’un long projet commencé par un petit groupe d’hommes d’affaire anti syndicaux il y a presque 65 ans. Ce n’est pas le cas. Le comité et la fondation (du NRWL) ont du talent pour utiliser chaque victoire comme chaque défaite pour ouvrir d’autres avenues d’attaque contre les syndicats. Il n’y a pas de doute qu’à l’avenir ils déclencheront des campagnes pour que le « droit de travailler » s’applique aux syndicats du secteur privé et pour attaquer les lois qui, dans les États, stipulent que lorsqu’un syndicat gagne les élections (dans une unité d’accréditation), il doit obligatoirement représenter tous les employés et toutes les employées de ladite unité.

Nous mettant en garde à ce sujet, la professeure de droit Charlotte Garden de l’Université de Seattle explique : « Avant l’arrêt Janus, j’aurais dit que les enjeux du Premier amendement en regard de la représentation (syndicale) exclusive était sans objet même en tenant compte de la composition de la Cour suprême. Maintenant je n’en suis plus certaine du tout. Et si jamais la représentation exclusive était déclarée non constitutionnelle, ce serait le chaos total ».

La NRWLDF ne va pas se contenter de cela. Sa prochaine offensive, qui prend sa source dans les victoires sur le « droit de travailler », sera probablement de se servir de ce que le juge Alito vise dans son opinion dans la cause Janus : « les milliards de dollars qui ont été payés par des non membres aux syndicats du secteur public en violation des (droits garantis) par le Premier amendement ». En d’autres mots, la NRWLDF, avec l’aide d’une Cour suprême conservatrice, a réussi à handicaper les capacités des syndicats à encaisser les cotisations à l’avenir, la prochaine attaque sera de les ruiner en les obligeant à rembourser celles du passé.

La Cour s’est déjà avancée sur cet enjeu. Le 21 mai dernier, la NRWLDF en a appelé à la Cour suprême dans la cause Riffey vs Rauner. Elle repose sur les arguments invoqués victorieusement en 2014 dans la cause Harris vs Quinn qui impose la règle du « droit de travailler » à des centaines de milliers d’intervenants à domicile dans le milieu de la santé. Avec la cause Riffey, qui a échoué dans les tribunaux inférieurs, la fondation poursuivait la SEIU pour 32 millions de dollars. Elle utilise aussi l’argument radical voulant que les travailleurs.euses qui avaient payé les « justes cotisations » l’avaient fait sans leur consentement, après avoir ou non avisé le syndicat à ce sujet et que le SEIU devrait donc les rembourser. On ne sait pas encore si cette cause réussira (à convaincre les juges), mais au lendemain de l’arrêt Janus, dans une partie de son exposé sur les futurs travaux de la Cour, elle a tranquillement accepté cet appel, tenu pour insignifiants les jugements des tribunaux inférieurs et placé la cause en attente pour examen futur, et ce sur la base de l’arrêt Janus.

Au cours de la longue période qui l’a mené jusqu’ici, le mouvement ouvrier a tenté de faire barrage à ces plans en modifiant l’expression « droit de travailler » par celle de « droit de travailler pour moins », mais ce slogan n’a jamais vraiment fait mouche. En ce moment, il semble que la fondation et le comité aient admis les insultes ouvrières comme faisant parti de sa définition de « liberté ». Mark Janus a invoqué que les travailleurs.euses devraient avoir le droit de choisir de gagner moins, d’avoir moins de bénéfices marginaux, même si cela mine les capacités d’autres employés.es à se syndiquer et limite les habiletés des États à maintenir la paix industrielle. La majorité de la Cour suprême a accepté cet argument.

Voilà la nature du National Right to Work Committee et l’héritage de la Legal Defense Foundation. Ces organisations ont permis d’imposer une vision absurde de la loi et du monde du travail, où les avancées légales portant sur les droits civiques sont utilisées pour nuire aux organisations ouvrières en faveur d’intérêts en lien avec les employeurs. Ni le Congrès ni les États ne peuvent facilement modifier cela parce que la Cour suprême en fait un objet concernant la loi et lui donne une interprétation constitutionnelle.

Dans sa dissidence sur l’arrêt Janus, la juge Kagan a mis en garde contre le fait que la majorité de la Cour suprême avait transformé « le Premier amendement en une épée. Aujourd’hui, ce n’est pas la première fois que la Cour ait utilisé le Premier amendement d’une manière aussi agressive… et elle menace que ce ne soit pas la dernière ». Cette accusation s’applique aussi au comité et à la fondation qui, après avoir aidé à installer le concept de « droit de travailler » dans le conservatisme moderne, sont déjà en train de préparer leurs stratégies pour la prochaine offensive.

NOTES

1.- M.Z. Marvit est membre de la Century Foundation, avocat des droits civiques et du travail et il est l’auteur avec Richard D. Kahlenberg de Why Labor Organizing Should Be a Civil Right : Rebuilding a Middle-Class Democracy by Enhancing Worker Voice (2012).

2.Quelques années plus tard, il a aidé à prendre la tête de ce qu’un juge fédéral a appelé « une guerre totale contre la syndicalisation » à l’usine de textile J.P. Stevens contre Crystal Lee Sutton de son vrai nom Norma Rae et ses compagnes et compagnons.es de travail.

3.Ceci réfère au fait qu’en cas de vote majoritaire en faveur de la syndicalisation, tous les employés.es sont pris en compte par le syndicat et payent leurs contributions même ceux et celles qui sont en désaccord avec la syndicalisation. N.d.t.

4. Loi qui amendait la loi sur les relations de travail de 1935. Elle a été adoptée en dépit du véto du Président Harry S. Truman qui trouvait qu’elle attaquait le droit de parole et entrait en conflit avec la société démocratique. N.d..t

5.Right to Work Laws : ce sont des lois qui autorisent les travailleurs.euses à ne pas participer aux grèves, arrêts de travail et autres moyens de pression de leur syndicat. Elle donne des pouvoirs importants aux employeurs.euses du secteur public même celui de ne pas négocier. N.d.t.

6.Magazine destiné aux afro-américains.es qui parait depuis 1945 n.d.t.

7.La seule référence que j’ai trouvée pour ce nom est celle de l’actuelle secrétaire d’État du Michigan qui se présente à un poste au Sénat de cet État cette année. Si c’est bien elle, elle était jeune à l’époque de cette lettre, soit 18 ans environ. N.d.t.

8. Ce groupe à été qualifié d’anti LGBTQ par la Southern Poverty Law Center.

9.Service d’information spécialisé dans les rapports sur les compagnies à but non lucratif américaines.

10.La plus grande organisation syndicale américaine. N.d.t.

11.La proposition à été rejetée. N.d.r.

12.En Français dans le texte. N.d.r.

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