Édition du 16 avril 2024

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Premières Nations

Droits des peuples autochtones Commission de vérité et réconciliation

Lors de son passage au Québec, Marie Wilson de la Commission de vérité et réconciliation a rencontré les membres de la Coalition pour les droits des peuples autochtones. Le conseil central y était. L’objectif : tisser des liens entre nos deux organisations. Rappelons que cette première rencontre a eu lieu à la fin janvier alors que la cheffe Theresa Spence d’Attawapiskat mettait fin à sa grève de la faim pour passer le flambeau aux chefs des Premières nations dans le bras de fer opposant les autochtones au gouvernement Harper à propos du projet de loi 45. Au même moment, le mouvement Idle No More (l’apathie, plus jamais !) prenait racine au Québec.

(Tiré du journal L’Unité du Conseil central de Montréal de la CSN)

Le contexte social et politique a ainsi permis de tourner les projecteurs vers les travaux de la commission, qui a pour mandat d’examiner la sombre histoire des pensionnats indiens du Canada. Pour la commissaire Wilson, le devoir de mémoire ne peut se faire sans l’appui des non autochtones. Ainsi, elle souhaite que les communautés religieuses et les membres de la société civile, dont les membres de la Coalition des droits des peuples autochtones, soient présents lors des rencontres régionales et nationales.

Jusqu’à maintenant la Commission a sillonné plusieurs régions du Canada. Elle est passée par les Prairies, les Maritimes et même par les Grands Nords canadien et québécois avant de s’arrêter au Québec. Partout où elle s’est arrêtée, la Commission a entendu les témoignages d’expériences douloureuses vécues par d’anciens élèves des pensionnats pour Autochtones. Des personnalités telles Florent Volant, auteur compositeur innu, et Roméo Saganash de la nation crie et député du NPD, ont décrit le violent déracinement subi par la séparation forcée d’avec leur communauté.

D’autres hommes et femmes de différentes nations ont décrit avec courage les sévices sexuels et les actes de violence dont ils ont été victimes dès un très jeune âge. Pour ces victimes, la prise de parole représente un difficile chemin vers la guérison pour tenter de retisser des liens familiaux, voire, souvent, reconstruire le tissu social de la communauté.

Pendant plus de 100 ans, le gouvernement canadien, en partenariat avec les églises catholique et protestante (dont l’Église anglicane et l’Église Unie du Canada), a géré de nombreux pensionnats accueillant les enfants autochtones.

Dirigées par les communautés religieuses, ces écoles ont d’abord ouvert leurs portes dans les Prairies pour progressivement s’étendre au reste du Canada. Plus de 150 000 enfants des Premières nations, « Indiens », Métis et Inuits y ont séjourné. La Commission a recensé 140 écoles, dont 10 au Québec. Ces pensionnats ont été mis en place pour soutenir la politique d’assimilation du gouvernement visant à « civiliser et christianiser » les enfants autochtones. Les autorités de l’époque jugeaient les autochtones primitifs et leur mode de vie païen. « L’objectif [de notre politique] est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Indien du Canada qui n’ait été absorbé par notre politique », disait le surintendant général des Affaires indiennes du Canada, Duncan Campbell Scott. [1] Les enfants étaient carrément arrachés à leur communauté pour de longues périodes, souvent pour un bon nombre d’années.

Volontairement, ces établissements étaient construits loin des villages et communautés autochtones. Certains aînés racontent que, lorsque leur village se vidait de ses enfants, même les chiens cessaient d’aboyer. Dans les pensionnats, on interdisait l’usage des langues autochtones et aucune référence à la culture autochtone n’était tolérée. Ce fut une grande opération d’aliénation des cultures autochtones et de leurs langues.

En 1969, le gouvernement fédéral met fin au programme des pensionnats et lentement les écoles ferment les unes après les autres. Ce n’est qu’en 1996 que le dernier établissement mettra la clé sous la porte. Ce bref retour sur l’histoire des pensionnats nous permet de mieux saisir ce qui est à l’origine de la méfiance des autochtones à l’endroit des non autochtones. La Commission de vérité et réconciliation donne la parole aux victimes pour que leur histoire soit entendue et connue de toutes et de tous. À cet effet, un centre de recherche sera créé par la Commission afin de documenter ce triste chapitre de notre histoire.

La Commission doit terminer ses travaux en 2014. Par ailleurs, le chemin de la réconciliation entre Autochtones et Allochtones [2] ne fait que commencer. Les prochaines rencontres auront lieu à Val-d’Or et à Chisasibi. Une rencontre nationale se déroulera pour le Québec à Montréal, du 24 au 27 avril prochains. Notre devoir de mémoire commande que nous répondions à l’invitation qui nous est lancée par la Commission.


Manon Perron est trésorière du CCMM-CSN


[1Le Devoir du jeudi 24 janvier 2013, Caroline Montpetit.

[2Le terme allochtone (substantif ou adjectif) signifie littéralement terre d’ailleurs, du grec allos, étranger, et chtonos, terre. À l’opposé du concept d’allochtone, on trouve celui d’autochtone, littéralement terre d’ici. (Source : Wikipédia)

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