Édition du 26 mars 2024

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Québec

Camp pour le droit au logement

Du courage et de l’audace pour combattre la pauvreté

(tiré du journal La soupe au caillou, Numéro 393, 29 mai 2015)

Le Camp pour le droit au logement, organisé par le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), s’était amorcé le 21 mai par une manifestation dans les rues de la métropole. Il s’est terminé par un rassemblement au Parc du Mont-Royal, le dimanche 24 mai, après trois tentatives d’installation dans un lieu public. À chaque tentative, le Service de police de la Ville de Montréal a chassé les campeurs et les campeuses des lieux, ce qui ne les a pas empêchéEs de dénoncer les politiques gouvernementales qui menacent l’avenir du logement social.

Malgré l’existence relativement courte du camp comme tel, il s’agit d’une victoire au point de vue de la sensibilisation pui sque , comme l ’a souligné François Saillant, c o ordonnateur du FRAPRU : « Le Camp a réussi à attirer l’attention publique sur les problèmes de logement et la négligence des gouvernements, avec une intensité qui ne s’était pas vue depuis la crise du logement du début des années 2000 ».

Logement et pauvreté

Si la pauvreté est toujours une question d’argent, elle est aussi, généralement, une question de logement, puisqu’il s’agit du poste de dépenses auquel les ménages les plus pauvres consacrent la plus grande part de leurs revenus. Le logement constitue une dépense incompressible, c’est-à-dire une dépense qu’on ne peut pas réduire, à moins de déménager, ce qui n’est pas nécessairement possible ou même souhaitable.

Ce qui est constaté sur le terrain, c’est que les deux premières factures payées par les personnes en situation de pauvreté tous les mois sont le logement et l’électricité. La somme d’argent qui reste étant insuffisante pour pourvoir aux autres dépenses, certaines personnes n’ont d’autre choix que de couper dans leur alimentation ou de se priver de médicaments, et ce dès la deuxième semaine du mois.

La chose n’a rien d’étonnant pour quiconque jette un coup d’oeil du côté des indicateurs de pauvreté. En effet, selon la Mesure du panier de consommation (MPC), qui calcule le minimum nécessaire pour couvrir ses besoins de base afin de vivre en santé, une personne qui vit seule aurait eu besoin d’un revenu de 17 246 $ en 2013. Or, une personne jugée apte à l’emploi et vivant de l’aide sociale se retrouvait cette année-là avec un revenu total de seulement 8444 $, soit à peine la moitié du montant correspondant à la MPC. Et même en travaillant à temps plein au salaire minimum (35 heures par semaine), une personne vivant seule touchait, toujours en 2013, un revenu annuel de 17 671 $, tout juste au-dessus de la MPC.

Voilà pourquoi un nombre effarant de personnes se trouve à payer plus de 30 % de son revenu, et parfois même plus de 50 %, pour se loger (voir l’encadré ci-dessous).

Lutte à la pauvreté et logement social

Le logement social est une heureuse réponse au manque à gagner des ménages en situation de pauvreté, puisqu’il vient réduire considérablement leur principale dépense : les frais de logement. Pour plusieurs, l’obtention d’un logement dans un HLM ou dans une coopérative d’habitation subventionnée marque un tournant majeur dans leur vie.

En payant un maximum de 25 % de leurs revenus pour le loyer (plus les frais d’électricité), et en économisant ainsi parfois jusqu’à quelques centaines de dollars, les personnes et les familles parviennent à mieux se nourrir et à se vêtir, à se déplacer plus facilement, à remplacer des meubles, à acheter l’ensemble des fournitures scolaires exigées, etc. Le logement social, c’est souvent le coup de pouce salutaire qui fait en sorte que les gens peuvent « sortir la tête de l’eau » ; peuvent enfin respirer et envisager une vie meilleure, en s’impliquant dans leur communauté ou en retournant aux études ou au travail.

Malheureusement, tant au Québec qu’au Canada, les politiques d’austérité budgétaires et de libéralisme économique mettent en péril l’avenir du logement social. Selon le FRAPRU, c’est 125 000 logements sociaux du Québec que compromet le gouvernement fédéral en ne s’engageant pas immédiatement à prolonger les subventions que ces logements reçoivent depuis des décennies. D’ici la fin de l’année, 5209 logements sociaux auront été privés de tout financement fédéral sur le sol québécois.

Le gouvernement du Québec, lui, a sabré lors de son dernier budget le financement de nouveaux logements sociaux, en n’annonçant que 1500 unités pour tout le Québec, soit deux fois moins que par les années antérieures.

Troisième plan de lutte contre la pauvreté et logement social

Dans les mois à venir, le gouvernement du Québec déposera un nouveau plan d’action gouvernemental de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale pour la période 2015-2020. Dans les deux plans d’action précédents, la construction de logements sociaux s’était vue accorder une importance considérable.

La construction de 3000 nouveaux logements sociaux par année représente un minimum pour les cinq prochaines années. Car il faudrait plutôt en construire 10 000 par année au cours de la même période pour être en mesure de répondre aux besoins les plus criants.

Le ministre Hamad doit prendre acte de cette situation alarmante et entamer un vaste débat démocratique sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Un tel débat pourrait mener à l’adoption de nouvelles mesures structurantes pour faire progresser le Québec sur le chemin de l’élimination de la pauvreté. Il pourrait prendre la forme d’une commission parlementaire itinérante avec consultation générale, à l’exemple de la commission sur les soins de fin de vie.

En tout cas, une chose est sûre : si les éluEs s’inspiraient du courage et de l’audace dont ont fait preuve les militantEs du Camp pour le droit au logement la semaine passée, la lutte contre la pauvreté ne pourrait que mieux s’en porter.


Il faut remonter en 1996, au sortir d’une longue et dure récession économique, pour
retrouver des statistiques plus alarmantes sur la situation des locataires que celles
contenues dans l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) menée en 2011 par
Statistique Canada. Il y a lieu de parler de crise du logement, tellement la disparité
est flagrante entre l’offre du marché locatif et la capacité de payer d’une large partie
des locataires.

L’Enquête révèle que 479 750 ménages locataires québécois consacrent plus de 30 % de leur revenu au loyer, ce qui représente la norme généralement admise. Il s’agit d’une augmentation de 7 % par rapport à 2006.

Parmi ces ménages, 227 835 y engloutissent plus de la moitié de leur revenu, ce qui
les empêche de subvenir adéquatement à leurs autres besoins essentiels. Dans ce cas, l’augmentation a été de 12 % par rapport à 2006.

Tiré du DOSSIER NOIR : Logement et pauvreté. Chiffres et témoignages, p. 2, produit
par le FRAPRU (septembre 2014)

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