Édition du 26 mars 2024

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Arts culture et société

Easy Rider

Ce film, à très petit budget, est incontestablement une œuvre cinématographique importante de la fin des années soixante. Time a même écrit à son sujet ce qui suit : « one of the ten most important pictures of the decade » (traduction libre : « un des dix films les plus importants de la décennie »). Rien de moins ! Il s’agit de la première œuvre cinématographique réalisée par Dennis Hopper. Il a coûté environ 400 000$ à produire. Il a rapporté autour de 60 millions de dollars au Box office, soit 150 fois plus.

La deuxième moitié de la décennie des années soixante est une période de grande agitation sociale, politique et culturelle aux États-Unis d’Amérique en général et en Californie en particulier. Nous n’avons qu’à penser au Free Speach Mouvement, au Black Panther Party, aux Hippies, aux manifestations contre la guerre du Vietnam, etc. La nouvelle génération montante se lance à l’assaut des valeurs religieuses traditionnelles et étouffantes de la société puritaine dominante blanche et conservatrice. Les rednecks et autres réactionnaires de même acabit mènent la vie dure à certains membres de la jeune génération. Un nouveau mode de vie est en train d’émerger. Un mode vie où les mœurs s’alimentent à l’amour libre, à la consommation de la drogue et à l’expérimentation de la vie à l’extérieur du travail contraignant et aliénant. Un choc est en cours. Il a pour nom le Generation Gap (« Le fossé des générations »). Ce film montre que la coexistence de deux modes de vie opposés ne va pas de soi dans le Sud des USA. La fin du film illustre que la quête de la liberté pure est illusoire et peut se terminer tragiquement, dans une poursuite motorisée et une fusillade assassine.

Synopsis :

Deux motards californiens (Billy et Wyatt), qui ont amassé un joli pactole en revendant de la drogue, font un road-trip riche en expériences de toutes sortes qui va les mener de la Californie jusqu’à la Nouvelle-Orléans et ensuite vers la Floride, qu’ils n’atteindront jamais. Ils ont les cheveux longs et portent des vêtements en cuir ou en suède (avec des franges). Les propriétaires de motels refusent, à cause de leur apparence physique et leur tenue vestimentaire, de leur louer une chambre de séjour, même pour une seule nuit. Ils sont condamnés, tout au long de leur périple qui les mène d’Ouest en Est, à camper dans des endroits non-prévus à cette fin.

Durant leurs pérégrinations, ils séjournent dans une communauté au sein de laquelle les membres ont un mode de vie austère et replié sur lui-même. Plus ils poursuivent leur route, plus ils constatent qu’une frange importante de la population adulte et blanche leur est hostile. Pour s’amuser, ils décident, sans en avoir l’autorisation, de se joindre à un défilé. Pour ce délit, ils seront arrêtés et mis en prison. Ce sera derrière les barreaux qu’ils feront la rencontre d’un avocat alcoolique du nom de Hanson avec qui ils se lieront d’amitié et poursuivront leur périple. Dans un café où ils s’arrêtent pour se sustenter, ils sont accueillis par un refus de service et auront droit à des insultes de toutes sortes. La nuit, alors qu’ils dorment à la belle étoile, l’avocat Hanson est battu à mort. Billy et Wyatt disposent du corps de leur ami dans la campagne et poursuivent leur route et atteignent enfin New Orleans. Dans un cimetière, ils feront avec deux filles qu’ils ont recruté dans un bordel tout un trip de LSD. En route vers la Floride, une automobile les double. Un des occupants veut leur faire peur et s’amuse à tirer sur Billy qui fait une chute qui semble le mener à l’article de la mort. Willy fonce vers les agresseurs qui font demi-tour. Les protagonistes se croisent. Billy se fait tirer dessus. Il est atteint. Il est éjecté de sa moto qui prend feu sur le bord de la route.

Easy Rider met en vedette deux enfants rebelles, à cette époque, de l’industrie cinématographique hollywoodienne - Peter Fonda et Dennis Hopper - et un jeune comédien qui va connaitre une carrière fulgurante : Jack Nicholson. Nicholson incarne ici un avocat alcoolique pleinement conscient de sa dépendance aux substances toxiques. Il a lui-même improvisé la majorité de ses dialogues. Le film se déroule dans des décors naturels, avec une économie de moyens techniques. Les paysages du désert sont magnifiques. Pour ce qui est de la pauvreté de la population noire qui défile sous nos yeux, elle nous perturbe et nous plonge dans un authentique inconfort. L’Americain way of life en prend pour son rhume ici. Les moments dramatiques sont tournés avec un véritable souci de rapprochement avec le réel. Au final, il s’agit d’une œuvre qui dénonce l’hypocrisie religieuse, la bêtise humaine et la violence viscérale de l’Américain rétrograde incapable d’accepter la différence. La quête de la liberté des deux protagonistes principaux est tributaire d’une dépendance aux substances enivrantes et aux paradis artificiels. La morale qui se dégage de ce film est impitoyable pour les personnes qui dérangent en écrivant un nouveau mode de vie. Si, à une époque elles étaient crucifiées, durant les années soixante, elles se faisaient tirer dessus.

Le Festival de Cannes a gratifié ce film, en 1969, du prix de la Première œuvre. Un choix audacieux à l’époque.

Yvan Perrier

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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