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Canada

État de l'économie canadienne

Jim Sanford, The Globe and Mail, (édition Ottawa/Québec) 11 février 2016

Traduction : Alexandra Cyr

La semaine dernière, Statistiques Canada a publié les données sur le commerce international du pays pour la fin de l’année 2015. Elles confirment la situation déplorable de l’intégration du Canada dans le l’économie mondiale. Nos exportations ont diminué de 0,6 %. Les exportations, autres que celles du secteur des énergies, montrent des signes encourageants de progression, mais insuffisamment pour combler la réduction enregistrée dans le secteur énergétique. Pendant ce temps, nos importations ont progressé de 4,5 % ; c’est le plus grand déficit commercial de toute l’histoire du pays.

Les résultats les plus décevants viennent de nos échanges avec la Corée du Sud. Nous avons signé un traité de libre-échange avec ce pays il y a un an et, loin d’améliorer nos performances en exportation, il semble plutôt qu’il nous ait affaiblis. Nos exportations vers ce pays ont diminué de 2,9 % en 2015 et c’est 7 fois plus que la contraction de toutes nos autres exportations partout dans le monde. Le libre-échange n’a donc pas ouvert de nouveaux marchés à nos exportateurs.

Par contre, nos importations se portent bien. Malgré la récession qui handicape notre économie et réduit la demande, nos importations depuis la Corée du Sud ont progressé de 8%, soit 2 fois plus que toutes celles que nous réalisons partout ailleurs dans le monde.

Cette contraction dans les exportations, accompagnée d’une progression des importations, pousse la balance commerciale déjà déficitaire à de nouveaux creux. Selon les données actuelles, ce déficit se chiffrerait à 4 milliards de dollars. La Corée du Sud compte à elle seule pour 30 % du déficit canadien total de sa balance commerciale. Pour chaque 2 $ que nous importons de ce pays, nous n’en exportons que trois.

Le libre-échange devait mener à des rapports mutuellement plus profitables. Alors, pourquoi nos exportations sont-elles si déficitaires ? Les exportations de bœuf et de porc devaient être des atouts majeurs pour le Canada. Tout juste six semaines après la signatures du traité, la Corée du Sud a interdit le bœuf canadien après une alerte à la maladie de la vache folle. Le tout nouveau traité ne pouvait rien contre ces politiques arbitraires et punitives qui ont duré presque toute l’année.

Mais l’histoire ne s’arrête pas seulement au bœuf qui ne compte que pour 5 % de l’ensemble de nos exportations en Corée du Sud, mais les autres exportations ont aussi diminué. Notre dépendance aux ventes de matières premières en est un élément majeur, leur prix ayant considérablement diminué. De plus, elles n’ont jamais profité des traités de libre-échange, les tarifs exigés par Séoul sur ces matières étant très peu élevés.

Par contre, les biens manufacturés très coûteux que nous achetons de la Corée du Sud, comme les autos, les téléphones intelligents et autres appareils électroniques, bénéficient de tarifs bien plus avantageux et lui rapportent des bénéfices importants liés au traité.

Les structures économiques coréennes expliquent aussi ces impacts négatifs. Séoul utilise des stratégies gouvernementales de productivité et d’exportation très sophistiquées pour ces secteurs de haute technologie. Des efforts opaques mais délibérés sont mis en place pour maximiser les exportations et limiter les importations ; ils sont cruciaux dans les stratégies globales. Les chaînes de production étroitement liées entre elles dans le pays permettent d’augmenter significativement les bénéfices internes liés aux exportations.

Nos résultats décevants devraient sonner l’alarme quand les Canadiens-nes commenceront à discuter du Traité Trans Pacifique. Plusieurs pays partenaires dans ce traité, comme le Japon, la Malaisie et le Vietnam, utilisent des stratégies semblables à celles de la Corée du Sud en ce qui regarde la gestion étatique de protection contre les tarifs et la croissance via les exportations. Dans la même logique, ils bénéficient de leurs achats de ressources naturelles non transformées au Canada. On ne peut pas s’attendre à d’autres effets que ceux déjà expérimentés dans les échanges avec ces pays.

Si nous voulons améliorer nos performances commerciales avec l’Asie Pacifique, ce ne sont pas les traités de libre-échange qui le permettront. Nous devrions tenter de le faire en adoptant les méthodes que les pays asiatiques utilisent, soit la planification industrielle, les subventions aux exportations et le développement maximal des contenus domestiques dans la chaine de production. Ces gouvernements n’ont pas confiance dans leur avenir avec les « marchés libres » et nous devrions faire de même.

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