Édition du 23 avril 2024

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Environnement

Gaz de schiste, pétrole et qualité de vie...

Autant pour le projet de transport de brut de l’Ouest canadien vers les provinces de l’Est que celui de l’exploitation des gaz de schiste, les informations sur les risques pour l’environnement comme celles sur les retombées économiques sortent goutte à goutte. Les milieux d’affaires et certains politiciens ont pourtant déjà donné leur appui à ces projets. Sur l’exploitation des gaz de schiste, le rapport du BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement) est loin d’être rassurant. Dans le cas des activités de la compagnie TransCanada liées au transport du pétrole, ses propres études reconnaissent qu’il y a de nombreux risques et qu’à la suite de déversements d’importance, les municipalités comme les gouvernements ne sauraient comment intervenir. Rappelons que les analyses pour ce projet par des organismes indépendants ou par le BAPE sont encore à venir et les informations disponibles viennent de rapports commandés par Transcanada.

L’auteur est bioéthicien, professeur retraité, Université Laval. Il demeure à Lévis.

Toute forme d’exploitation de ressources naturelles devrait d’abord recevoir un certificat d’acceptabilité environnementale et alors les aspects économiques pourraient être pris en compte. L’inverse n’est pas souhaitable. Les représentants des chambres de commerce ou ceux du Conseil du patronat donnent l’impression de retenir comme critère d’acceptabilité, la faisabilité et l’aspect économique des projets en fermant les yeux sur les éventuelles conséquences environnementales.

Quand le président du Conseil du patronat affirme dans son propos sur les gaz de schiste que « prospérité égale qualité de vie » (Le Soleil, le 25 septembre 2014), on devine que ses préoccupations premières ne sont ni écologiques ni sociales. La qualité de la vie tient davantage à un environnement sain et sans danger et je devine que c’est ce que pensent les populations à proximité d’exploitations minières ou les survivants au Lac-Mégantic. 

Pour l’oléoduc de Transcanada, les prétendues retombées économiques pour le Québec n’ont pas encore été démontrées et il est de plus en plus reconnu qu’une fois les installations en place, les revenus qu’en retirera le Québec seront minimes. En contrepartie, les pétrolières et les régions productrices de ce pétrole seront les grands gagnants puisque la voie maritime du Saint-Laurent leur permettra de transporter leur or noir et d’atteindre les marchés convoités. La rentabilité pour les pétrolières peut facilement se démontrer. 

Quant aux risques pour l’environnement, les informations actuelles laissent croire qu’un déversement important de pétrole est possible et que, dans ce cas, celui-ci risquerait de souiller rapidement des centaines de kilomètres de côtes le long des rives du Saint-Laurent. Pourtant, les municipalités riveraines n’ont pas de mesures d’urgence appropriées. Les opérations de nettoyage en plus d’être très compliquées et fort couteuses pour les villes avoisinantes ne suffiront pas à protéger l’environnement et la faune. Tout récemment, soit en décembre 2014, 22 tonnes de carburant se sont échappées d’un bateau-remorqueur pour se répandre dans les eaux du fleuve au port de Trois-Rivières. Pour un aussi faible déversement, malgré que gouvernements et municipalités aient mis en place tous les moyens à leur disposition, les opérations de nettoyage n’ont pas été une grande réussite. 

On peut imaginer la situation lors du naufrage d’un superpétrolier contenant plus de 100 000 tonnes de ce produit, extrait des sables bitumineux de l’Ouest canadien, ou d’un bris de l’oléoduc Transcanada. Même le rapport produit pour cette compagnie indique que le transport du pétrole par ce moyen présente de hauts risques et que les moyens actuels ne suffiraient pas à enrayer les dommages à l’environnement en cas de bris. 

Un tel désastre environnemental aurait des effets irréversibles sur le monde animal aquatique et marin, mais aussi pour les habitants des villes riveraines. Rappelons que les villes en bordure du fleuve ont majoritairement leur prise d’eau potable à même le fleuve Saint-Laurent. Après le malheureux évènement au Lac-Mégantic, plusieurs villes s’alimentant dans la rivière Chaudière, un affluent du fleuve Saint-Laurent, ont été privées d’eau potable pour une longue période. 

Nous savons tous qu’il ne faut pas compter sur les entreprises pollueuses pour effectuer le nettoyage ou payer la facture en cas de désastre. Dans le cas de ce déversement récent dans le port de Trois-Rivières, la compagnie propriétaire du bateau a rapidement annoncé comme ce fut le cas avec la compagnie ferroviaire Montreal, Maine & Atlantic au Lac Mégantic qu’elle est dans l’impossibilité de payer la facture et déclare faillite. Les citoyens paieront...

Laissons le temps nécessaire aux organismes indépendants et compétents le soin d’examiner toutes les facettes de ces projets à haut risque et d’une grande complexité. Il est manifeste que les fonctions de Monsieur Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, ou celles de Madame Françoise Bertrand, présidente des Chambres de commerce du Québec, sont de défendre les intérêts des entreprises (« Il faut intensifier le trafic sur le Saint-Laurent » (Le Soleil, le 16 novembre 2014)). Mais politiciens et gens d’affaires ont l’obligation d’attendre les rapports des experts avant d’appuyer de tels projets et ils devraient retenir que les projets à valeur économique n’échappent pas à l’obligation d’une évaluation environnementale. Sinon, c’est un manque probant de rigueur et de vision de limiter son analyse aux seuls intérêts financiers avec si peu d’égards pour la protection du milieu naturel.

André Duval

Ph.D. bioéthicien, professeur retraité, Université Laval. Il demeure à Lévis.

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