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« Gilets jaunes » : le gouvernement reste sourd, l’opposition appelle à maintenir la pression

Face à la mobilisation des « gilets jaunes » qui a rassemblé près de 300 000 personnes, le gouvernement a décidé de maintenir son cap en misant manifestement sur l’essoufflement de la contestation. De droite à gauche, l’opposition espère, au contraire, la poursuite du mouvement.

18 novembre 2018 | tiré de mediapart.fr

Face à la mobilisation des « gilets jaunes » qui a rassemblé près de 300 000 personnes, le gouvernement a décidé de maintenir son cap en misant manifestement sur l’essoufflement de la contestation. De droite à gauche, l’opposition espère, au contraire, la poursuite du mouvement.

« Le cap que nous avons fixé est le bon et nous allons le tenir. » Au lendemain d’une journée de mobilisation qui a réuni quelque 300 000 « gilets jaunes », selon les chiffres du ministère de l’intérieur, autour de la hausse du prix du carburant et plus généralement sur la question du pouvoir d’achat, le premier ministre, qui était dimanche soir l’invité de France 2, a douché les espoirs des manifestants.

S’il a dit avoir entendu « la colère mais aussi la souffrance et l’absence de perspective » de ceux qui se sont mobilisés tout au long du week-end, Édouard Philippe a pourtant martelé qu’il ne changerait en rien de politique, puisque celle-ci est la bonne.

« Il y a une angoisse sincère. On la respecte. Mais ce n’est pas la rue qui gouverne. » Le matin même dans le Journal du dimanche, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux avait donné le ton. Convaincu d’être, selon un autre élément de langage largement utilisé, « conforme au sens de l’histoire » en augmentant le prix des carburants, l’exécutif a donc décidé de faire le gros dos et de miser manifestement sur un essoufflement du mouvement, en espérant que cette colère spontanée, née sur les réseaux sociaux, retombe aussi vite qu’elle est apparue.

Sur le fond, le gouvernement estime par ailleurs avoir lâché du lest envers les automobilistes avec les mesures déjà annoncées par Édouard Philippe, comme la hausse des primes à la conversion pour les véhicules polluants ou la défiscalisation des chèques carburants. 

Après avoir mis en garde les manifestants, avant la journée de samedi, contre les risques légaux s’ils mettaient « le bololo partout », selon l’expression employée cette semaine par Édouard Philippe, le gouvernement a très tôt communiqué sur les débordements qui ont émaillé les rassemblements. La mort d’une femme de 61 ans venue manifester pour la première fois, renversée par une automobiliste à un barrage, a effectivement endeuillé la journée dès le matin et suscité des inquiétudes sur la sécurité des rassemblements. Un nouveau bilan publié par le ministère de l’intérieur ce dimanche a fait état de 409 personnes blessées, dont 14 grièvement. Le ministre de l’intérieur Christophe Castaner a aussi souligné que « 28 policiers, gendarmes, motards, pompiers ont été blessés et, pour certains, de façon grave », affirmant qu’« il y a eu des agressions, des bagarres, des coups de couteau ». Au total 282 personnes ont été interpellées et 157 gardées à vue.

Gérard Collomb, qui a quitté avec fracas le ministère de l’intérieur il y a un peu plus d’un mois pour redevenir maire de Lyon, ne s’est pas attardé sur ces questions sécuritaires mais a exhorté sur son compte Twitter le gouvernement à « être à l’écoute de nos territoires ». Un nouvel avertissement à Emmanuel Macron de son ancien fidèle, qui avait déjà fustigé « le manque d’humilité de l’exécutif ».

Soucieux de ne pas paraître trop opportunistes vis-à-vis d’une mobilisation née hors des partis politiques, et souvent contre eux, les responsables politiques favorables au mouvement – de l’extrême gauche à l’extrême droite – ont tout au long de la journée de samedi semblé marcher sur la crête entre participation discrète et engagement enthousiaste. En opposition à la politique d’Emmanuel Macron, chacun d’entre eux a tenu à faire entendre sa différence dans ce mouvement aux contours inédits, dont tous ont appelé à la poursuite.

Le président de LR s’est ainsi glissé dans un rassemblement de « gilets jaunes » – son parti n’appelait pas aux blocages – au Puy-en-Velay, ville dont il a été maire jusqu’en 2016. Remisée la trop voyante parka rouge, et sans aller jusqu’à enfiler de gilet jaune, il a expliqué venir « en soutien ». « Ça fait un an que je tire la sonnette d’alarme sur ce sujet, à un moment où les médias en parlaient très peu, et j’ai très tôt senti que les hausses de taxe, ça pourrait pas passer […]. C’est un mouvement qui ne doit pas être récupéré mais qui a le droit d’avoir le soutien de tous les élus », a-t-il déclaré, avant d’affirmer, comme presque tous les responsables politiques présents : « J’espère que le président de la République va corriger son erreur, écouter les Français et annuler les hausses de taxes. »

Sur le terrain, beaucoup d’élus et cadres de LR se sont joints aux différents rassemblements en prenant garde de ne pas trop se mettre en avant. « J’y suis allé discrètement, humblement et respectueusement parce qu’il s’agit d’un mouvement social inédit parti de la base », a ainsi indiqué l’eurodéputé et porte-parole de LR, Geoffroy Didier, à la matinale de France Inter dimanche.

Alors que le gouvernement mise manifestement sur l’essoufflement du mouvement, le porte-parole de LR a expliqué que « les “gilets jaunes” doivent poursuivre leur action tant que le gouvernement poursuit la politique qui est la sienne », décrivant un président qui « s’était rêvé en Roi-Soleil » mais qui serait « de plus en plus en train de se comporter comme Louis XVI ».

Au Rassemblement national, où l’on estime, dans le fond, être le leader naturel du mouvement, Marine Le Pen, qui avait annoncé que sa place n’était pas dans les cortèges, s’est félicitée dès ce dimanche du « très grand succès » de la mobilisation de samedi.

« C’est un succès du peuple français pour exprimer un violent sentiment d’injustice », a-t-elle affirmé au Grand jury de RTL ce dimanche. « Il faut que le gouvernement entende ceux qui sont descendus dans la rue », a-t-elle, elle aussi, déclaré, expliquant par ailleurs que la colère exprimée tenait au fait que « les Français ont le sentiment d’être les moins bien traités chez eux, or ce sont eux qui font tourner la France […]. Il y a une préférence étrangère dans les choix qui sont faits par le gouvernement », a-t-elle expliqué en invoquant, sans plus de précisions, « l’aide au migrant » qui « continue de monter ».

La députée du Pas-de-Calais, qui souhaite elle aussi la poursuite du mouvement, a quand même pris soin de souligner qu’« il y a un bon moyen de changer la politique qui est menée, cela s’appelle le vote […] et [que] ça tombe bien, il y a des élections d’ici quelque temps ». Elle appelle les Français à « profiter de ces élections pour donner leur sentiment ».

Renvoyant aux autres formations politiques la critique de l’opportunisme et de la récupération, la députée du Pas-de-Calais a assuré que « si quelqu’un est légitime, c’est bien [elle], puisqu[’elle n’a] aucune responsabilité politique dans la situation de notre pays. [Elle, elle n’a] jamais été au pouvoir ».

À l’opposé du spectre politique, Jean-Luc Mélenchon, qui a défilé à Paris, de la Concorde à l’Assemblée nationale, en passant par l’Élysée, a manifestement senti un souffle révolutionnaire passé sur cette journée du 17 novembre. « Belle promenade en jaune sur les Champs-Élysées. Du jamais vu. Sire, il faut vous reprendre et entendre », a-t-il tweeté, avant de s’enthousiasmer pour la « clameur d’une Marseillaise devant l’Élysée », y voyant la « grandeur de la mémoire populaire face aux monarques ».

À Épinay-sur-Seine, où il intervenait ce dimanche aux rencontres nationales des quartiers populaires, le leader de La France insoumise a salué « une nouvelle période politique et sociale qui s’ouvre devant nous. La journée du 17 a été un exemple d’auto-organisation ». Lui aussi a invité à maintenir la pression sur le gouvernement.

Moins grandiloquent, le député de la Somme François Ruffin était venu ce samedi « comme promis […] sans drapeau, sans tract, sans écharpe. Seulement avec [s]on calepin pour noter les doléances. Pour pouvoir porter une parole juste à l’Assemblée, dans les médias », a-t-il expliqué. À l’issue de ses échanges, il a senti dans cette mobilisation une révolte contre « l’injustice ». « Il faudra en finir avec le diesel. Mais quel est le problème aujourd’hui ? Qu’on augmente la taxe carbone ? Ou que le Smic n’a pas augmenté depuis des années, quand les 500 plus grosses fortunes françaises ont encore crû de 14 % cette année ? », a-t-il ainsi déclaré. Pour sa collègue à l’Assemblée nationale Clémentine Autain, pas question d’entretenir la confusion vis-à-vis des oppositions de droite et d’extrême droite présentes dans les cortèges, « qui se croient comme des poissons dans l’eau au sein des mouvements des “gilets jaunes”, s’en tiennent à leur critique de l’impôt et à leur mépris de l’écologie. Leur mouvement libéral économiquement et autoritaire ne peut offrir un avenir meilleur à ces vies qui crient leur désarroi et leur ras-le-bol général ».

Du côté du PS, Olivier Faure, qui avait lui aussi soutenu le rassemblement, a lancé un « appel à des États généraux du pouvoir d’achat et du financement de la transition énergétique ». Le silence de l’Élysée ne lui paraît, à lui non plus, pas tenable très longtemps. « Sans dialogue, en jouant le pourrissement, le gouvernement prend le risque de dérapages. La colère des Français appelle une réponse ! »

Si elles diffèrent dans leur lecture de la fronde de ce samedi, de droite à gauche, les formations politiques s’accordent au moins sur un constat : il y aura un avant et un après 17 novembre pour le quinquennat.

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