Édition du 16 avril 2024

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Politique canadienne

Harper à Copenhague : une bourrique qui rue dans le bacul

Un des plus aveugles représentants du lobby pétrolier mondial se rendra à Copenhague pour y représenter la population canadienne à la Conférence des Nations unies sur le réchauffement climatique. Stephen Harper a décidé d’y suivre Barack Obama, mais comment s’en réjouir ?

Harper reconnaît la menace des changements climatiques du bout des lèvres et, pour lui, il y a longtemps que le « complot socialiste » que représente le protocole de Kyoto est mort et enterré. Pas surprenant qu’il prévoie déjà l’échec de l’après-Kyoto ou, du moins, de la rencontre de Copenhague. En tout cas, il fera tout pour faire capoter les négociations internationales.

Des cibles insuffisantes

Au-delà des risques pour l’économie, Harper justifie son inaction par le manque d’engagements contraignants des États-Unis et de nouvelles puissances industrielles comme la Chine ou l’Inde. Or, comme dans presque tous les dossiers, il prône l’alignement sur les États-Unis. Obama se rend à Copenhague ? Gros problème pour Harper, qui misait sur l’immobilisme de son voisin, mais il est forcé d’emboîter le pas.

Il profite évidemment de l’occasion pour rappeler que le Canada dispose déjà d’un « ambitieux » programme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec des cibles semblables à celles des États-Unis : 20% de réduction en 2020 par rapport à 2005 pour le Canada ; 17% de réduction en 2020 par rapport à 2005 pour les États-Unis, soit environ 5% de réduction par rapport à 1990, l’année de référence du protocole de Kyoto.

Ainsi, ces deux pays sont bien loin des cibles de l’Union européenne, qui vise une réduction de 20% par rapport à 1990, ce qui reste tout de même en-deçà de la réduction de 25 à 40% sous 1990 recommandée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

La principale différence entre les États-Unis et le Canada est qu’après huit années de gouvernement Bush et de démoliton en règle des efforts internationaux de lutte au réchauffement climatique, le discours d’Obama sur Kyoto et l’après-Kyoto et sa participation à la rencontre de Copenhague ont au moins l’avantage de paraître plus rafraîchissants. Obama essaie tant bien que mal d’entretenir son aura progressiste pendant que Harper se complaît dans son rôle de vieille bourrique.

Un discours unilatéral

À Copenhague, on sait que Harper ne parlera pas au nom de la population canadienne. Il agira tout d’abord à l’encontre de la volonté de la Chambre des communes qui, le 24 novembre, a adopté une motion enjoignant au Canada de « proposer dans le cadre de la conférence de Copenhague sur les changements climatiques la diminution de 25 % en cible absolue des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés par rapport à 1990 d’ici 2020 […] ».

Harper ne représentera pas non plus l’opinion de la population canadienne, qui estimait l’été dernier, à 74%, que le gouvernement n’en fait pas assez pour protéger l’environnement (sondage La Presse canadienne-Harris-Decima, 24 août 2009). Un autre sondage rendu public à la conférence de l’ONU sur le climat de décembre 2008 (McAllister Opinion Research) révélait par ailleurs que 83% des Canadiens souhaitaient voir le Canada « prendre des mesures fermes pour lutter contre les changements climatiques sans attendre les autres pays ».

Enfin, il est clair que Harper représentera encore moins le Québec, qui s’est doté le 23 novembre d’objectifs de réduction semblables à ceux de l’Union européenne (20% en 2020 par rapport à 1990). Cette cible ne satisfait pas complètement les groupes écologistes, qui visaient plutôt 25% de réduction et qui craignent que l’achat de crédits sur les bourses du carbone évite au gouvernement de réduire les émissions de 20% sur le territoire québécois. Tout de même, c’est un fait que l’engagement québécois peut envoyer un rare signal positif venant de l’Amérique du Nord.

Une démocratie représentative ?

Plus que jamais, les conservateurs ne représentent qu’eux-mêmes sur la scène internationale. C’est une prérogative du parti au pouvoir, même minoritaire. Cette fois, en plus, ils affirment clairement leur intention de ruer dans le bacul, de tout faire pour se soustraire à d’éventuels engagements nécessaires à la survie d’une bonne partie de l’humanité. Tout cela pour défendre des intérêts privés, au mépris de la population canadienne et au grand dam des populations présentement et prochainement touchées par le réchauffement climatique.

Si l’objectif était de faire valoir les positions de la population canadienne sur le réchauffement climatique à Copenhague, des organisations écologistes comme Greenpeace ou Équiterre, par exemple, ne seraient-elles pas plus représentatives ? Greenpeace ose parler de crime climatique pour dénoncer l’exploitation des sables bitumineux et, devant l’indifférence du gouvernement, n’a pas hésité à recourir récemment à la désobéissance civile. Malheureusement, au Canada, le crime écologique, loin d’être puni, est encouragé au nom de pseudo-impératifs économiques, et les actions dites de désobéissance civile sont réprimées, même s’il en va de l’avenir de la planète.

Mots-clés : Politique canadienne
Patrice Lemieux Breton

Coordonnateur d’un groupe de solidarité internationale avec le Nicaragua et étudiant en communication publique.

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