Édition du 16 avril 2024

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Mobilisation étudiante pour la gratuité scolaire au Canada anglais

Il est grand temps de voir grand : le bien-fondé de la gratuité scolaire ( octobre 2016)

tiré du document "Il est grand temps de voir grand : le bien-fondé de la gratuité scolaire", octobre 2016. Pour lire ce document en entier, cliquez sur l’icone du fichier .pdf

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants a mené des actions le 2 novembre dans plus de 15 villes du pays. Ces actions visent à rendre accessible le secteur de l’éducation postsecondaire en défendant la gratuité scolaire.

« Nous avons besoin d’un système d’éducation postsecondaire qui détruit les barrières au lieu de les ériger. Une première étape cruciale consiste à lutter pour la gratuité scolaire. », Bilan Arte, Présidente nationale, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, 2016. « Ce n’est pas le temps de penser petit. », Bernie Sanders, 2016.

En février 2016, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ) a fait de la demande pour la gratuité scolaire une priorité, principe renforcé en juin lorsque ses membres on voté pour l’organisation d’une Journée d’action étudiante à l’échelle nationale, prévue pour le 2 novembre 2016.

Pourquoi ? Parce qu’il est temps de voir grand.

Il est temps de modifier l’héritage que nous laissons au secteur de l’éducation postsecondaire ainsi qu’à notre société en général. Il est temps d’aller au-delà des réformes fragmentées qui réduisent le financement public et imposent un fardeau de dettes insurmontable aux étudiantes et étudiants. Il est temps de défendre l’accès universel à l’éducation postsecondaire publique, la justice en éducation pour toutes les apprenantes et tous les apprenants et la valeur de l’éducation publique qui contribue au bien commun.

Nous sommes conscients que la formation professionnelle et l’éducation collégiale et universitaire ne sont pas eux mêmes gratuites ; elles requièrent un investissement important. Mais le bien-fondé de la gratuité scolaire n’ignore pas les coûts de l’éducation ; il cherche à réduire le coût direct pour les étudiantes et étudiants ; à mettre en place un système postsecondaire qui n’a pas de barrières pour ceux et celles qui étudient ou qui travaillent sur les campus ; à mettre en place un système qui soit financé grâce à un système d’impôts progressifs et non un coût arbitraire. Le bien-fondé de la gratuité scolaire part de ce principe. Il continue en reconnaissant que les temps ont changé. Dans notre monde en évolution constante, l’éducation et la formation post secondaire ne sont pas un luxe. La recherche indique que 70 pour cent des nouveaux emplois requièrent une forme quelconque d’éducation post secondaire ; [1] et pour les emplois précaires qui dominent les 30 pour cent des emplois restants, les gens veulent avoir accès à un meilleur avenir. L’obtention d’un métier ou d’un diplôme collégial ou universitaire est nécessaire pour avoir accès à un salaire décent ; de plus, l’accès à l’éducation est représentatif d’une société juste.

Toutes les étudiantes et tous les étudiants méritent d’avoir cette opportunité et la société canadienne bénéficie des compétences que les gens acquièrent à ce niveau. C’est pour ça que les frais de scolarité et l’éducation ne se combinent pas ; il n’y a pas de plan « progressiste » qui inclut des frais de scolarité pour l’éducation postsecondaire, tout comme pour l’école primaire et secondaire ou le système de santé. Nous avons besoin d’un accès universel qui n’inclut pas de coût direct.

Comme l’explique aussi ce rapport, la poursuite de la gratuité scolaire fait partie de notre historique. Dans les années 1960, l’Union canadienne des étudiants a repris cette revendication provenant des générations précédentes. Ils ont défendu le précédent de gratuité scolaire que les vétérans de la Deuxième Guerre mondiale avaient gagnée lorsqu’on a modifié le modèle élitiste de notre système d’éducation postsecondaire pour la première fois.

Plus récemment, les étudiantes et étudiants au Québec nous ont rappelé cet historique. [2] En 2012, ils ont rejeté une hausse des frais de scolarité et se sont opposés aux efforts de faire taire toute dissidence. Le gouvernement qui opposait les étudiantes et étudiants fut délogé à la suite de la plus grande mobilisation étudiante dans l’histoire du Québec. Depuis, les arguments utilisés dans les débats publics se sont transformé. Alors qu’on parlait autrefois de solutions à petite échelle pour réparer un barrage cassé, on parle maintenant d’instaurer un tout nouveau système.

En février 2016, le gouvernement de l’Ontario a annoncé une politique de « gratuité scolaire » pour les familles dont le revenu est de 50 000 $ ou moins par année et des rabais pour les familles dont le revenu est de 83 000 $ ou moins par année. [3] Deux mois plus tard, le Nouveau-Brunswick a introduit une loi similaire, mise en vigueur immédiatement, pour les familles dont le revenu est de 60 000 $ ou moins. [4]

Un plan plus ambitieux a été proposé par Bernie Sanders lors de sa campagne dans la course présidentielle aux États-Unis : financer l’élimination des frais de scolarité pour les collèges d’état en imposant une taxe sur la spéculation financière (ce qui génèrerait 300 milliards de dollars en revenus). [5] Cette vision a poussé la campagne d’Hillary Clinton à élaborer sa propre version de la même politique : la gratuité scolaire aux collèges d’état pour les familles dont le revenu est moins que 85 000 $ (ce seuil monterait à 125 000 $ d’ici 2021). [6]

Le Chili et l’Allemagne ont rétabli des systèmes d’éducation postsecondaire sans frais de scolarité. Pourquoi ? Parce qu’on a déterminé que les frais de scolarité empêchaient l’accès à l’enseignement et que les impôts progressifs sont préférables pour redistribuer la richesse. On a adopté ce concept dans 15 autres pays qui n’ont aucun ou de minimes frais de scolarité dans leurs systèmes d’éducation postsecondaire.

Cette tendance envers la gratuité scolaire nous indique que les étudiantes et étudiants ont de l’influence. Les gouvernements se penchent vers des modèles de gratuité scolaire parce que les étudiantes et étudiants (et leurs allié. es) se sont mobilisés et ont donné des arguments persuasifs au public en général. Nous pouvons atteindre ce but partout au Canada.

Nous pouvons renverser la culture du « chacun pour soi » qui perdure depuis des décennies dans les politiques reliées à l’éducation postsecondaire publique – où les réductions fiscales et les REEE ont été favorisés au lieu d’allouer du financement public à l’éducation postsecondaire – et se rappeler que nous sommes plus puissants lorsque nous sommes uni.es. Nous pourrons dire à nos petits-enfants que nous avons lutté pour assurer leur bien-être, tout comme les générations précédentes l’ont fait pour nous. Nous pouvons être inspirés par ceux et celles qui luttent pour instaurer des systèmes d’éducation postsecondaire solides ailleurs et bâtir un meilleur système ici. Inspirés par ces idées, nous présentons le bien-fondé de la gratuité scolaire dans les instituts professionnels, les collèges et les universités.

Bien entendu, le bien-fondé de la gratuité scolaire fait fâcher les dirigeantes et dirigeants du secteur de l’éducation postsecondaire au Canada ; les politiciennes et politiciens, les dirigeantes et dirigeants de campus et les consultantes et consultants qui défendent le statu quo. Ils prétendent que la gratuité scolaire donne un avantage aux étudiantes et étudiants « bien nantis » et détournent l’argent public envers un « bien privé ». Ils disent que la gratuité scolaire « coûte cher » à un moment où notre société « ne peut se le permettre ». [7]

Mais c’est le contraire qui est véridique. Notre système d’éducation postsecondaire actuel bénéficie aux étudiantes et étudiants à revenu élevé et gaspille des milliards de dollars sur des stratégies inefficaces. De gros bonus et salaires sont alloués à ceux et celles qui dirigent les établissements d’enseignement postsecondaire et aux banques qui profitent de notre système dysfonctionnel d’aide financière aux études. S’ils disent que le système fonctionne bien, ça ne devrait pas être surprenant ; il fonctionne bien pour eux.

On laisse de côté les étudiantes et étudiants qui ont des dettes écrasantes et les établissements d’enseignement postsecondaire qui ont grandement besoin de financement. On laisse de côté ceux et celles qui sont les plus marginalisés sur les campus : les étudiantes et étudiants autochtones, racisés, internationaux, qui ont un handicap, queer et trans, et les travailleuses et travailleurs qui ont des emplois précaires. On laisse de côté les opportunités et les espaces qui encouragent la recherche libre en raison de la commercialisation de la recherche et du contrôle que les sociétés ont sur les ressources des campus.

Un modèle de gratuité scolaire, en revanche, nous ramène à un temps où notre système d’éducation postsecondaire continuait de grandir grâce à un système d’impôt plus progressif et d’un financement public important. Une approche prônant la gratuité scolaire permet d’offrir des meilleurs services sur les campus, des salaires plus justes, et de réinvestir dans le financement de base pour l’éducation post secondaire considérant à quel point les frais de scolarité ont grimpé.


[1Collèges et instituts Canada, La crise démographique et la pénurie de compétences avancées au Canada : Des travailleurs sans emplois et des emplois sans travailleurs, (août 2010).

[2Voir : Gabriel Nadeau-Dubois, Tenir tête (Montréal, LUX, 2013) ; « In Quebec It’s Official : Mass Movement Leads to Victory for Students », commondreams.org (21 septembre 2012).

[3La « gratuité scolaire » est écrit entre guillemets car cette initiative demeure sujette à un examen des moyens pour la population étudiante ontarienne dont les revenus sont les plus faibles. Voir : Gouvernement de l’Ontario (Ministère des finances), « Accroître l’accès à l’éducation postsecondaire », Budget de l’Ontario de 2016 (25 février 2012) ; Nora Loreto, « Ontario Liberal Promise of Free Tuition Could Usher in Long-Held Dream of Privatizing the System » Rabble. ca (26 février 2012) ; Ashley Csanady, « Sure, There Are (Some) Catches, but Ontario Really is Getting Free Tuition for Low-Income Students. Here’s How », National Post (29 février 2016) ; Alex Usher, « When is Free Tuition Free ? » (billet de blogue, 1 mars 2016).

[4Gouvernement du Nouveau-Brunswick (Cabinet du premier ministre), « Accès gratuit aux études pour les familles à faible et à moyen revenu » (14 avril 2016) ; Gouvernement du Nouveau-Brunswick (Services financiers pour étudiants, Éducation postsecondaire, Formation et Travail), « Programme d’aide aux études » (14 avril 2016).

[5Robert Pollin et al. « The Revenue Potential of a Financial Transaction Tax for U.S. Capital Markets » (PERI Institute, University of Massachusetts, mars 2016).

[6La campagne de Clinton a promis l’élimination immédiate des frais de scolarité pour les familles qui ont un revenu moindre que 85 000 $ par année. D’ici 2012, cette mesure s’étendra aux familles dont le revenu est moindre que 125 000 $ par année. Voir : https://www.hillaryclinton.com/issues/college/

[7Voir : Jeff Collins et Ben Eisen, « Free Tuition No Magic Bullet » (7 janvier 2015) ; Alex Usher, « Yet More Reasons Free Tuition is a Bad Idea » (4 novembre 2014).

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