Édition du 23 avril 2024

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Il est temps de rejeter la politique actuelle de l’Ontario

Nora Loreto est une auteure, une musicienne et une militante qui vit à Québec. Elle travaille à une maîtrise en éducation à l’Université de la Saskatchewan. Elle était auparavant coordonnatrice des communications de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants - Ontario et rédactrice en chef de la Ryerson Free Press. La musique de Nora peut être écoutée ici : https://soundcloud.com/nora-loreto et son blog est à l’adresse qui suit : www.noraloreto.ca.

Par Nora Loreto | 29 mai 2014
traduction PTAG

L’élection ontarienne est mortellement déprimante.

Le NPD ontarien a essayé de jouer le jeu des partis qui en ont vu d’autres. Il a déclenché une élection avec l’espoir de capitaliser sur un grand nombre de sondages et de faire progresser marginalement le nombre de sièges jusqu’à former un gouvernement. Cette décision a plongé de nombreux militantEs progressistes dans une élection qu’ils ne voulaient pas.

Tim Hudak est la plus grande menace dans cette élection. Une partie de la colère contre le NPD ontarienvient de la peur de certains d’une victoire des progressistes-conservateurs.

Mais il y a une autre menace. Si cette élection est tellement démoralisante ce n’est que les trois partis convergent plus que jamais, l’un comme l’autre, vers la droite de l’échiquier politique, mais en raison du message que le NPD envoie : un parti progressiste ne peut pas se faire élire sur une plate-forme progressiste. Pour Horwath, parler de la pauvreté et d’injustice , s’apparente à parler des pauvres plutôt qu’à leur parler.

Alors que les jeunes, en particulier, votent de moins en moins, l’élection de 2014 sera un autre clou planté dans le cercueil de la démocratie en Ontario.

Au cœur des problèmes du NPD ontarien, il y a une question de la démocratie. Avec leur stratégie électorale et une plate-forme qui n’ont jamais avoir été approuvées par un vote des membres, les stratèges du NPDO sont libres de faire ce qui leur permettra, selon eux, de gagner.

En l’absence de mécanismes démocratiques internes, les membres du NPDO soutiennent cette stratégie de campagne. Le résultat a été une campagne incohérente qui ressemble à un coup de force imposé par le haut par tous les moyens possibles.

Et ce qui ne contribue certainement pas à rendre leur stratégie plus acceptable, c’est l’éventail de tactiques employées par les candidatEs et les militantEs du NPDO : déformation ou ignorance de la vérité, diffamation et autopromotion..... Je soupçonne qu’il y a un nombre record de progressistes qui se diront être des libéraux honteux compte tenu de la dérive vers la droite du NPD.

Certains pourraient dire que c’est irréaliste pour un parti politique d’avoir une plate-forme et une stratégie décidées démocratiquement par ses membres. Que s’imposer un fonctionnement démocratique, c’est vraiment se faire chier surtout dans un parti sophistiqué.

Eh oui, c’est vrai. C’est dur. Mais ce n’est pas seulement tout à fait possible pour un parti progressiste, c est essentiel.

La province de l’Ontario de 2014 est différente de ce qu’elle était en 2011. Merci aux mouvements sociaux émergents, au printemps arabe, à Occupy , à Idle No More, aux grèves étudiantes du Québec, le gros du travail a été fait. Les augmentations d’impôt pour les riches sont en vogue. Les militantEs se sont mobilisés autour de la ligne 9 et contribuent à faire de ces projets des projets impopulaires. La gratuité scolaire n’est plus une idée folle.

Au lieu de cela, l’option la plus progressiste, promet de verser 1 milliard $ dans l’exploitation du Nord de l’Ontario prévue par les Libéraux, le plan Ring of Fire .

Que s’est-il donc passé ?

Plutôt que de remettre en cause cette privation de droits et d’offrir une vision d’une nouvelle société, le NPD ontarien défend la même politique, passant le plus clair de son temps à attaquer publiquement Kathleen Wynne ( malgré leur soutien à la plus grande partie de son budget) et à ignorer les revendications des personnes qui sont les plus susceptibles de voter pour lui.

Certaines personnes diront que mon appel pour une vision progressiste est dépassé : que vous ne pouvez pas être élu en promettant l’arrêt de la destruction de la terre. Horwath a même tweeté en réponse aux 34 signataires de la lettre se disant préoccupés par l’orientation de ce parti, que la troisième place du NPD de l’Ontario est le résultat de l’ancienne manière de faire de la politique. Bien qu’il n’y ait aucun moyen de savoir qui a divulgué la lettre, il n’est pas inconcevable qu’elle ait été divulguée par le NPD de l’Ontario. Quel meilleur moyen de séduire les partisans de M. Hudak que d’attaquer Judy Rebick ?

Si les politiques progressistes sont incompatibles avec le succès électoral comme l’ont défendu certains militants du NPDO, je ne sais pas pourquoi le parti existe. Au fond, tous les progressistes estiment que leurs idées et leurs idéaux peuvent être populaires et que c’est la stratégie qui fait que ces idées sont populaires ou impopulaires. Mais, si l’actuel NPD de l’Ontario ne pense pas que les idées progressistes sont assez populaires pour gagner une campagne, il est tempsd’avoir une conversation honnête au sujet de la pertinence de ce parti .

Les partis progressistes ne peuvent faire de la formation d’un gouvernement leur principal objectif. Les partis progressistes, les partis liés à la classe ouvrière et au mouvement syndical, devraient porter les revendications populaires. Ils devraient donner la parole et la cohésion aux des masses laborieuses, reprendre les revendications des mouvements sociaux et utiliser les leviers à leur disposition pour favoriser des changements profondément démocratiques.

Le rôle des stratèges est de trouver une façon de rendre populaires ses politiques.

Depuis longtemps, les membres du parti ont apparemment oublié que la plus grande contribution au Canada fait par le NPD a été les soins de santé universels, et non une politique adoptée pour accéder au pouvoir. Pour bâtir un Ontario meilleur, les politiciens progressistes doivent mettre de côté leur ego et renforcer le travail de terrain afin d’obtenir les mandats dont ils ont besoin pour mettre en œuvre des changements. Sans cela, on bâtit sur du sable, et tout l’édifice s’effondrera à la moindre pression.

Il n’est pas trop tard pour arrêter ce glissement vers la droite. L’élection n’est que pour dans deux semaines et, il est possible d’apporter des modifications à la stratégie en cours de route. Il est possible, mais ce ne se fera pas en faisant la politique comme auparavant.

Mais vraiment , après la crise de 2008, après Occupy, après la fonte des glace dans l’Antarctique, n’est-ce pas ce que les gauches ont besoin ?

Si le NPD de l’Ontario veut faire de la politique routinière, c’est très bien. Mais le parti et ses partisans ne peuvent pas se plaindre quand ceux d’entre nous - car la crise climatique et le capitalisme compte tenu du rapport de force vont probablement nous tuer tous- , plaident pour que le navire change de cap. Une politique routinière sera un désastre et sera une catastrophe même si les annonces du Toronto Sun ou les blogsde Kinsella affirment que tout va bien.

Comme Dylan a écrit et comme cela se chantait durant l’ère de Mike Harris dans une publicité télévisée de la Banque de Montréal : dégagez de la voie nouvelle si vous ne pouvez pas donner un coup de main.

Photo : Andrea Horwath

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