Édition du 26 mars 2024

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Proche-Orient

Israël pavoise et Abbas se tait

Alors que le moratoire sur la construction des illégales colonies israéliennes s’est terminée hier, c’est la fête dans les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem occupée.

Telle a été la réponse du gouvernement d’extrême-droite de Benyamin Netenyahu aux efforts déployés par les États-Unis pour que reprennent les pourparlers de paix entre les Palestiniens et les Israéliens.
Les constructions ont repris dans toutes les colonies, sans exception. Le gouvernement Netanyahu garde le silence, et l’Autorité palestinienne [AP de Ramallah], son président et son porte-parole restent invisibles comme s’il y avait un accord caché avec leurs homologues israéliens pour ne pas faire de déclarations devant la presse.

Le Dr Saeb Erekat, négociateur en chef palestinien - bien connu pour son goût à être sous les feux des projecteurs - avait souligné à plusieurs reprises dans des interviews télévisées que les Palestiniens ne poursuivraient pas les négociations « même un seul jour » si les Israéliens reprenaient la construction de colonies. Son patron, l’ex-président Mahmoud Abbas, avait souvent répété que la paix et la construction de colonies étaient diamétralement opposées.
L’AP dit vouloir consulter le Comité arabe pour l’Initiative de paix (APIC) en ce qui concerne la prochaine étape face au refus d’Israël de prolonger le moratoire. Il ne peut pas être exclu que l’APIC émette une nouvelle fatwa obligeant l’AP à poursuivre les négociations directes en vue de donner à l’administration américaine la possibilité de répondre au refus israélien, et « dévoiler » ainsi les intentions d’Israël devant le reste du monde.

Mahir Ghunaym, un des ministres de l’AP, a parlé des voies alternatives que l’AP pourrait suivre ; lorsqu’on lui a demandé de préciser ce qu’il entendait par là, il a déclaré, entre autres initiatives, la possibilité pour l’AP de se tourner vers le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il n’a pas dit un seul mot sur l’Intifada ou la résistance...

Dans une déclaration au journal Al-Hayat, l’ex-président Abbas a déclaré qu’il consulterait les institutions palestiniennes et arabes du Comité de suivi, en soulignant qu’il n’y aura pas de retour à l’option « militaire » - il entendait l’Intifada - car elle a causé trop de destructions.

Mais les institutions palestiniennes auxquelles le Président Abbas se réfère ne sont plus disposées à se retrouver impliquées. Le Comité exécutif de l’OLP a rejeté la reprise des négociations directes, bien que Abbas ait affirmé avoir obtenu son autorisation lors d’une réunion boycottée par plus de la moitié de ses membres.

Le Front Populaire pour la Libération de la Palestine-> [FPLP], l’organisation la plus importante au sein du Comité exécutif de l’OLP, a déclaré hier la suspension de son appartenance [à l’OLP] et, par conséquent le boycott des réunions du Comité exécutif de l’OLP. C’est ce qu’ont fait également un certain nombre de personnalités indépendantes palestiniennes, pourtant soigneusement sélectionnées par Abbas pour soutenir sa position.

La majorité du peuple palestinien a perdu confiance dans l’Autorité palestinienne, laquelle n’a plus aucune crédibilité. Les gens ne croient plus aux déclarations des responsables de l’AP, y compris à celles d’Abbas lui-même qui revient sans cesse sur ses propres déclarations et menaces.

Il a menacé qu’il ne participerait pas à des négociations indirectes avec les Israéliens, mais il y est tout de même allé. Puis il a insisté sur le fait qu’il ne voulait pas participer à des négociations directes sans conditions bien établies et sans que des progrès ne soient réalisés dans des négociations indirectes, mais pour ensuite y participer sans qu’aucune de ses exigences ne soient respectées.
Il a souligné dans plus d’une déclaration à la presse qu’il ne négocierait pas un jour de plus si les Israéliens reprenaient la construction dans les colonies, et maintenant il annonce qu’il va poursuivre les négociations jusqu’à ce qu’il reçoive des directives de l’APIC d’ici une dizaine de jours.

Abbas poursuivra les négociations directes car il ne veut pas assister à l’explosion d’une Intifada ou à un renouveau de la résistance. Il ne veut même pas envisager la dissolution de l’Autorité palestinienne comme son porte-parole ainsi que le négociateur en chef Saeb Erekat, avaient menacé de le faire si la construction de colonies reprenait.

Que veut Abbas ? Se peut-il qu’il ne veuille que s’accrocher au pouvoir, en conservant son fauteuil de chef de l’AP en passe de se transformer en outil de l’occupation israélienne, réprimant son propre peuple et protégeant les colons alors que ceux-ci continuent à voler les terres palestiniennes, à incendier les fermes, à construire plus que jamais de nouvelles habitations sur le territoire palestinien, et achèvent la judaïsation de Jérusalem occupée ?

• Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

Cet article est aussi paru sur le site du Journal des Alternatives

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