Édition du 16 avril 2024

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Amérique centrale et du sud et Caraïbes

L’Argentine, l’automne de tous les dangers

Entrevue avec Claudio Katz et Eduardo Lucita sur le contexte économique en Argentine, l’offensive de la droite, les mutations du kirchnerisme, le sectarisme de plusieurs courants de la gauche qui bloque l’émergence d’une alternative de masse à gauche malgré les possibilités importantes que la situation comporte.

Bulletin de liaison du réseau Intercoll.net | Septembre 2017

Quelle est l’importance des élections à venir en août et octobre prochains ?

Eduardo Lucita :  Le contexte économique est très différent de celui de l’arrivée au pouvoir de Macri et de son parti, « Proposition Républicaine » (PRO). Tous les signaux sont négatifs. La consommation a chuté, les hausses de salaires sont absorbées par une inflation persistante, particulièrement sur la nourriture, le chômage augmente tout comme la pauvreté. En parallèle, le pays a recommencé à s’endetter à un rythme important, endettement symbolisé par l’émission récente d’une obligation sur 100 ans.

Il semble assuré que l’on va vers un approfondissement de l’austérité néolibérale …

EL :  Le gouvernement actuel fait monter les enchères pour s’assurer le soutien des grands capitalistes. Des mesures dures ont ainsi vu le jour en pleine campagne électorale. Ils poursuivent les hausses de prix intempestives, réduisent les pensions aux handicapés, tolèrent les licenciements et favorisent ouvertement la flexibilité du travail. Ils projettent, après octobre 2017, de réduire le déficit fiscal en baissant encore la dépense publique. Il faut avoir en tête que 56% de la dépense publique est sociale et 17 autres pour cent représentent les salaires des fonctionnaires et les allocations familiales. Les projets de réformes fiscales et du travail ne laissent aucun doute sur l’orientation suivie.

Au sein des classes populaires, Cristina est-elle encore vue comme une alternative crédible à l’agression néolibérale ?

CK :  Le kirchnerisme tente de gagner en transversalité et de s’éloigner de l’appareil péroniste. C’est en tout cas ce que montrent les candidatures. En parallèle, le front citoyen a adopté une stratégie d’affrontement verbal en dénonçant la hausse des tarifs, en voulant déclarer l’urgence alimentaire et sanitaire, en souhaitant revenir à des prix bloqués et surtout renégocier la dette. N’oublions pas que les kirchneristes ont été à l’origine de conflits sérieux contre les élites dans certains domaines, notamment au moment du projet de loi de taxe sur les exportations agricoles ou lors de la loi sur les médias.

Où en est la gauche dans ce nouveau contexte ?

CK : Certain-es militant-es pensent que c’est la seule en capacité de battre Macri. D’autres voient en elle une posture compatible avec le pouvoir en place. Ils me semblent que les deux sont erronées. La première oublie que la dissolution dans le kirchnerisme amènerait à laisser de côté une grande part de tout ‘progressisme’. Cette option accepte le fonctionnement vertical de Kirchner, ou le paiement de la dette à Repsol, la Banque mondiale ou le Club de Paris. La deuxième posture fait l’erreur inverse. Elle n’analyse pas les virages du kirchnerisme et les conflits réels entre ce courant politique et le pouvoir.

FG : Quels sont les problèmes de la gauche ?

CK :  Au fil des ans, Le Front de gauche a créé un véritable « plafond de verre » qui empêche tout saut qualitatif de la gauche. Ce sont trois partis trotskystes qui repoussent les autres partis de même filiation. La seule explication est un calcul d’appareil. Ils font le pari que ce front ne passera pas les primaires et appellera finalement à voter pour eux. Ce sont les mêmes logiques qui régissent la vie interne du FIT. Le FIT s’est fermé aux autres traditions de la gauche et ne veut pas provoquer d’élections internes pour se dépasser.

EL : Ce sectarisme a deux origines. D’une part, une logique d’auto-construction, ce que Gramsci appelle « le patriotisme de parti » qui se termine toujours par des controverses et luttes d’appareils. D’autre part, ce type d’organisation a une lecture du champ politique « classe contre classe » qui limite de fait les alliances et amène même à confondre fronts électoraux et alliances stratégiques. Il me semble que ces conceptions sont à l’origine de leur incompréhension de la complexité des processus latino-américains.

EL : La situation est complexe et contradictoire mais représente une vraie opportunité pour les forces anticapitalistes. Il existe désormais une nouvelle possibilité pour démontrer que les obstacles à surmonter pour résoudre les problèmes que cause le capitalisme dans notre société, et qu’aucune fraction de la bourgeoisie au gouvernement n’a résolu, se trouvent dans le capitalisme lui-même.

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