Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Cinéma

L'art de la bonté

Vous connaissez sans doute le dicton selon lequel avec de bons sentiments, on fait de la mauvaise littérature. Il semble pourtant que cet adage souffre des exceptions, notamment dans le cas du cinéma. J’en veux pour nouvelle preuve le magnifique film Réparer les vivants de la réalisatrice Katell Quillévéré.

En lenteur et en douceur, ce long métrage se déroule en trois temps de durées asymétriques : le premier très court montre amour, amitié et bonheur de la jeunesse avant l’accident fatal ; le second nous fait vivre la douleur et les conséquences dudit accident ; le troisième est la rédemption, qui permet à une personne malade de revivre.

Le motif de la mer est hypnotique et revient nous hanter à point nommé. Les relations personnelles sont illustrées par ces petites touches simples qui nous ramènent à la beauté du quotidien, comme ces « mots des pauvres gens », que la chanson de Ferré semblait trouver dérisoires.

Je doutais que cette belle œuvre aboutisse sur nos écrans tant elle est faite de délicatesse, de beauté, de bonté et de simplicité, mais dotée d’un atout majeur, la magnétique présence d’Anne Dorval, elle a su trouver son chemin vers au moins deux salles montréalaises : le Quartier latin et le Beaubien.

En plus d’être un ravissement pour les yeux, les oreilles et le cœur, cette production constitue le meilleur outil de propagande pour le don d’organes. On pourrait utiliser cet argument pour le promouvoir, et ce ne serait pas mentir. On ne peut en dire autant de certains films qui souffrent gravement de la promotion qu’on leur fait. Je pense à l’esthétique Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau, qui a été à tort promu comme un retour sur le printemps Érable.

Je pense aussi au très sympathique Toni Erdmann, qu’on nous a vendu comme une farce pissante alors qu’il s’agit d’un feel good movie un peu à la façon de Bagdad Café, le côté magique en moins. Si on avait plutôt vanté ce long métrage comme la souriante comédie dramatique de la difficulté de communication entre un père et sa fille, comme la recherche de la connexion entre deux inadaptés, on aurait attiré le bon public friand d’anti-héros, qui serait venu en masse et n’aurait pas été déçu. Les distributeurs devraient se rendre compte que se faire passer pour autre que ce qu’on est ne rend pas service, d’autant que, ironie du sort, c’est un peu le thème majeur du film Toni Erdmann.

En tout cas, souhaitons un avenir radieux aux films de bonté, de beauté et d’humanité, où il n’est pas nécessaire de faire exploser des voitures.

LAGACÉ, Francis

Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
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