Édition du 23 avril 2024

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Environnement

L’écocide planétaire (pour les nuls)

Écocide : « n. m. — 1972 ; de éco(logie) et –cide. Didact. Destruction méthodique de la flore et de la faune. » [1]

Du suffixe -cide (tuer) défini comme « destruction méthodique » et du préfixe éco (milieu) défini comme « la flore et la faune. » Cette énonciation limitée, tout au plus correcte, est plutôt décevante. Elle n’est accompagnée d’aucun exemple ni d’aucune citation contextuelle tirée de la littérature ou de l’usage commun — les définitions de mots triviaux comme mât et beurre s’étirent respectivement sur plus d’une vingtaine et une trentaine de lignes. En comparaison, l’article tiré du même dictionnaire traitant du substantif de sens apparenté « génocide », défini comme la « destruction méthodique d’un groupe ethnique » est richement contextualisé : […] « L’extermination des Juifs par les nazis est un génocide. Le génocide des Arméniens. — PAR EXT. Extermination (d’un groupe important de personnes en peu de temps) […] » Deux cas de figure historiques, une nation responsable d’atrocités et deux nations offensées sont identifiées, auxquels s’ajoute une restriction temporelle. On normalise même l’utilisation de la forme adjectivale du substantif : « Des actes génocides. »

Pourtant les cas d’écocides sont légion, et les individus, les groupes d’intérêts, les gouvernements ainsi que les multinationales qui, tous, partagent la responsabilité de ces actes criminels, sont bien connus. On ne peut que constater une certaine frilosité académique à l’endroit d’un substantif si riche de sens et d’actualité.

Évidemment, je ne m’attends pas à ce qu’un représentant de l’Académie frappe à ma porte pour me demander mon avis. J’estime, néanmoins, qu’un écocide local ou planétaire vise non seulement la flore et la faune, mais aussi l’espèce humaine qui forme un tout avec l’environnement qui assure sa subsistance. Compte tenu du nombre, de l’ampleur et de la diversité des écocides locaux perpétrés actuellement sur la Terre, nous pouvons affirmer, sans l’ombre d’un doute, que nous assistons en ce début de millénaire à un épisode d’écocide planétaire de l’histoire de notre civilisation.

En regard de la pollution accélérée de l’atmosphère, des sols et des cours d’eau, de la disparition accélérée des espèces animales et d’un environnement chaque jour plus imprégné de polluants toxiques pour l’espèce humaine, on peut constater que les préjudices de l’écocide planétaire se rapportent à tous les êtres vivants du règne végétal, animal et humain ; et qu’ils comportent une grande variété d’actes de destruction intentionnels qui s’actualisent génération après génération. En conséquence, un écocide peut être considéré à juste titre comme un crime contre l’humanité.

Reformulation de la définition en tenant compte du modèle du Petit Robert :

Écocide : n. m. et adj. — 1972 ; de éco(logie) et –cide. Didact. 1. Destruction méthodique de la flore, de la faune et de l’espèce humaine. => humanicide. [2]L’écocide perpétré contre l’humanité. La contamination massive et systématique de l’atmosphère, des sols et des eaux par les gouvernements et les entreprises, cause de la détérioration des moyens de subsistance de l’ensemble des communautés locales, attribuable à une exploitation extractiviste inappropriée [3], est de l’ordre de l’écocide. L’exploitation des énergies fossiles, au même titre que la croissance démographique et de la consommation, considérées, par un nombre croissant d’acteurs sociaux, de membres de la communauté scientifique internationale et une majorité de lauréats du prix Nobel en science, [4] comme une menace écosystémique pour l’humanité, est dans son acception globale et par voie de conséquence, un écocide. PAR EXT. Extermination (d’espèces végétales, animales et de vastes groupes de personnes, en un temps relativement long.) Écocide planétaire. L’écocide planétaire est aujourd’hui un fait patent. 2. Adj. Qui incite à l’écocide, qui tient de l’écocide. Des activités économiques et industrielles écocides.


[1Écocide, NOUVEAU PETIT LE ROBERT, 1993.

[2Il n’existe aucun substantif désignant la destruction méthodique de l’humanité. Je suggère humanicide faute de mieux. Le lecteur décèlera sans doute la part d’ironie inhérente à cet article.

[3« Écocide au Nigéria : Fuite et migration comme conséquences de la politique occidentale sur les matières première », https://www.pambazuka.org/fr/human-security/ecocide-au-nig%C3%A9ria-fuite-et-migration-comme-cons%C3%A9quences-de-la-politique-occidentale, 2016.

[4World Scientists’ Warning to Humanity : A Second Notice, BioScience, OXFORD ACADEMIC, https://academic.oup.com/bioscience/advance-article/doi/10.1093/biosci/bix125/4605229, 2017.

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