Édition du 26 mars 2024

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Assises sur l’écosocialisme

L’écosocialisme, réponse à l’impasse capitaliste

« Nous savons dorénavant que l’émancipation humaine ne peut être atteinte par la croissance sans fin : l’écosystème ne le permet pas. Ce constat nous oblige à repenser le système de production et d’échanges, et plus globalement l’ensemble de l’organisation sociale et politique. Dans ces conditions, nous proposons un nouvel énoncé de notre stratégie pour le futur de l’humanité : l’écosocialisme. Ses méthodes sont la radicalité concrète, la planification écologique et la révolution citoyenne. Il est fondé sur la répartition des richesses, la prise en compte des contraintes écologiques, le refus des dominations et des oppressions de toutes sortes, la souveraineté populaire et le caractère démocratique, républicain et laïque de l’État.

Article paru dans Politis n° 1229

L’écosocialisme est la jonction d’une écologie anticapitaliste et d’un socialisme débarrassé du productivisme, dans un projet de société alternatif porteur d’espérance. Il n’est pas une utopie à laquelle le réel devrait se conformer, mais la réponse humaine raisonnée à la double impasse capitaliste et productiviste. Nos pensées et actions politiques sont radicales : elles vont à la racine des causes. Nous combattons donc les moteurs du système : le consumérisme sacrant l’accumulation matérielle, le creusement des inégalités sociales ; le productivisme qui épuise les écosystèmes, la mondialisation qui permet le dumping social et environnemental. Nous désignons les vrais coupables : l’oligarchie financière, les idéologues de la concurrence « libre et non faussée » et du libre-échange.

Nous devons sortir des mystifications socialistes et écologistes. Notre écologie à nous est sociale, liée aux combats historiques de la gauche. Elle est incompatible avec le libéralisme, qui, sous couvert de développement durable, fait perdurer la recherche du profit maximal, la dynamique impérialiste et le « court-termisme ». Elle réfute l’impasse sociale-démocrate qui voudrait que toute redistribution passe d’abord par la relance de la croissance. Les richesses existent, il n’y a pas lieu d’attendre pour les redistribuer. Et ce modèle d’expansion infinie est un suicide de notre civilisation. Nous n’attendons donc ni la croissance à tous crins ni les « bénéfices » de l’austérité, et ne croyons ni à l’une ni aux autres.

Notre projet implique, au contraire, une économie au service des besoins sociaux qui rompe avec la doxa libérale. Elle passe par la désobéissance aux directives de l’Europe libérale et engage la révision en profondeur du système productif par les « 4 R » : relocalisation, réindustrialisation, reconversion industrielle et redistribution du travail. Pour pallier les limites du PIB à mesurer le « bien-vivre », elle instaure la règle verte comme critère systématique d’empreinte écologique. L’écosocialisme est un combat internationaliste et universaliste, il reconnaît la dette écologique et sociale de l’industrialisation effrénée, et ses effets sur le climat, le pillage des ressources naturelles, l’accaparement des terres et la responsabilité des règles imposées par la Troïka.

Nous devons réaliser un « compromis inédit entre bleus de travail et souci de la planète [1] » . Des salariés en lutte sont porteurs de projets alternatifs impliquant déjà les principes de la planification écologique : prise en compte du temps long, contrôle des travailleurs et des usagers, maîtrise publique. Si la collectivité et l’État sont à refonder dans une VIe république assurant la souveraineté populaire, ils restent indispensables pour planifier la rupture, construire un cadre émancipateur et garantir l’égalité d’accès. Les biens communs comme l’eau, l’énergie, les services publics, qui jouent un rôle social et écologique essentiel, doivent être nationalisés en repensant l’articulation entre État, syndicats, associations et usagers.

Il faut lutter et résister pour inventer à travers des alternatives concrètes et des actions de désobéissance civique non-violente. En parallèle, il nous faut mener le combat idéologique par l’éducation populaire pour « décoloniser l’imaginaire » et dénoncer la vision d’un individu-consommateur docile. Nous en combattons les bras armés que sont la publicité, avec son cortège de marchandisation des corps et de sexisme, la mode et les médias, avec leur injonction d’achat permanente.

La remise en cause du système ne peut résulter d’une simple alternance électorale et de décisions venues d’en haut. Elle exige que les majorités parlementaires écosocialistes conjuguent leur action avec des mouvements d’implication populaire dans tous les domaines. Cette réappropriation de l’initiative politique dans le but de déterminer quel est l’intérêt général, c’est ce que nous nommons la révolution citoyenne. Elle est indispensable pour éviter que le désespoir et la colère ne basculent du côté de la haine, et pour faire fleurir la révolution écosocialiste. »


Par Corinne Morel-Darleux, Mathieu Agostini - 28 novembre 2012

Corinne Morel-Darleux

En charge du développement à l’international de l’écosocialisme pour le Parti de Gauche, Corinne Morel Darleux est également conseillère régionale en Auvergne Rhône Alpes et chroniqueuse Reporterre et Là-bas si j’y suis... Elle vit à Die, dans le Vercors. Son blog : www.lespetitspoissontrouges.org

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