Édition du 26 mars 2024

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Travail

« L'exploitation n'est pas une vocation ! » Les étudiant.es sont en grève et manifestent pour la rémunération des stages dans tous les domaines d'études (Comités unitaires sur le travail étudiant)

QUÉBEC, le 16 févr. 2017 - Québec (territoire abénaki non cédé) - À l’appel des Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE), aujourd’hui plus de 25 000 étudiant.es sont en grève et des centaines d’entre elles et eux manifestent sur la Colline parlementaire, en marge du Rendez-vous sur la main-d’oeuvre organisé par le gouvernement provincial, afin d’exiger la rémunération de tous les stages dans tous les domaines d’études.

Depuis plusieurs années, des étudiant.es en enseignement demandent qu’on les paie pour la prise en charge complète d’une classe durant leur quatrième et dernier stage. Il est temps d’emboîter le pas à la grève qu’ont mené les doctorant.es en psychologie cet automne et d’exiger non seulement la rémunération de tous les stages dans tous les programmes d’études, mais également la reconnaissance du travail intellectuel qu’implique l’éducation postsecondaire. Pour Stéphanie Gilbert, militante au Comité pour la rémunération des stages et des internats de l’Université du Québec en Outaouais (CRIS-UQO), « même si certains croient qu’il faut davantage adopter une stratégie "modérée" en demandant une compensation financière, nous trouvons plus responsable de revendiquer la mesure la plus profitable pour l’ensemble de la population étudiante, soit la rémunération de l’ensemble des stages et internats. » À ses yeux, la manifestation d’aujourd’hui représente une étape importante vers la reconnaissance du fait que les étudiant.es sont bel et bien des travailleur.ses dont le travail mérite d’être reconnu à sa juste valeur.

Maryse Forget, militante au comité féministe en éducation de l’UQAM, indique que « les stages non rémunérés sont monnaie courante dans les emplois traditionnellement et majoritairement occupés par des femmes. Pour être enseignantes, infirmières, travailleuses sociales, sages-femmes ou éducatrices spécialisées et à la petite enfance, il paraît qu’il faut avoir la vocation et une propension naturelle au don de soi. Pourtant, il n’y a rien de naturel à être non payé ou sous-payé lorsqu’on travaille. Que ce travail soit effectué dans le cadre d’une formation scolaire ne rend pas pour autant l’exploitation des stagiaires acceptable ! » Selon la Canadian Intern Association, environ 200 000 stages crédités sans rémunération ont cours chaque année au Canada, en plus de 300 000 stages post-études, une quantité énorme de travail gratuit pour les employeurs.

Durant son discours à la manifestation, Valérie Simard, étudiante en enseignement impliquée au CUTE de l’UQAM, a déploré le manque de considération accordée aux mères stagiaires : « Avec des enfants à charge, la somme de travail non rémunéré à la maison comme à l’école rend quasi impossible aux parents étudiants d’exercer en plus un travail moyennant salaire qui leur permettrait un semblant d’autonomie financière. Cette situation augmente le risque de devoir se placer sous la dépendance de ses propres parents ou de son conjoint, limitant les possibilités d’émancipation des femmes. C’est pour ça qu’on dit que la grève des stages est une grève des femmes ! » La reconnaissance du travail des stagiaires par l’entremise d’un salaire permettrait de sortir de cette situation de dépendance et d’avoir du pouvoir sur les situations de violences sexuelles, de harcèlement et d’abus en tous genres vécus dans le cadre de leur formation.

« Le mouvement étudiant québécois, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas pris à bras le corps les conditions d’études des stagiaires. Les programmes techniques et professionnels regroupent un large pan de la population étudiante or à bien des égards, les fédérations n’ont jusqu’à présent pas su s’attarder suffisamment à leur réalité particulière, » de conclure Louis-Thomas Leguerrier, militant du CUTE de l’Université de Montréal. La campagne actuelle du CUTE vise à coaliser les étudiant.es inscrit.es dans des programmes incluant des stages obligatoires non rémunérés à travers le Québec. Les actions d’aujourd’hui constituent un premier pas dont l’envergure s’est avérée au-delà de nos espérances et est de bon augure pour notre mobilisation qui pourrait mener à une grève générale des stages étudiants.

Liste des associations étudiantes en grève aujourd’hui et présentes à Québec :

Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’Éducation de l’UQAM (ADEESE-UQAM)

Association facultaire étudiante des sciences humaines de l’UQAM (AFESH-UQAM)

Association facultaire étudiante de langues et communication de l’UQAM (AFELC-UQAM)

Association des étudiants au module d’éducation de l’UQO (AÉMÉ-UQO)

Association générale des étudiantes et étudiants en éducation physique et sportive (AGEEP) de l’Université de Sherbrooke

Association étudiante de littérature comparée de l’Université de Montréal (AELCUM)

Association des cycles supérieurs en sociologie de l’Université de Montréal (ACSSUM)

Association facultaire étudiante des arts de l’UQAM (AFEA-UQAM)

Regroupement des étudiants et étudiantes en sociologie de l’Université Laval (RÉSUL)

Association étudiante du Cégep de Sherbrooke (AÉCS)

Les nouveaux Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE) sont des groupes autonomes présents dans différents établissements d’enseignement postsecondaire, créés dans le but d’obtenir juste reconnaissance pour le travail étudiant. Ils préconisent, entre autres, la grève des stages comme moyen d’action inédit et le salariat étudiant comme finalité stratégique pour le mouvement étudiant. On peut en savoir plus à leur sujet via leur site Web, au https://www.travailetudiant.org/

Comités unitaires sur le travail étudiant

Coalition étudiante dans le cadre des Rendez-vous de la main d’oeuvre des 15 et 16 février 2017.

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