Édition du 16 avril 2024

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Afrique

La chute du bravissime Jacob Zuma : réflexions sur la gestion scandaleuse des budgets (1ère partie)

Le bravissime Jacob Zuma, désormais ancien Président de la République sud-africaine, vient de dégringoler tel un baobab brutalement abattu en pleine forêt. Plus dure est la chute, quand l’arrogance était triomphante. Vertige des hauteurs. Folie des grandeurs ! Lorsqu’on est porté à la tête d’une république, en qualité de président, on est présenté comme le premier des citoyens.

Tiré du blogue de l’auteur.

Pour lire la deuxième partie.

Des rois de l’antiquité aux plus modestes Chefs d’Etat contemporains, l’expérience des charges suprêmes d’un pays est loin d’être de tout repos pour leur modestie. C’est, qu’on l’avoue ou non, un chemin semé d’embûches, où l’impétrant a pour pire ennemi, lui-même. Une véritable épreuve du miroir pour les âmes profanes. La tentation humaine, trop humaine, veut alors qu’on se prenne de plus en plus pour un être divin, au pouvoir surnaturel et sans limites.

Le pouvoir, par le faste et l’autorité qu’il confère, donne un sentiment de puissance qui n’est certes pas infondé. On a sous ses ordres les armées, les administrations, les institutions étatiques, les grands corps constitués de la nation, les Ordres nationaux, la mémoire nationale. Les plus hautes fonctions de l’Etat sont éminemment gratifiantes pour l’égo, dont la plus naturelle des tendances est la volonté de puissance que thématisait Nietzsche. Mieux encore, la baisse de vigilance devant la montée de ce sentiment, que les glorioles du palais et les honneurs officiels dopent, conduit de l’idée de toute-puissance à celle de l’impunité.

Et alors, bonjour les dégâts. L’arbitraire prend le pouvoir à tous les étages institutionnels. Le Chef de l’Etat se mue en fief de l’Etat. Le président de la république devient un résident de la république. L’Etat, chose publique, dévouée au service de la communauté nationale, en vertu des termes intangibles de la constitution, devient comme un tas de dépouilles d’une immense razzia, la chose privée d’un homme et de son clan. Et alors, commence la descente aux Enfers du pays…

Toutes les dérives politiques des élites africaines tournent autour des crises du leadership national confronté à l’argent, au sexe, au pouvoir et à la gloire. Ces quatre idoles, transformées en fin en soi, deviennent les obstacles à l’éclosion d’une vraie politique nationale.

Derrière bien des grands discours dont ils se gargarisent volontiers, beaucoup de politiques sont des angoissés de la caisse, des obsédés de l’accumulation compulsive de capitaux.

Loin de se focaliser sur le changement social, économique, culturel et politique dont leurs millions de concitoyens ont urgemment besoin, ils n’ambitionnent derrière moult slogans de campagne, qu’une chose : s’emparer de tous les leviers de l’économie nationale pour eux-mêmes et le clan qu’ils constituent fiévreusement en s’installant au pouvoir.

Loin de s’inquiéter d’incarner les valeurs de respect et de délicatesse dans l’égalité des genres qu’ils affichent, ils ouvrent le champ à une vaste prédation sexuelle dans leurs pays, l’ambition étant de tenir en respect autant de consciences que de croupes.

Loin de travailler à renforcer les institutions démocratiques de haute lutte conquises par leurs peuples, ils s’installent au pouvoir avec des plans d’encapsulement de la justice, d’embastillement des consciences résistantes, d’avilissement des élus de la nation, de diabolisation, voire d’élimination de la pensée critique dans leurs espaces publics.

Loin d’apporter leur pierre de touche à l’émergence d’une mémoire nationale positive, susceptible de nourrir les rêves constructeurs de leurs concitoyens, ils s’opposent ostentatoirement aux politiques du pardon et de la réconciliation, déterminés qu’ils sont à garder les peuples dans les chaînes de la haine instrumentalisée contre l’Autre, l’étranger, le pauvre, le malade, le faible, l’orphelin, la veuve, le vieillard et l’enfant.

Et puisque l’argent est, dit-on, le nerf de toute guerre et le sang de l’organisme social, toute cette dérive du leadership africain tourne autour de la mécompréhension de la fonction des budgets de souveraineté mis à la disposition des Chefs d’Etat. Ces lignes des lois de finances, qui confèrent au Chef de l’exécutif national des sommes colossales- bien souvent des milliards en monnaies africaines – dont il décide de la gestion tout au long d’une année budgétaire, sont-elles pour autant dédiées au libre caprice des tenants de nos palais présidentiels ? IL convient d’abord de savoir ce qu’est la souveraineté. Voici ce que nous en dit un expert de l’Université canadienne de Sherbrooke :

« Pouvoir suprême reconnu à l’État de faire ses lois et de les mettre en pratique. La souveraineté d’un État implique l’exclusivité de ses compétences législatives, exécutives et judiciaires. Concept qui signifie aussi État indépendant. Un État souverain s’oppose ainsi à une colonie qui n’a pas le contrôle exclusif de son territoire. La décolonisation qui a marqué les années 1960 a donné lieu à la création d’États souverains.

La souveraineté peut appartenir au peuple ou à un monarque. Le plus souvent, la souveraineté est assumée par des représentants ou titulaires du pouvoir politique.

La souveraineté d’un État ne doit pas être confondue avec l’autarcie économique ou l’isolement diplomatique. Un État souverain peut conclure des ententes, des traités et être inséré dans des ensembles plus vastes. Il garde cependant sa souveraineté en autant qu’il a le pouvoir suprême de s’en détacher ou s’en dissocier librement en acceptant évidemment les conséquences économiques ou financières de cette rupture.

Dans la pratique, la souveraineté des États est érodée par les processus de mondialisation économique, culturelle et politique. La libre circulation des individus, des capitaux et des idées oblige aujourd’hui les États à tenir compte des contextes régionaux et internationaux dans lesquels ils sont insérés. »

Et l’on peut alors comprendre ce qu’est un budget de souveraineté en république. La souveraineté appartenant au peuple, les fonds de souveraineté doivent être utilisés pour l’aide au peuple. Ce n’est pas l’argent du Chef de l’Etat. Rien à voir avec son salaire. IL ne peut même pas y puiser pour faire des dons ! C’est l’argent du seul souverain en république : le peuple. C’est le souverain qui autorise ses représentants à gérer de tels fonds exceptionnels pour mieux servir les populations. Le budget de souveraineté est donc un acte légal, en contexte de respect des normes, accompli sous l’autorisation parlementaire et sous contrôle parlementaire.

Il permet d’allouer par vote, des fonds de souveraineté à certaines institutions de la République. IL s’agit notamment d’une partie des ressources financières nationales que la loi de finances alloue au pouvoir exécutif pour son fonctionnement optimal au service du peuple, seul et unique détenteur de la souveraineté républicaine. Dès lors que de telles ressources sont allouées par la loi, il s’en suit que les Parlementaires, en démocratie bien sûr, ont tout pouvoir pour en contrôler les affectations, l’usage et les modifications, qui peuvent ensuite être requalifiées dans le cadre d’une loi rectificative de finances, en fin d’exercice budgétaire.

Comment Jacob Zuma s’est-il donc comporté en pleine république ? Voyons ce cas d’école.

Franklin Nyamsi

Professeur agrégé, Philosophe, Ecrivain, Intellectuel engagé pour la démocratisation de l’Afrique et l’enracinement de la citoyenneté cosmopolitique.

https://blogs.mediapart.fr/franklin-nyamsi/blog/

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