Édition du 12 mars 2024

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Canada

La politique et non la question de l’image devrait être la préoccupation centrale du chef du NPD

Le Caucus socialiste du NPD est un groupe de membres du parti qui croient que, dans le but de survivre, le Nouveau Parti démocratique doit se tourner vers la gauche et rejoindre les travailleurs et les travailleuses canadien-nes et leurs allié-es dans la lutte pour le socialisme, la démocratie et la liberté.

|Traduction PTAG

tiré de Turn Left/Virez à gauche, journal du Caucus socialiste du NPD

Fondé par des membres du NPD à Toronto en 1998, nous croyons que la lutte pour la paix, les droits des femmes et la durabilité de l’environnement est essentielle à la création d’un monde meilleur. Le Caucus socialiste estime que le NPD doit devenir plus démocratique et permettre une plus grande participation et un débat de la base au sommet dans le parti et aux congrès., hiver 2018

La lune de miel a pris fin en un temps record. La grande presse qui a ouvertement soutenu Jagmeet Singh contre ses ternes rivaux à la direction du leadership néo-démocrate s’est détournée de lui dans les semaines qui ont suivi son triomphe le 1er octobre. Une vague de critiques médiatiques injustes a rapidement cédé la place à un désintérêt étudié.

Singh a été injustement choisi pour commenter l’attentat contre Air India - qui a eu lieu lorsqu’il n’avait que six ans. Il a été réprimandé pour ne pas avoir cherché immédiatement à obtenir un siège au Parlement. Et puis, le NPD a fait très piètre figure lors des six élections partielles tenues le 11 décembre. Il se situe maintenant à seulement 17% dans les sondages d’opinion.

Singh a prononcé un discours émouvant au congrès du NPD de Colombie-Britannique, mais a par la suite esquivé la décision concernant le barrage du site C [1] Il a été presque muet sur une vague croissante de questions incluant l’avenir de l’ALENA, la rébellion contre la fraude électorale au Honduras, les attaques de Trump contre la Palestine sur le statut de Jérusalem et l’approvisionnement en armes létales du régime réactionnaire de Kiev. Même sur l’évasion fiscale des riches et des puissants, y compris par le ministre libéral des Finances, Bill Morneau, Singh a été doublé par les conservateurs Andrew Scheer et Pierre Poilievre.

Le problème maintenant n’en est pas un d’image ni de moment propice ni de tactiques électorales. Il est politique. C’est le manque de politiques audacieuses et l’absence d’action directe.

Rappelons que Jagmeet Singh était le plus conservateur des quatre aspirants qui ont participé à la dernière course à la chefferie. L’aspect politique de sa victoire était son ouverture et sa fierté en tant que membre d’une minorité raciale articulée et en quête d’équité.

Avocat de Brampton, en Ontario, âgé de trente-huit ans, il est le premier homme de couleur à diriger un important parti politique canadien. L’importance de cette situation est évidente, bien avant l’entrevue de Terry Milewski à la CBC, quand il a été confronté à une raciste à Peel qui l’a absurdement ridiculisé parce qu’il était musulman. Singh a répliqué en répétant simplement les mots "Nous vous aimons. Nous vous soutenons".

Les professionnels de la communication des médias bourgeois en ont remis. La vérité est que le racisme et le fascisme naissant doivent être contrés en insistant sur la nécessité de l’unité de la classe ouvrière contre le système qui engendre le racisme, et en mettant en oeuvre des actions de masse pour écraser les racistes. Mais pour établir des politiciens de carrière, ce n’est pas « cool ».

Singh a vaincu ses adversaires avec succès pour la direction et le leadership du NPD en recrutant habilement dans son vaste réseau social. Son élection a permis de renforcer le mouvement du parti vers le centre, la facilité de séduction, et la volonté de battre les libéraux à leur propre jeu. Les costumes tailleurs sur mesure et son engagement public n’ont pas réussi à contrer les « pauses étincelantes » de Justin Trudeau, héros du autoégoportrait.

C’est une orientation perdante pour le NPD de rivaliser avec Justin dans la politique spectacle lorsque la base du NPD et la classe ouvrière ont besoin d’un changement de système, et non d’un autre concours de personnalité. Cela est particulièrement vrai lorsque la droite politique, y compris le gouvernement libéral, se dirige de plus en plus contre les droits démocratiques, tolère l’évasion fiscale criminelle, renforce l’emprise de l’impérialisme sur le monde et place le profit avant la défense de l’environnement.

Malheureusement, le candidat le plus à gauche de la direction, Niki Ashton, a raté l’occasion de présenter une plate-forme politique socialiste audacieuse, d’intégrer des militant-e-s socialistes de base dans sa campagne et de faire du parti un véhicule contre l’austérité capitaliste. Elle s’est éloignée de la voie radicale du dirigeant du Parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn.

Jagmeet Singh, ancien leader adjoint du NPD en Ontario, a été choisi contre son adversaire à la direction, le député québécois Guy Caron qui sera le leader parlementaire du NPD jusqu’aux élections de 2019. Charlie Angus, qui a été loué par le Toronto Star pour avoir « la position la plus nuancée sur les pipelines et les projets énergétiques », a été négligé. Cela signifie-t-il que Singh va s’opposer aux pipelines, et se battre pour la propriété publique et pour une transition rapide vers l’énergie verte et pour la fin de la dépendance au carbone ? Peut-être.

Mais ça prendrait énormément la pression d’en bas pour le pousser dans cette direction. Rappelez-vous, Singh a d’abord favorisé le pipeline d’Énergie Est, puis il a reculé sous la pression de Niki Ashton et des autres.

À la dernière occasion où il a cherché a obtenir une fonction publique, il s’est d’abord opposé à une éducation ouverte aux LGBTQI dans les écoles de Brampton. En tant que député provincial de l’Ontario, il a appuyé le chef Andrea Horwath lors de la Campagne électorale de 2014 en Ontario et s’est opposé à une augmentation de l’impôt des entreprises et des riches (une politique semblable à celle mise de l’avant par Tom Mulcair). Comme critique de Horwath sur les politiques de consommation, Singh n’a rien fait pour préconiser une politique publique d’assurance-automobile, une politique pourtant défendue de longue date par le NPD ontarien défendue par les députés très appréciés Mel Swart et Peter Kormos.

Pendant la course à la chefferie du NPD fédéral en 2017, Singh a stupéfié les membres quand il a fait une sortie contre l’universalité des prestations aux aînés. Il a fait une tournée infâme en Israël et il y a été accueilli par des organisations sionistes, et il a été soutenu par la responsable des Affaires étrangères du NPD, Hélène Laverdière qui est ouvertement néo-impérialiste. Sur les frais de scolarité au niveau de l’éducation postsecondaire et sur la dette étudiante, il est demeuré vague.

À son actif, Singh a une position visionnaire sur les drogues illégales. Il veut décriminaliser tous les médicaments et investir dans le traitement des abus de ces substances en tant que problème de santé.

Cependant, il n’utilise jamais le mot "socialiste" pour se décrire ; il ne propose que des changements minimes à la loi fiscale ; et il ne dit mot sur la lutte pour le contrôle démocratique de l’économie. Il est silencieux sur les affaires internes du parti, en particulier le besoin d’une plus grande démocratie.

Alors, que faire ? Le parti et la gauche syndicale devraient faire pression sur Singh pour qu’il appuie Pharma-soin, les soins dentaires, l’éducation postsecondaire, une contribution fiscale plus importante des entreprises et des super-riches, le BDS contre l’apartheid israélien et la sortie du Canada de l’OTAN, et la propriété publique, notamment dans les domaines de l’énergie, de la banque, des télécommunications et des transports.

Nous avons besoin d’un engagement à respecter le processus de nomination des candidats néo-démocrates locaux et pour que la direction fasse activement campagne pour les politiques adoptées au congrès.

Au lieu d’essayer de faire revivre une lune de miel de courte durée pour le nouveau chef, les militant-e-s de la classe ouvrière doivent chercher au congrès de février 2018, faire prendre une tonalité militante au NPD. Cela devrait être fait en faisant progresser les politiques socialistes et en exigeant que Singh mène le combat pour ce qui est à l’ordre du jour des travailleurs et des travailleuses. Il peut le faire, si nous nous unissons pour l’exiger.


[1Le barrage du site C est un projet de construction d’un grand barrage hydroélectrique sur la rivière Peace, près de Fort St. John, dans le nord-est de la Colombie-Britannique, au Canada. Ce projet a suscité une opposition considérable de plusieurs groupes en raison de l’inondation planifiée des terres agricoles, du manque de soutien de certains groupes des Premières Nations et des propriétaires fonciers locaux , du coût élevé du projet et de son coût pour l’environnement.

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