Édition du 12 mars 2024

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Environnement

« Laissons le pétrole dans le sol, le charbon dans la mine, et le bitume dans les sables ! »

(Nnimmo Bassey, écologiste africain de renommée internationale)

Traduction française de « Leave the oil in the soil, the coal in the hole and the tar sand in the land », verset tiré de son poème I Will Not Dance To Your Beat (1) que Nnimmo Bassey a lu lors de la cérémonie d’ouverture de la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique, tenue à Cochabamba, Bolivie le 20 avril 2010.

Un groupe de nigérians, dont le pays est le théâtre de désastres écologiques fréquents, au moins 300 marées noires causées par le déversement de pétrole brut chaque année, donne de l’espoir au mouvement pour la justice climatique. Appuyés par Nnimmo Bassey, militant écologiste de renommée mondiale, et l’ONG Les amis de la Terre, des paysans du delta du Nigeria ont gagné le 30 janvier dernier à La Haye (Pays-Bas) un de leurs procès intentés contre la pétrolière Shell Nigeria pour pollution de sols et de cours d’eau. (2) Des redevances leur seront versées, un nettoyage, qui jadis fut bâclé, sera organisé et des mises au point techniques seront effectuées sur les infrastructures.

Cette victoire est le fruit d’une bataille de longue haleine et Nnimmo Bassey affirme qu’elle est un important précédent à de futures poursuites judiciaires contre les pétrolières et les compagnies polluantes. Dorénavant, nous dit-il, les multinationales pourront être tenues responsable dans leur pays d’origine pour les malversations de leur filiales à l’étranger. Ainsi, la multinationale Shell, dont le siège social est à La Haye, est reconnue coupable par un tribunal néerlandais des actions préjudiciable à l’environnement commises par sa filiale au Nigeria. Cette percée ouvre la porte à toutes sortes de possibilités légales pour des villageois nigérians confrontés à l’incurie proprement criminelle des grandes pétrolières tel que Chevron, Exxon ou Total, mais au premier chef de Shell, qui exercent un énorme pouvoir sur le gouvernement et les militaires au Nigeria. Ainsi, les victoires remportées devant les cours nigérianes sont généralement peu ou mal appliquées par les autorités. Mais celles remportées dans les pays d’origine des pétrolières risquent de leur faire autrement plus mal.

Impliqué dans différentes causes sociales et environnementales depuis plus de 30 ans, le parcours de Nnimmo Bassey a été ponctué de grands accomplissements. Il a été particulièrement actif pour dénoncer les graves pollutions causées par la compagnie pétrolière Shell dans le delta du Niger.

Il a internationalisé ce combat, créant en 1996 l’association Oilwatch Africa (l’observatoire du pétrole en Afrique) afin de soutenir les luttes locales au Nigeria, au Tchad, au Congo ou au Ghana. En 2005 il entreprend une de ses plus importantes batailles au terme de laquelle il obtient une décision de la cour constitutionnelle de son pays natal, le Nigeria, déclarant le torchage (technique hautement polluante qui consiste à brûler les gaz naturels qui s’échappent lors de l’extraction du pétrole) illégal. Quelques années plus tard, en 2010, il reçoit le prix Nobel alternatif. Finalement, en 2012 il publie son livre To Cook a Continent : Destructive Extraction and Climate Crisis in Africa (3) dans lequel il démontre que les problématiques entourant l’exploitation des ressources naturelles et les changements climatiques affectant l’Afrique ne peuvent être dissociés de la logique néolibérale du profit maximum. Selon M.Bassey, cette logique doit être dépassée si nous voulons nous attaquer au maux de la terre et des sociétés d’aujourd’hui.
Son travail en tant que directeur général de Environnemental Rights Action au Nigéria, de fondateur de Oilwatch Africa ou de président des Amis de la Terre International (de 2008 à janvier 2013) a fait de Nnimmo Bassey une des personnalités les mieux connues du mouvement pour la justice climatique au niveau mondial (4) et un des principaux militants pour les droits humains et environnementaux.

Cet écologiste de renommée internationale sera à Montréal pour participer au Festival des solidarités d’Alternatives le 15 juin prochain. Il parlera de sa lutte constante contre les pétrolières et de la voie à prendre pour combattre les changements climatiques et assurer une justice sociale et environnementale aux plus démunis du monde.

Notes

1) Pour lire la version complète du poème : http://oilsandstruth.org/i-will-not-dance-your-beat-poem-nnimmo-bassey
Aussi disponible dans le recueil de poème « I Will Not Dance to Your Beat » publié en 2011 par Kraft Books, Nigéria.

2) Voir “Dutch court says Shell responsible for Nigeria spills”, siteweb de l’agence Reuters, 30 janvier 2013. http://www.reuters.com/article/2013/01/30/us-shell-nigeria-lawsuit-idUSBRE90S16X20130130

3) « To Cook a Continent : Destructive Extraction and Climate Crisis in Africa », Nnimmo Bassey, Pambazuka Books, Cape Town, 2011

4) Voir « Nnimmo Bassey, un écologiste contre les pétroliers ». Par Hervé Kempf, Le Monde, 28.09.2012. http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/09/28/nnimmo-bassey-un-ecologiste-contre-les-petroliers_1767332_3244.html

Par Jullien Boumard Coallier et Roger Rashi

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