Édition du 16 avril 2024

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Le G7 doit faire la lutte aux paradis fiscaux

Bien que les paradis fiscaux soient les plus grands ennemis de l’équité fiscale de ses pays membres, le G7 ne priorisera pas de les combattre lors de la rencontre qui aura lieu dans la région de Charlevoix au Canada les 8 et 9 juin.

Une des revendications majeures des syndicats qui ont manifesté pour la fête des Travailleurs le 1er mai est la lutte contre les paradis fiscaux. Les révélations en 2013 de l’Offshore Leaks, en 2014 du Luxembourg Leaks, en 2015 du Swiss Leaks, en 2016 des Panama Papers et en 2017 des Paradise Papers montrent que les fraudes fiscales sont un problème majeur des pays du G7. L’expert international Gabriel Zucman dit pour sa part que 40 % des profits des multinationales sont délocalisés dans ces paradis fiscaux.

Ce serait entre 16 000 et 24 000 milliards de dollars par an qui y transiterait selon ce professeur d’économie à l’université californienne de Berkeley. L’OCDE considère que l’évasion fiscale des multinationales fait perdre annuellement entre 100 et 240 milliards en revenus dans le monde. En Europe seulement, 1 000 milliards d’euros échapperaient au fisc de cette manière. Mondialement, ce serait plus de 8700 milliards de dollars, appartenant à une poignée d’individus, qui y auraient été cachés.

Selon OXFAM, en réglant l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux, les dirigeants du G7 résoudraient pourtant une bonne partie de leurs problèmes financiers. Dans son document « La bataille des paradis fiscaux » publié en 2016, l’organisme affirme que les grandes entreprises pratiqueraient l’évasion fiscale à un niveau industriel. Sont au banc des accusés les Bermudes, les Îles Caïmans, les Pays-Bas, la Suisse, Singapour, l’Irlande, le Luxembourg, Curaçao, Hong Kong, Chypre, les Bahamas, Jersey, la Barbade, l’Île Maurice et les Îles Vierges britanniques. Près de la moitié des sommes dans les paradis fiscaux appartiendrait à 0,01 % de la population des pays développés. Ces gens auraient en commun que leurs actifs familiaux nets dépasseraient les 50 millions d’euros. OXFAM précise à ce sujet que 62 personnes détiennent actuellement autant d’actifs que les 3,6 milliards les plus pauvres de la planète.

Le Canada qui organise cette rencontre du G7 est particulièrement touché par ce problème. En fait, une des enquêtes en profondeur qui ont été primées dans ce pays le 4 mai dernier lors de la remise des prix de l’excellence journalistique en 2017 était le rôle du Canada comme paradis fiscal pour l’élite mondiale. Les journalistes Robert Cribb et Marco Chown Oved ont révélé que le Canada permettait à de nombreux milliardaires à travers le monde de se soustraire à l’impôt. Les Canadiens auraient placé environ 300 milliards de dollars dans les paradis fiscaux.

Selon les chiffres mêmes de l’organisme officiel de statistique du pays, les investissements canadiens directs dans les paradis fiscaux ont augmenté de 100 milliards de dollars en 10 ans. La Barbade, un État de 300 000 habitants serait son troisième partenaire financier en importance. Environ 70 milliards de dollars y auraient été investis en 2016. La même année, les îles Caïmans recevaient près de 48 milliards de dollars et les Bermudes 40 milliards. Les investissements des Canadiens en 2016 dans ces pays et aux Bahamas, au Luxembourg et aux Pays-Bas auraient totalisé 263 milliards de dollars.

Le Consortium international des journalistes d’enquête (ICIJ) a révélé à ce sujet que l’ex-sénateur libéral Leo Kolber et un proche du premier ministre canadien Justin Trudeau, soit Stephen Bronfman, avaient joué un rôle clé dans une fiducie aux îles Caïmans de plus de 60 millions de dollars. Dans les années 60 et 70, l’entreprise KPMG qui a eu plusieurs contrats du gouvernement fédéral aurait aussi créé des comptes dans des pays reconnus comme des paradis fiscaux. Le gouvernement fédéral n’aurait jusqu’à maintenant condamné que les moins riches de ce groupe. La majorité des 78 jugements obtenue par l’agence de revenus du pays ne seraient que des cas mineurs qui n’auraient rien à voir avec les gens super riches. Le collectif Échec aux paradis fiscaux estime donc insuffisantes les mesures actuellement prises par le gouvernement fédéral.

L’évasion fiscale massive existe aussi au Québec où se tiendra ce G7. Le Collectif Échec aux paradis fiscaux affirmait à ce sujet le 29 mars que le budget 2018-2019 du Québec sous-estimait l’ampleur du problème. Le gouvernement prévoit récupérer près de 33,9 millions de dollars en 2019 des sommes mises dans les paradis fiscaux. Une récupération de 225 millions de dollars y est prévue sur 5 ans. Pourtant selon les chiffres mêmes du gouvernement, les paradis fiscaux feraient perdre annuellement près de 416 millions au Québécois. Ce gouvernement veut donc récupérer moins de 10 % des revenus perdus. Le rapport qu’a le Québec avec les paradis fiscaux est tellement problématique, que son gouvernement permet même à sa Caisse de dépôt et placement d’y investir massivement. Elle détiendrait environ 26 milliards de dollars d’actifs dans neuf paradis fiscaux.

D’autres pays du G7 ne sont pas innocents non plus. Le Royaume-Uni dispose du plus vaste réseau de secret fiscal au monde, avec des territoires comme les Îles Caïmans, les Îles Vierges britanniques, les Îles Turques et Caïques ou encore les Bermudes. Bien qu’il n’y ait que 28 000 habitants dans les Îles Vierges britanniques, il y a 400 000 sociétés qui y ont été enregistrées. En fait, la moitié des sociétés mises au jour dans les Panama Papers ont été enregistrées dans les Îles Vierges britanniques et les Îles Caïmans. Si en réaction aux récentes révélations, le parlement britannique vient de décider d’imposer plus de transparence à ses territoires d’outre-mer, c’est cependant une action jugée insuffisante par l’association altermondialiste ATTAC et de nombreuses autres ONG puisque les circuits financiers y resteront opaques.

Cette rencontre du G7 ne se concentrera donc pas sur le problème financier le plus important de ses pays membres. C’est celui dont la résolution aiderait tous les thèmes dont ces pays discuteront les 8 et 9 juin. Récupérer l’argent perdu dans ces paradis fiscaux permettrait plus d’investissements dans la croissance économique, de mieux se préparer aux emplois de l’avenir, promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Il augmenterait les fonds pour l’énergie propre et pour travaillée sur les changements climatiques. Comme le montrent les dernières manifestations contre le G7, lutter contre les paradis fiscaux est un pré requis à la construction un monde plus pacifique et sûr. Devraient donc être priorisées lors de cette rencontre, le redressement du taux d’imposition sur les sociétés qui est en chute libre, l’élimination des paradis fiscaux, l’imposition d’une taxe Google aux multinationales et la fin des conventions fiscales avec les pays dénoncés par OXFAM. Une réforme fiscale planétaire et l’arrêter du nivellement fiscal par le bas sont nécessaire. Le G7 devrait donc inclure le thème des paradis fiscaux dans ceux qu’il doit discuter pour montrer qu’il n’est pas au service des citoyens les plus riches de ses pays membres au détriment de l’équité fiscale.

Michel Gourd

Michel Gourd

Résident de L’Ascension de Matapédia.

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