Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Le triomphe électoral de l’uribisme et les dilemmes de la paix néolibérale

Iván Duque, candidat du Centre démocratique, parti politique créé par l’ancien président Álvaro Uribe en 2013, a remporté le deuxième tour des élections présidentielles, dimanche 17 juin, avec 10 373 080 voix, soit 54 % du total des suffrages exprimés.

Tiré d’Inprecor.org

Unité électorale des élites

Cette candidature a été soutenue dès le premier tour par une coalition de droite comprenant des secteurs du parti conservateur et des représentants des églises protestantes. Duque a obtenu 7 567 785 voix au premier tour, avec 2 803 387 suffrages de plus au second. Mais entre les deux tours, il a augmenté considérablement ses soutiens : tous les partis et les machineries politiques liées à l’establishment, y compris les pouvoirs régionaux associés aux entreprises criminelles qui continuent de garantir le contrôle territorial, ont appelé à voter pour lui. À cela s’ajoute le soutien du Conseil national des entreprises, composé des corporations commerciales et financières des villes et de la campagne les plus représentatives du pays (1). En un mot, la candidature de Duque au second tour a fait l’unité électorale de tous les regroupements d’élites dominantes et de leurs expressions politiques.

Ce consensus entre les élites a émergé dans l’urgence du moment électoral. Pendant les deux mandats du gouvernement Santos, les membres du Centre démocratique se sont opposés à la négociation politique entamée à La Havane en 2012, qui a abouti à la démobilisation des FARC. Ils ont fait valoir que les accords de paix formalisaient une supposée impunité du commandement de la guérilla et ils se sont opposés ouvertement aux transformations annoncées par ces mêmes accords dans les espaces ruraux, ainsi qu’aux changements proposés dans le système électoral et les mécanismes de représentation politique en général. Ils accompagnaient cette opposition d’un discours patriarcal et homophobe, au nom de la défense de la famille traditionnelle.

Ces arguments ont fini par leur donner la victoire lors du plébiscite début octobre 2016, en raison de la légitimité gouvernementale limitée et de l’impossibilité de former un mouvement démocratique et populaire qui accompagnerait le processus de paix à ce moment décisif. Ensuite, un nouvel accord fut signé, appelé Accord du Théâtre Colón, dans lequel la portée des sujets initialement convenus avait été réduite. De plus, sa mise en œuvre a été déficiente, car elle a été laissée à un Congrès avec des majorités parlementaires affaiblies.

Malgré cela, le bloc politique dirigé par Uribe a continué d’insister pour que les accords fassent objet d’une nouvelle révision. La candidature d’Iván Duque exprime aussi une attitude de classe. L’uribisme représente les intérêts des latifundistes traditionnels, associés maintenant à de grands propriétaires terriens qui ont tiré profit de la spoliation des paysans, produite par la guerre au cours des dernières décennies, qui, selon les calculs les plus prudents, a atteint 6 millions d’hectares. C’est la raison pour laquelle Duque plaide en faveur du « statu quo » rural, car la terre dépossédée reste entre les mains des agresseurs, de leurs prête-noms et de ceux qui s’en sont emparé en blanchissant les capitaux. Il veut également préserver les exemptions fiscales de ces derniers, au point de s’opposer à la modernisation des cadastres. C’est pour cette raison qu’Álvaro Uribe, à la fin de son mandat, alors que les équilibres de la mise en œuvre du Plan Colombie dans les sphères gouvernementales nord-américaine et colombienne annonçaient le triomphe militaire des forces officielles et une transition possible vers la négociation politique, a maintenu la thèse de l’inexistence du conflit armé. Car accepter le contraire ouvrait la discussion sur le retour des déplacés des campagnes et l’indemnisation des victimes sur les lieux du conflit.

Le gouvernement Santos exprimait les intérêts des groupes financiers. Dans les zones rurales, il a trouvé dans le processus de pacification un mécanisme visant à légitimer l’intensification de l’agro-industrie en recherchant des transformations pouvant faire partie d’une « rationalité modernisatrice », à l’heure où le capital transnational l’exige. Les institutions financières internationales, en particulier la Banque mondiale, ont déclaré que la Colombie est l’un des rares pays où il existe encore des espaces pour des investissements agricoles, tandis que le commerce international des matières premières et des denrées alimentaires, de même que le segment des « marchandises » sur le marché des capitaux, continue de croître. En 2011, il a réussi avec les majorités parlementaires qui l’accompagnaient à faire adopter une loi sur les victimes, qui n’a pas été réellement appliquée (2). Puis, lors des négociations à La Havane, il a reconnu la formalisation des propriétés des colons dans les zones où les FARC avaient leur base sociale, et la création d’un fonds foncier de 3 millions d’hectares à distribuer aux paysans sans terre et aux communautés ethniques dans diverses régions du pays (3). En plus de légitimer les accords, la conception du gouvernement Santos visait à favoriser la consolidation du contrôle entrepreneurial des territoires en ouvrant des opportunités commerciales aux grandes entreprises associées aux chaînes de production transnationales (4). La reconnaissance formelle de la propriété du petit producteur agricole est devenue une condition indispensable pour l’intégrer dans un marché rural où la production des fermes représente une petite partie de la chaîne de valeur dans une agriculture mondialisée.

Mais ces contradictions entre les élites ont fait place à un front électoral de « ceux qui se trouvaient au sommet », face à la possibilité qu’une personne extérieure à l’establishment prenne la présidence de la République.

L’uribisme triomphe électoralement une fois de plus

Tout au long de sa campagne présidentielle Iván Duque n’a rien fait que répéter la recette qui a permis à l’uribisme de remporter le plébiscite devant ratifier le résultat des négociations politiques à La Havane. À cette occasion, il a également utilisé la crise au Venezuela qui affecte le pays avec ses migrations frontalières, alors que les migrants sont mis en concurrence entre eux pour des bas salaires dans les villes. La crise au Venezuela a également servi la campagne de Duque pour effrayer les classes moyennes sous prétexte qu’elle était le résultat d’une politique étatique expropriatrice, dont il se présentait comme l’opposant le plus féroce. Dans son discours de campagne, il a ajouté l’engagement de se conformer aux réformes exigées par le grand capital pour toute la région, par le biais des institutions financières internationales et des agences de notation, telles qu’une réforme régressive du système des retraites, des réductions de la fiscalité des entreprises et une plus grande flexibilité du travail, qui synthétisent une nouvelle phase d’approfondissement du néolibéralisme.

Les 10 373 080 votes obtenus par Duque au second tour signifiaient son triomphe dans 24 des 32 départements. Il a également gagné dans 18 villes – soulignons le cas de Medellín – mais a perdu à Bogotá et dans des grandes villes telles que Cali, Barranquilla et Cartagena. Il a également perdu dans la zone géographique du plus grand conflit social de ces dernières années, la ceinture du Pacifique au sud-ouest du pays. C’est dans le département d’Antioquia, où Duque a obtenu un total de 2 537 361 voix, que son score a atteint le sommet, confirmant que cette région continue d’être le bastion de l’uribisme. Un département traditionnellement conservateur et religieux par ses coutumes, dans lequel l’uribisme a réussi à imposer à la suite de la guerre un ordre social para-étatique dans certaines régions (cas d’Urabá). Les votes pour Duque ont été également importants dans les départements de la zone orientale, limitrophe du Venezuela. Un autre fait marquant a été le vote dans les régions productrices de café, dans lesquelles un nombre important d’électeurs sont issus des classes moyennes urbaines et rurales associées à la production et à l’exportation de café et dont les traditions culturelles sont également conservatrices. Au premier tour, le 27 mai, Sergio Fajardo (5) avait été en tête dans cette région. Fajardo était candidat de l’Alliance verte en coalition avec un secteur du pôle démocratique alternatif mené par le MOIR (6). L’Alliance verte, qui agit formellement comme un parti politique mais qui est un amalgame de groupes aux frontières politiques diffuses, faite sur mesure par les classes moyennes, a présenté sa campagne au nom du « centre politique » en obtenant 4 500 000 suffrages. Dans le cas des zones caféières, les votes de Fajardo se sont tournés vers Duque, en dépit du fait que des membres de la direction de l’Alliance ont soutenu Gustavo Petro (7). La même chose ne s’est pas produite à Bogotá, où cet accord a connu une croissance de près de 700 000 voix.

Le triomphe uribiste officialise un système électoral arriéré, sans vote électronique, sans financement étatique et vertébré autour d’un Conseil électoral avec des fonctions administratives, contrôlé par les hommes politiques traditionnels. Ce système permet le fonctionnement impuni des réseaux clientélistes et le flux incontrôlé de fonds licites et illicites pour soutenir les partis et leurs candidats occasionnels. Cet argent provient de sources diverses. En premier lieu, du lobby des grandes entreprises, intéressées à obtenir des concessions de l’État, ce qui a fini par internationaliser la corruption – l’affaire Odebrecht est paradigmatique à ce titre (8). Deuxièmement, ils proviennent de la corruption associée à l’exercice de la politique. Les statistiques officielles reconnaissent elles-mêmes qu’environ 10 milliards de dollars du Trésor public disparaissent ainsi chaque année. En troisième lieu, de la circulation non réglementée de l’argent du narcotrafic (9).

Il faut ajouter que le fonctionnement du trafic de drogue du XXIe siècle est différent des périodes précédentes. Pour continuer d’élargir le circuit de ses affaires au milieu des facilités que lui octroie la globalisation financière, il a fini par évoluer vers le pouvoir politique conventionnel, et agir comme une fraction du capital : « Le trafic de drogue ne représente déjà plus seulement l’illégalité et n’opère plus en dehors de tous les cadres établis par la loi, mais, dans le cadre d’un modèle mafieux, il a capturé le système politique et économique et s’est renforcé grâce aux structures des entreprises conventionnelles. » (10)

Cet accès au pouvoir politique dans le cas colombien a été facilité par la guerre civile, qui a conduit à l’alliance entre groupes de trafiquants et forces militaires dans la mise en œuvre de la politique contre-insurrectionnelle (11), à l’émergence de paramilitaires régionaux, à l’appropriation par des entreprises mafieuses des rentes et du patrimoine public, à l’appropriation des terres par le déplacement des populations, au blanchiment de capitaux, à la prise de contrôle des rentes extractives – en un mot, par la consolidation d’une forme d’accumulation criminelle du capital qui a trouvé dans les partis traditionnels et dans l’ancien système électoral le moyen d’accéder aux espaces nationaux de décision (12). Depuis son arrivée à la présidence en 2002, Álvaro Uribe a réalisé la centralisation politique de ces pouvoirs cristallisés dans le conflit. En même temps, Uribe a été un fervent défenseur du grand capital et un architecte de l’application des réformes néolibérales. Au cours de son mandat, il a satisfait aux exigences de l’accord élargi signé par la Colombie avec le FMI en 1999, a augmenté les exonérations fiscales pour les grands entrepreneurs et a organisé les subventions de la production et des prix de vente des secteurs agroalimentaires qui se sont tournés vers les agrocombustibles (canne à sucre et palmier à huile), tout en impulsant une réforme du travail qui réduit les droits des travailleurs. Pour toutes ces raisons, Uribe s’attire en même temps le soutien de la « classe politique émergente » et celui des groupes entrepreneuriaux ainsi que de leurs expressions partisanes. Cette hybridité politique a été exprimée lors des élections depuis sa première arrivée à la présidence.

La campagne oppositionnelle de Gustavo Petro

Gustavo Petro a mené une campagne basée sur la dénonciation des formes traditionnelles de la politique, de la corruption, du clientélisme, du paramilitarisme, qu’il dénonçait depuis qu’il était parlementaire. Ce type de campagne lui a valu le soutien d’un spectre multiclassiste de l’opinion démocratique, incluant la quasi-totalité du mouvement social, les syndicats, les organisations paysannes et ethniques, la majorité de la gauche et même des couches moyennes et des élites, surtout leur frange jeune. La récupération de la place publique a été un aspect clé de cette campagne. Sa croissance dans les sondages et l’audience obtenue n’auraient pas été possibles avant la négociation de la paix avec les FARC. Car la paix a neutralisé la stigmatisation menée pendant des décennies par les porte-parole de l’establishment contre l’opposition politique. On peut l’affirmer, malgré le fait que les FARC ont eux-mêmes payé le prix de l’opinion publique défavorable, qui les a réduites à 50 000 voix lors des élections législatives (ce qui a précipité l’abandon de leur candidature à la présidence).

Le programme exposé par Petro respectait les règles du jeu du néolibéralisme. Avant le premier tour des présidentielles, à la question d’un journaliste du quotidien El Tiempo, « Pourquoi votre candidature suscite-t-elle des craintes auprès des grands hommes d’affaires du pays ? », il a répondu : « La semaine dernière, j’ai eu une réunion efficace avec le Conseil national des entrepreneurs ainsi que d’autres rencontres avec des fonds d’investissement, des agences de notation internationales et le Fonds monétaire international. Un climat de confiance s’est instauré autour de la stabilité de la politique monétaire et de l’autonomie de la Banque de la République, comme de la gestion de la fiscalité. Ainsi qu’une meilleure compréhension du besoin urgent de préparer le pays à l’épuisement du pétrole avec plus d’agro-industrie, de métallurgie, de services intelligents et de tourisme. L’économie productive que nous proposons sera étatique à 20 % et d’initiative privée à 80 % » (13).

L’élargissement de ses alliances aux membres de la direction du Parti vert l’a contraint à réduire encore le contenu programmatique de sa candidature. Il s’est engagé à respecter sans aucune objection la propriété privée, les réglementations budgétaires (paiement régulier de la dette) et les institutions en vigueur (14).

Le but de son programme était fondé sur le développement du capitalisme qu’à son avis les latifundistes et les élites rentières et mafieuses bloquent : « Nous proposons d’évoluer vers un modèle qui transforme la Colombie en une puissance agraire et environnementale et permet le développement intégral de l’industrie », expliquait-il (15). Pour se différencier du prétendu soutien du gouvernement vénézuélien, dont ses adversaires l’accusaient durant la campagne, il a insisté sur la nécessité de réduire l’extractivisme : Nous proposons le contraire de ce qui se fait aujourd’hui à la fois au Venezuela et en Colombie (...). Les latifundios et l’extraction des ressources que le hasard géologique nous a laissées ne génèrent que des rentes, pas des profits productifs, car les minéraux, le charbon et le pétrole ainsi que la terre ne sont pas un processus productif, ils sont simplement là. » Pour remplacer l’économie extractive, il proposait une transition énergétique sous les paramètres du « capitalisme vert ». Cette proposition avait des antécédents. Lorsqu’il était maire de Bogotá, il a sans succès tenté de modifier le système de transport de la ville avec le soutien du groupe patronal-gouvernemental représenté dans ce secteur par la Fondation Clinton (16). Lors du sommet COP21 tenu à Paris, il a assisté à une réunion parallèle des maires d’Amérique latine au cours de laquelle il a critiqué les conclusions, qui accordent une marge de manœuvre aux groupes financiers sans qu’ils fassent des efforts collatéraux. Il a proposé alors l’application de la taxe Tobin pour créer un Fonds d’investissement vert (17).

Dès le début de sa campagne présidentielle, il a insisté pour que la compagnie pétrolière nationale, Ecopetrol, se dote d’un budget d’investissements orienté vers l’utilisation des énergies renouvelables, financée en partie par les redevances (18). Il a proposé l’utilisation de panneaux solaires dans les maisons. Mais ses priorités de substitution n’ont pas été jusqu’à envisager l’élimination éventuelle des barrages – qui provoquent des dommages considérables à l’environnement ainsi que le déplacement des populations dans tout le pays. Il a fini par accepter qu’ils soient réduits à des investissements à petite échelle. Il n’a pas non plus réussi à formuler une garantie des modifications énergétiques dans l’industrie, pas plus qu’il ne s’est exprimé sur la relation entre la consommation et la production de l’énergie.

L’autre objectif économique sur lequel il a insisté, le présentant comme une alternative à l’extractivisme, était l’agro-industrie (19). « La productivité à la campagne nous conduit à l’agro-industrie, c’est-à-dire à l’augmentation de la valeur ajoutée des produits de l’agriculture. Chaque municipalité colombienne pourra devenir agro-industrielle si les champs sont productifs… » (20) Pour pouvoir la développer, il a proposé un exercice distributif préalable du fait de la concentration des terres et de leur gaspillage par l’élevage extensif (21). À ce stade, il a insisté sur le fait qu’une telle distribution ne serait pas faite par des expropriations mais par l’augmentation des charges fiscales. Au paysan, il promettait de l’éloigner de la pauvreté et de la prolétarisation à travers les mécanismes d’associativité et de coopérativisme qui, dans le contexte de l’augmentation de la productivité, en feraient des agriculteurs (farmers) : « Développer un domaine productif et démocratique, qui transforme le paysan en agriculteur et en citoyen est l’une des tâches les plus urgentes que nous entreprendrons… » (22). En outre, cet objectif ne s’appliquait pas uniquement à la campagne, il était général. « Ce que nous voulons, c’est nous tourner vers des millions de Colombiens entrepreneurs et surtout prioritairement les femmes et les jeunes. Et non, comme le prétend le faux discours de la classe politique, d’attendre des grands hommes d’affaires colombiens ou étrangers qui n’arriveront jamais… » (23)

L’engagement en faveur du développement du capitalisme nécessite évidemment des investissements en capital, ce qui rappelle les débats obsolètes des bourgeoisies de la région pendant la période de substitution des importations. « L’industrialisation intégrale, c’est le développement des trois secteurs de l’industrie, à savoir les biens de consommation non durables et durables, les biens intermédiaires, les produits chimiques et autres, et les capitaux. Sans ses derniers, tout le reste échoue… » (24)

En ce qui concerne la manière d’obtenir les ressources financières pour mobiliser ces transformations économiques, Petro a proposé d’éliminer les exonérations fiscales (25) des grands entrepreneurs et de renforcer les contributions aux Colpensiones, le système public des retraites (26), contrairement aux propositions des dirigeants des fonds de pension et de la technocratie néolibérale.

Pour synthétiser, le programme de la campagne « Petro Presidente » était un programme libéral développementiste, comprenant des réformes ponctuelles dans le cadre du néolibéralisme, un programme ignorant la nouvelle division internationale du travail dans laquelle les investissements industriels en Amérique latine ont été relégués à un niveau secondaire ; ignorant également le fonctionnement de la mondialisation financière qui a permis aux groupes financiers transnationaux de contrôler la richesse – un contrôle exercé au travers du marché des capitaux où l’argent de la mafia circule en toute impunité. De toute évidence, ce programme est irréalisable dans les conditions actuelles d’accumulation de capital.

Cependant, en attaquant les latifundia improductives, y compris celles qui résultent de la dépossession, et en s’opposant à la circulation des rentes d’extraction et financières, il s’est affronté aux fomenteurs de la guerre civile et a encouragé les aspirations démocratiques. C’est la raison pour laquelle le mouvement social organisé s’est mis à sa disposition. C’est un mouvement social divisé, vaincu par la terreur étatique et par les politiques néolibérales, sans capacité d’expression propre, qui a trouvé dans cette campagne une possibilité de changer l’état actuel des choses, alors que paradoxalement le candidat insistait sur le respect des règles du régime social en vigueur afin de ne pas intimider les classes moyennes, qui constituent un juteux butin électoral.

Les enjeux idéologiques faisant également partie du rapport des forces sociales, le néolibéralisme a fini par imposer son hégémonie. Les interprétations du fonctionnement de la société et de la politique, des sujets telles que le droit au travail, la politique distributive, la souveraineté, les droits des peuples semblent relégués au passé. Ils ne font pas partie du débat public. C’est l’un des signes de cette époque.

Le mouvement électoral qui s’est formé autour de Petro a fini par être un mouvement pluriclassiste et amorphe (27) autour d’une sorte de caudillo qui exprimait le mécontentement social combiné à la lassitude de larges couches de la population face aux formes traditionnelles de domination politique et à la corruption généralisée qui infecte les trois pouvoirs. Ce mouvement électoral comprend des organisations féministes, de jeunesse et de protection des animaux présentées par Petro comme les « nouvelles citoyennetés ». Il exprime également l’intérêt de se débarrasser des séquelles de la guerre et des polarisations qu’il ne comprend pas. De telles expressions politiques, malgré leurs limites, ne sont pas méprisables dans un pays qui a ouvert une transition politique après des décennies de guerre civile. Cela confirme qu’il existe des possibilités de former des coalitions politiques et sociales dans la perspective de canaliser cette opinion démocratique élargie vers des propositions alternatives qui affronteraient le régime dominant.

La remise en cause par la campagne « Petro Presidente » des latifundia improductives et de ceux qui vivent des rentes extractives et financières a aussi produit un resserrement des rangs des élites dominantes, après le premier tour de la présidentielle. Les contradictions concernant la propriété et l’usage des terres dans un monde globalisé ont cédé la place à la préservation des intérêts majeurs – la préservation de leur ordre économique et de leur domination politique. En ce qui concerne l’ordre économique, il faut noter que l’accumulation du capital comprend le blanchiment de l’argent de la mafia par les réseaux invisibles du système financier. En même temps, la stabilité macroéconomique dépend des investissements extractifs, qui permettent d’obtenir des recettes budgétaires et représentent l’essentiel des exportations, équilibrant la balance commerciale et répondant aux exigences du capital mondialisé. Tenter autre chose serait du point de vue de ces élites un « saut dans le vide ». En ce qui concerne la domination politique, toutes les élites s’accordent sur la nécessité de poursuivre la terreur d’État. Si l’application de ce type de régime leur a permis de gagner la guerre civile et aussi de mettre la résistance populaire au pied du mur, pourquoi l’abandonner ? Un gouvernement qui ne ferait pas partie de cette tradition élitiste, quel que soit son talent discursif, constitue à leurs yeux un risque inutile, surtout s’il génère des attentes dans la population.

Une paix au service des grands entrepreneurs

Après la défaite du plébiscite qui devait approuver les accords signés à La Havane, une nouvelle négociation a eu lieu et s’est achevée par les « accords du Théâtre Colón ». Dans cette seconde version, le bloc politique dirigé par l’uribisme a obtenu des modifications considérables.

Ainsi, en reconnaissance du rôle de premier plan joué par la plupart des évêques catholiques et des dirigeants des églises protestantes dans la campagne, la famille – « noyau fondamental de la société » (28) – a été incluse dans le droit des peuples, alors que la reconnaissance des droits de la population LGBT a été écartée.

D’un autre côté, dès le début des dialogues à La Havane il était évident que le point central des négociations était l’intégration aux institutions nationales des territoires périphériques qui ont enduré le conflit. Dans les accords de La Havane, cette référence était incluse dans le critère de « l’approche territoriale » (29), qui introduit une politique d’ordonnancement territorial au profit de corporations (« clusters ») d’entreprises commerciales dans le monde globalisé. Lors de l’élaboration des mécanismes de mise en œuvre, un mécanisme bilatéral a été convenu dans la prise de décision entre le gouvernement et la guérilla sur un large éventail de sujets allant de la conception des plans de développement territorial à la sélection des bénéficiaires des programmes locaux. Le document signé au Théâtre Colón a ajouté à ce bilatéralisme l’approbation des autorités locales.

L’inclusion de questions relatives à la politique agraire nationale était un élément clé de la négociation à La Havane. Pour le gouvernement Santos, il était important de légitimer davantage l’agro-industrie dans l’après-guerre, lorsque, selon les statistiques officielles, l’exportation des hydrocarbures entamera son dernier cycle en 2022. Pour les FARC, la reconnaissance formelle de la propriété terrienne des colons qui sont sa base sociale et l’octroi simultané de « biens publics », tels que les routes, l’assistance technique, les services publics à domicile et les services sociaux, ainsi que le remplacement des « cultures à des fins illicites » sans répression, constituaient une priorité. De ce fait la formule de l’accord reconnaissait que « le développement intégral de la campagne dépend d’un équilibre adéquat entre les différentes formes de production existantes – l’agriculture familiale, l’agro-industrie, le tourisme, la grande agriculture commerciale… » Dans la version du Théâtre Colón, c’est l’importance des investissements patronaux et de la production à grande échelle de l’économie paysanne qui est mise en avant (30). Par ailleurs, rappelons que, dès la première rédaction de l’accord, l’assistance technique intégrait les OGM (31).

Pour promouvoir les investissements à la campagne, la question de la propriété des terres, formellement reconnue dans l’ensemble du territoire national, est essentielle. Or, « 54,3 % des domaines ruraux du pays sont exploités sans titre de propriété » (32), faisant partie des terres dépossédées ainsi que des appropriations des friches (33) par les latifundistes et les entrepreneurs ruraux. Sans une « garantie juridique » il n’y a aucune chance d’attirer des grands investisseurs agricoles. Les normes concernant la restitution des terres aux victimes, négociées en 2011, se sont avérées être un échec fracassant. L’accord prévoyait la création d’une juridiction agraire qui n’a jamais vu le jour.

Les autres modifications apportées au Théâtre Colón sont l’inclusion des autorités locales dans la mise en place du cadastre rural ainsi que la limitation de la formation des Zones de réserve paysanne, sur lesquelles les FARC avaient mis l’accent (34).

Au niveau de la participation politique, 10 parlementaires ont été octroyés aux FARC (5 au Sénat et 5 à la Chambre), ainsi que le statut juridique de parti politique et l’accès au financement par l’État. La possibilité d’accorder 16 districts, appelés « circonscriptions de paix », dans les 16 zones les plus touchées par la guerre a été ouverte – afin que les organisations sociales puissent avoir accès à une représentation parlementaire.

En ce qui concerne la Justice de paix spéciale (JEP), reconnue comme une forme de justice transitionnelle des crimes commis dans le conflit à la fois par les guérilleros et par les responsables de l’État, les deux parties avaient déjà accepté la rupture de la chaîne de commandement pour les guérillas ainsi que pour les forces armées et le jugement symétrique des responsabilités (35). Pour résoudre ce problème, restait en suspens la question de ceux qui ont financé la guerre. Elle a été reportée jusqu’à l’approbation du Congrès. C’était le grand triomphe de ceux qui ont réussi à rejeter le plébiscite : laisser au Congrès l’essentiel de la mise en œuvre des accords, après le référendum.

Le Congrès et la Cour constitutionnelle ont ainsi éliminé la responsabilité de ceux qui ont financé la guerre, décidant que ces derniers ne peuvent pas être contraints de se présenter devant ce tribunal (36).

Le bilan du Congrès en ce qui concerne l’adoption des règlements qui lui étaient demandés et la mise en œuvre des accords du Théâtre Colón est déplorable. Il contraste avec la réalisation de l’accord par les FARC, qui ont concentré les guérilleros dans les zones définies et qui ont livré leurs armes le 27 juin de l’année dernière dans la municipalité de Mesetas, département de Meta. La négligence au Congrès des élus de la majorité, contrôlée par le gouvernement, a été évidente.

Conformément aux accords, des projets de loi ont été soumis à l’approbation du Congrès à partir de la session ordinaire de mars 2017. Voici les résultats :

1. En ce qui concerne les changements du régime des partis et de la représentation politique, le projet de loi contenant les « circonscriptions de la paix » a été classé. Parallèlement, le gouvernement a mis en place une mission électorale spéciale composée d’universitaires et de professionnels ayant une expérience dans le domaine pour présenter des propositions à la législature. Lors des sessions ordinaires du second semestre 2017, ces propositions ont été rejetées par le Congrès.

2. En ce qui concerne la question rurale, le projet visant la récupération des terres dépossédées n’a même pas été présenté ; celui qui officialise le cadastre général a été juste communiqué, de même que l’adjudication des friches dans les Zones de réserve forestière.

3. En matière pénale, le projet de traitement différencié des petits producteurs et productrices de coca n’a pas non plus été présenté ; la soumission à la justice des gangs criminels n’a pas été approuvée en séance plénière ; quant au projet de loi réglementant la procédure de la JEP, s’il a été approuvé jusqu’à la semaine dernière, compte tenu des résultats des élections présidentielles, l’uribisme a réussi à y inclure une Cour spéciale pour le jugement des militaires, afin de leur garantir une plus grande impunité.

4) En ce qui concerne les engagements économiques, la modification du système de redevances nationales n’a eu aucune présentation et celle qui a modifié la loi du plan a été approuvée (37).

Pendant ce temps, le gouvernement Santos a concentré ses efforts sur l’achèvement de la conception institutionnelle de ce qui peut être qualifié de « paix entrepreneuriale », une paix qui élargit la marchandisation des territoires et du sous-sol au profit du grand capital. Depuis la publication du plan de développement au début du deuxième mandat, les Projets d’intérêt national stratégique (PINE) étaient des mécanismes institutionnels conçus pour favoriser l’exploitation minière à grande échelle (38). Ont également été incluses les Zones d’intérêt pour le développement rural, économique et social (ZIDRES), qui ont déjà une loi réglementaire et qui favorisent les investissements importants, en augmentant la concentration et l’expropriation des terres (39). Comme si cela ne suffisait pas, un projet de modification de la loi agraire actuelle, avec un parti pris productiviste qui privilégie l’investissement rural doté de capacités patrimoniales et technologiques, est en cours au Congrès. Ce projet élimine les réglementations stipulant que les friches doivent être attribuées en priorité aux colons et aux paysans pauvres et établit une « amnistie » pour les entrepreneurs qui se les ont appropriées illégalement (40).

En utilisant la procédure accélérée, dénommée fast track (41), le gouvernement a publié un décret qui permet d’utiliser une partie de l’argent reçu par le pays dans le cadre du « Fonds Colombie en paix » pour financer les investissements du projet de financement des services environnementaux de la COP21, selon les paramètres du « capitalisme vert » (42). Dans le cas de la reconstruction des « zones les plus touchées par le conflit armé » (ZOMAC), le gouvernement a déjà publié un décret sur les « travaux pour impôts » (43), s’inspirant de l’expérience d’autres pays périphériques, qui n’est que le début d’un processus de concessions aux entrepreneurs qui s’engagent dans la reconstruction. Le plan national de construction de barrages continue à être mis en œuvre, malgré les déplacements de population et la destruction de la nature qu’il implique. Les trois barrages les plus importants du pays, El Quimbo, Hidrosogamoso et Hidroituango, ont déjà causé des dommages irréparables. Ce dernier barrage est sur le point de produire une énorme tragédie humanitaire.

Conformément à ce qui précède, les institutions techniques de l’État ont déjà les conceptions intégrant les contextes régionaux et la qualité des sols pour mettre en œuvre les Zones d’intérêt pour le développement rural, économique et social (ZIDRES) (44). Le gouvernement et les hommes d’affaires ont embauché des groupes d’universitaires et de techniciens pour mener des recherches sur le terrain, dans le but d’améliorer la conception des investissements des entreprises (45). La pacification du pays a ouvert de nouvelles possibilités et de nouveaux espaces pour les entreprises. Les grands groupes économiques l’ont compris et savent qu’au-delà des caprices de la politique, les entreprises continueront à être choyées.

C’est pour cette raison que les porte-parole du groupe financier Sarmiento (le plus proche du gouvernement Santos et qui a le mieux profité de sa gouvernance ; il contrôle une grande partie du système financier et la construction à grande échelle, y compris les concessions des routes), en se tournant en faveur de la candidature d’Iván Duque lors du second tour présidentiel, ajoutaient que ce soutien était conditionné à la continuité du processus de paix. Ils l’ont fait dans la page éditoriale de El Tiempo, quotidien appartenant au groupe : « En conséquence, cette maison d’édition approuve la candidature d’Iván Duque, dont le programme de gouvernement est sérieux et qui représente l’espoir pour la modération et le changement de génération souhaitable dans la situation (…). Il est important de noter que notre soutien au processus de paix avec les FARC reste ferme et que toute tentative de faire marche arrière, inversant l’horloge de l’histoire et l’esprit des accords sera considérée comme une erreur colossale… » (46)

Pendant ce temps, le paramilitarisme associé aux pouvoirs politiques locaux continue à fonctionner en toute impunité dans les régions, et les formes criminelles d’accumulation de richesses continuent de faire des victimes. Le Bureau du médiateur a reconnu qu’entre le 1er janvier 2016 et le 27 février 2018, 282 personnes, y compris des leaders sociaux et des défenseurs des droits humains, ont été assassinées en Colombie (47). Cette année, avant le 2 juin 2018, 98 autres leaders sociaux ont été tués (48). De nombreux anciens combattants des FARC ont été traités de la même manière. « Selon le rapport de la Mission de contrôle et de vérification des Nations unies, il y a déjà 40 ex-combattants des FARC tués depuis décembre 2016, date à laquelle les accords de paix de La Havane ont été conclus » (49). Cela a précipité en avril de cette année les déclarations de Jean Arnault, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, demandant des garanties pour la sécurité et la vie des démobilisés.

Nous sommes en présence de la continuité de la barbarie qui a déclenché la guerre civile, dans un autre contexte. Malgré tout cela, l’actuel ministre de la Défense a déclaré de manière cynique que la plupart de ces meurtres étaient dus à des « histoires de coucheries, d’alcools et d’intolérance entre voisins », niant le rôle des bandes criminelles (50).

Le gouvernement de Santos remet ainsi le processus de paix aux mains du paramilitarisme régional agissant dans l’impunité, il garantit l’impunité aux forces régulières de l’État et offre au grand capital un réseau d’affaires dans les espaces laissés vides par la démobilisation des FARC. Cela ne peut être éludé au nom d’une défense ingénieuse des accords de La Havane.

Le retour de l’uribisme au gouvernement

Au milieu de la campagne électorale le gouvernement nord-américain a demandé au Ministère public l’extradition de Jesús Santrich, l’un des dirigeants centraux des FARC, pour des supposées activités de trafic de stupéfiants. Jusqu’à maintenant les preuves présentées à l’opinion publique sont méprisables. Néanmoins, le président Santos lui-même les a avalisées et le Ministère public a pris la décision de l’incarcération. Une discussion juridique se poursuit pour savoir si les faits ont été commis avant ou après la signature des accords de paix, et donc quel Tribunal sera compétent – la justice ordinaire ou la JEP. Dans sa campagne électorale, Iván Duque s’est saisi de ce cas pour annoncer qu’il l’extraderait sans autres considérations (51). Au-delà de la portée de cet événement, l’important est qu’il initie l’alignement inconditionnel du nouveau président sur les politiques de Trump. Duque a annoncé le retrait de l’UNASUR, pour fortifier l’OEA, dénoncé le gouvernement Maduro devant la Cour pénale internationale et a décrété déserte l’ambassade à Caracas.

Sur le plan national, Duque s’est déclaré favorable à la criminalisation de la production de feuilles de coca. Cela annonce le remplacement forcé des cultures par des épandages aériens de glyphosate, qui constituent une tragédie humanitaire pour les familles paysannes. Cette politique de substitution forcée élimine un autre des points des accords de La Havane, auquel déjà 65 000 familles paysannes ont eu recours ; de plus elle va accroître les tensions dans les régions où le circuit de production et de vente de drogues est contrôlé par des cartels transnationaux tels que celui de Sinaloa. L’argument du Bureau national de lutte contre la drogue de la Maison Blanche (ONDCP) est que le nombre d’hectares semés avec de la coca a atteint 209 000 (le gouvernement en reconnaît 180 000). Comme toujours, cet argument ignore la coresponsabilité des pays consommateurs et les avantages du capital financier international. Le gouvernement Santos a déjà cédé à la pression américaine et, le 25 juin, par décision du Conseil national des stupéfiants, il a autorisé l’emploi des drones pour l’épandage du glyphosate dans les zones de culture de la coca (52). Duque généralisera l’utilisation aveugle de ces fumigations.

En ce qui concerne les questions économiques, Duque a déjà convenu avec le patronat, conformément aux exigences des agences de notation et des institutions financières internationales, de soumettre au Congrès des réformes régressives des retraites, de la fiscalité et du code du travail pour augmenter la flexibilité.

Dans le cas de la Justice de paix spéciale (JEP) – et cela avant que Duque n’ait pris ses fonctions de Président – le Parlement, qui avait accompagné le président Santos jusqu’aux élections, a procédé à des modifications de procédure, suspendant les procès des militaires compromis dans des crimes de guerre jusqu’à la mise en place d’une section spéciale de la JEP, avec des nouveaux magistrats pour l’instruction, l’investigation et le jugement. Cette suspension pourra être demandée pour un maximum de 18 mois – la période nécessaire pour la mise en service de cette section spéciale. Le paradoxe, c’est que déjà plus de 2 000 militaires et policiers se sont présentés devant la JEP et que près de 1 500 ont été libérés.

Une fois que le terrorisme de l’État a été préservé, le conflit entre les élites dominantes a pris la forme d’une surenchère : qui garantira maintenant le plus d’impunité aux forces régulières de l’État.

Cette insistance pour affaiblir davantage la justice transitionnelle n’est qu’un élément de la stratégie globale d’Uribe visant à réduire les fonctions du pouvoir judiciaire. Au cours de la campagne, Duque a annoncé la création d’une « Super Cour » chargée de concentrer les fonctions exercées par les Hautes Cours, pour les éliminer. Cette stratégie vise à obtenir le contrôle présidentiel sur la justice et cherche en même temps à officialiser l’impunité des membres de l’uribisme, y compris Álvaro Uribe lui-même.

Duque a déjà tracé les grandes lignes de son mandat. Mais ce retour de l’uribisme au gouvernement ne peut compter sur les conditions favorables qui lui ont valu le triomphe en 2002. Maintenant que la guerre interne est désactivée, les accusations internationales contre Uribe augmentent (53), il y a beaucoup de procédures judiciaires contre ses proches, membres du Centre démocratique et contre Uribe lui-même. Pour cette raison, Duque a maintenu une confrontation constante avec les tribunaux et avec le syndicat des journalistes.

Espace politique pour l’opposition

Les résultats électoraux, du fait même de leurs manifestations contradictoires, confirment qu’il existe un espace politique pour avancer des propositions démocratiques et que la négociation politique a ouvert un espace différent à l’opposition politique. Il y a la possibilité de former une grande convergence démocratique entre les diverses organisations politiques et sociales qui élaboreraient une plateforme de paix avec la justice sociale, avanceraient des revendications au-delà de ce qui reste des accords de La Havane et bien sûr en opposition aux dernières modifications introduites par l’uribisme. Le respect de la vie des dirigeants sociaux et des anciens guérilleros démobilisés peut constituer un slogan unificateur, car il vise à démanteler les paramilitaires, à dénoncer le terrorisme d’État, à reconnaître les victimes et à dénoncer l’impunité judiciaire.

La paix entrepreneuriale mise en application par le gouvernement Santos, que son successeur poursuivra sans aucun doute, renforce la résistance dans les territoires. Elle y prend la forme de luttes contre l’extractivisme. Les défenseurs du territoire et des communautés ethniques ont agi contre l’exploitation des hydrocarbures, contre les mines et les barrages et ont dénoncé le déplacement de communautés et la destruction de la nature.

Dans les villes, ces résistances ont pris la forme du rejet des plans patronaux d’urbanisme et de la confrontation avec les grandes entreprises de construction, agents urbains de l’extractivisme.

L’unification et la coordination de ces résistances dans une plateforme nationale sont une nécessité… Mais ces luttes quotidiennes doivent s’articuler à la proposition d’une transition énergétique soutenue par des décisions démocratiques de la société, dans le respect des biens communs et loin de la marchandisation de la nature proposée par le capitalisme vert. Le Mouvement écosocialiste a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de participer à la construction d’un mouvement ayant de telles caractéristiques.


* Daniel Libreros C., enseignant et chercheur à l’Université nationale de Bogotá, est membre du Movimiento Ecosocialista (Mouvement écosocialiste). (Traduit de l’espagnol – Colombie – par JM).

Notes

1. « Le Consejo Gremial Nacional [Conseil national des entreprises] est composé de 21 guildes de toutes les activités économiques, qui représentent ensemble 60 % de la production nationale et génèrent 73 % de l’emploi formel dans l’économie. Ces syndicats représentent 166 903 micro, petites, moyennes et grandes entreprises opérant dans différents secteurs de l’économie… » Tiré de la déclaration publique de soutien de ce Conseil, Bogotá, 7 juin 2018 (http://www.centrodemocratico.com/?p=1713)

2. Loi 1448 de 2011 « par laquelle sont promues les mesures d’attention, d’assistance et de réparation intégrale aux victimes du conflit armé intérieur ainsi que d’autres dispositions ». Cette loi promettait des réparations acceptant une récupération de 6 millions d’hectares et, à ce jour, seulement environ 250 000 hectares ont été redistribués. La précarité d’une justice piégée par le poids des pouvoirs politiques conventionnels explique cette victoire à la Pyrrhus.

3. Les terres de ce Fonds, selon le texte final de l’Accord, devaient provenir de la confiscation de terres acquises par le blanchiment de capitaux et « autres activités illicites », des friches, de la délimitation des zones de réserve forestière, des terres inexploitées, des acquisitions pour des raisons d’utilité publique et des donations. Jusqu’à présent, il n’y a pas de réglementation.

4. Les accords de paix mentionnent à plusieurs reprises l’ordonnance territoriale entrepreneuriale dans les régions où les FARC étaient présents et à la Frontière agricole qui sera ouverte aux grands investissements, y compris étrangers par le biais de concessions étatiques. Tel est le cas de l’Altillanura, une région des plaines orientales qui dispose de 7 millions d’hectares. Cette ordonnance doit faciliter l’option misant sur des groupements (« clusters ») patronaux associés au capital globalisé.

5. Sergio Fajardo a été maire de Medellín, gouverneur d’Antioquia et l’une des personnalités politiques visibles de la corporation Grupo Empresarial Antioqueño (Groupe patronal d’Antioquia), qui contrôle environ 14 % du PIB national et compte des entreprises qui investissent à l’étranger ainsi que dans le secteur financier. Ce groupe d’entreprises a soutenu Fajardo au premier tour et Iván Duque au second tour. http://lasillavacia.com/silla-paisa/los-del-gea-comienzan-abandonar-fajardo-65813

6. Le MOIR (Mouvement ouvrier indépendant et révolutionnaire) a un sénateur très populaire, Jorge Enrique Robledo. C’est une organisation d’origine maoïste, présente dans le mouvement syndical et dans les organisations syndicales de la paysannerie moyenne. Le MOIR dénonce les accords de libre-échange au nom d’une bourgeoisie supposée nationale, ce qui le conduit à nouer des alliances avec des hommes d’affaires régionaux, généralement réactionnaires. Son soutien à Fajardo indique un tournant vers des alliances avec le grand capital.

7. Les membres de la direction de l’Alliance verte, qui soutenait Petro au second tour, étaient Antanas Mockus (ancien maire de Bogotá qui a été apprécié en utilisant des symboles faisant allusion aux « antipolitiques ») et Claudia Lopez (parlementaire reconnue pour ses dénonciations de paramilitarisme).

8. L’affaire Odebrecht (entreprise brésilienne de construction) a été révélée le 21 décembre 2016 par une enquête du département de la Justice des États-Unis. Marcelo Odebrecht, son PDG, a été condamné au Brésil à 19 ans de prison et à payer plus de 30 millions de dollars, car son entreprise a versé au cours des vingt années précédentes des pots-de-vin à fes fonctionnaires de 12 pays (Angola, Argentine, Colombie, Équateur, États-Unis, Guatemala, Mexique, Mozambique, Panama, Pérou, République dominicaine et Venezuela) pour obtenir des marchés publics. Au Brésil, l’ancien président Luis Ignacio Lula da Silva a été également condamné (il a fait appel) et d’autres dirigeants des pays latino-américains, comme Jorge Glas (Équateur), Pedro Pablo Kuczynski (Pérou), Ricardo Martinelli (Panama), Juan Manuel Santos (Colombie) sont menacés par des poursuites ou ont déjà été condamnés.

9. Y compris avec l’appui politique officiel : lors des réformes budgétaires, fréquentes, les « amnisties fiscales » pour des capitaux transférés à l’étranger sont récurrentes, témoignant d’une législation faite sur mesure pour les blanchisseurs de capitaux. Lors de celle de 1992 une telle amnistie était subordonnée à l’achat des titres de créance publique…

10. Cf. Carlos Medina Gallego, Mafia, narcotráfico y bandas criminales en Colombia, édité en 2018 par l’Universidad Nacional de Colombia, p. 27.

11. « Les instruments juridiques de l’État pour protéger les droits de propriété ont échoué, parce que la sécurité est devenue une fonction déléguée à la coordination entre la force publique et les forces privées et que ces dernières jouissaient, en tant qu’alliés, de l’immunité pour s’approprier la terre des déplacés et, dans de nombreux cas, pour les contraindre par la force à légaliser le transfert de propriété. Ce processus a dépassé les possibilités de la justice civile ordinaire de protéger les droits perdus en raison de la violence et a dépassé les capacités administratives réduites des organismes chargés du cadastre, de l’enregistrement, de la clarification, de la délivrance et de la distribution des biens ruraux ». (Alejandro Reyes Posada, Guerreros y Campesinos, Editorial Ariel, Bogotá 2016, pp. 159 et 160)

12. « La Cour suprême de justice et le bureau du Procureur général de la nation ont conduit les procès de 184 membres du Congrès ou anciens membres du Congrès et 8 gouverneurs entre 2007 et 2013. Douze anciens présidents du Congrès ont été traduits en justice. En février 2013, 41 personnes ont été reconnues coupables et 5 déclarées innocentes. Le bureau du Procureur général a ouvert 519 procédures disciplinaires contre des responsables et des dirigeants locaux, principalement membres des conseils, des assemblées et des mairies ». (Camilo González Poso, « El Complejo paramilitar se transforma », Indepaz du 4 mars 2017, http://www.indepaz.org.co/wp-content/uploads/2017/03/03.17-el-complejo-paramilitar-1.pdf).

13. El Tiempo du 22 mai 2018 (http://www.eltiempo.com/elecciones-colombia 2018/presidenciales/propuestas-de-gustavo-petro-candidato-a-la-presidencia-por-colombia-humana-219724).

14. Le premier engagement était de ne pas convoquer une Assemblée nationale constituante, ce qui impliquait que G. Petro, s’il était élu, appliquerait pleinement la Constitution qui régit actuellement l’ordonnancement juridique et institutionnel. Le second fut de « respecter la propriété privée dans les termes de la Constitution, en particulier de son article 58 ». Le troisième était d’appliquer la règle de la soutenabilité budgétaire dans ses politiques publiques, c’est-à-dire que le Président s’engageait « à ne pas mettre en péril la stabilité économique du pays ». L’accord signé dit : « La “règle budgétaire” sera respectée afin de diminuer graduellement le déficit des dépenses publiques. L’augmentation des recettes fiscales sera recherchée en stimulant la croissance de l’économie. » Cf. « Los siete puntos del acuerdo con Petro », El Espectador du 5 juin 2018 (https://www.elespectador.com/elecciones-2018/noticias/politica/los-siete-puntos-del-acuerdo-de-los-verdes-con-petro-articulo-792542).

15. Cf. la page web de la campagne de Gustavo Petro : https://www.petropresidente2018.com/category/colombia-humana/

16. « Le maire de Bogotá, Gustavo Petro Urrego, et l’ancien président des États-Unis, Bill Clinton, se sont réunis à Cartagena pour discuter de questions importantes pour la ville. Ils ont parlé du changement climatique qui affecte la planète et de l’importance, entre autres, de la mise en place dans la ville de transports publics électriques. La Fondation Clinton, une organisation non gouvernementale vouée à la promotion de politiques de protection de l’environnement par le biais de partenariats entre entreprises, gouvernements, organisations non gouvernementales et particuliers, accompagne l’administration de Gustavo Petro sur diverses questions liées à la mise en œuvre de taxis électriques, d’un programme de bus hybrides et électriques, ainsi que dans la création d’un Fonds de villes pour l’atténuation des risques et l’adaptation au changement climatique. » (« Petro y Bill Clinton se reunieron en Cartagena para tratar “temas de ciudad” », El Espectador du 16 mai 2013, https://www.elespectador.com/noticias/bogota/petro-y-bill-clinton-se-reunieron-cartagena-tratar-tema-articulo-422290).

17. Ibid. note 15.

18. « Étant donné qu’une technologie a déjà été développée pour transformer les toits en panneaux solaires, il suffit de modifier la réglementation pour que chaque famille génère sa propre énergie électrique sans frais, ce qui permet de transformer votre maison en unité productive et d’améliorer les moyens de production et de transport, la ville, la campagne et les puits d’eau ». Cité par El Espectador du 5 avril 2018 (https://www.elespectador.com/elecciones-2018/noticias/politica/nuevos-operadores-y-paneles-solares-las-alternativas-de-los-candidatos-frente-electricaribe-articulo-748363)

19. Ce qui est contradictoire avec le discours environnemental, étant donné que les engrais chimiques sont utilisés dans l’industrie agroalimentaire. Cependant, en se référant à l’économie paysanne ou aux communautés ethniques, il a reconnu l’importance de préserver les semences biologiques.

20. Ibid. note 15.

21. Le coefficient Gini (un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite et 1 signifie une inégalité parfaite) est en Colombie l’un des plus élevés de la région. 1 % des propriétaires concentrent près de 60 % des terres cultivables et l’élevage extensif occupe 32 millions d’hectares, contre seulement 8 millions d’hectares pour l’ensemble des cultures agricoles.

22. Ibid. note 15.

23. Ibid. note 15.

24. Ibid. note 15.

25. Qui représentent un montant annuel considérable. À titre d’exemple, la Direction nationale des impôts et des douanes (DIAN) a émis une résolution permettant aux grandes sociétés extractives d’ajouter le paiement de redevances au paiement de l’impôt sur le revenu, ce qui se traduisait par une évasion fiscale d’environ 14 milliards de dollars.

26. Le système des retraites est mixte en Colombie, il combine une cotisation aux Fonds de pension et un à l’entité publique (Colpensiones) qui maintient le système de « solidarité croisée ». Petro a proposé que cette entité reçoive les cotisations du dit quatrième pilier, c’est-à-dire celles du secteur informel.

27. En fait, Colombia Humana est un mouvement électoral sans structure de parti, qui se présente aux élections présidentielles en collectant des signatures. Aux élections législatives, il a formé une coalition appelée Liste de décence, obtenant 4 sièges au Sénat et 2 à la Chambre.

28. « L’Accord définitif reconnaît sans discrimination la primauté des droits inaliénables de la personne en tant que fondement de la coexistence dans la sphère publique et privée et de la famille en tant que noyau fondamental de la société et des droits de ses membres. » (http://www.altocomisionadoparalapaz.gov.co/procesos-y-conversaciones/Documentos%20compartidos/24-11-2016NuevoAcuerdoFinal.pdf)

29. Cette approche territoriale s’inspire souvent de l’Agenda territorial de l’Union européenne : « Le nouvel agenda territorial européen 2020 (adopté en 2011) est le principal instrument directeur des politiques nationales de gestion territoriale des États membres ; il se caractérise par une approche basée sur les caractéristiques de chaque lieu, en tant que potentiel de développement endogène, à partir duquel promouvoir la cohésion territoriale à trois niveaux : local, régional et national ; et en même temps faire face aux impacts, géographiquement divers, du changement global ». (http://www.fao.org/in-action/territorios-inteligentes/componentes/ordenamiento-territorial/ordenamiento-territorial/es/).

30. « Développement intégral de la campagne : le développement intégral de la campagne dépend d’un équilibre adéquat entre les différentes formes de production existantes – agriculture familiale, agro-industrie, tourisme, agriculture à échelle commerciale – ; de la compétitivité et de la nécessité de promouvoir et d’encourager les investissements dans la campagne avec une vision entrepreneuriale et des objectifs productifs comme condition de leur développement ; et de la promotion et du développement dans des conditions d’équité des chaînes de petite production rurale avec d’autres modèles de production, qui peuvent être verticaux ou horizontaux et à une autre échelle. Dans tous les cas, l’économie paysanne, familiale et communautaire sera soutenue et protégée, en vue de son développement et de son renforcement. » (http://www.altocomisionadoparalapaz.gov.co/procesos-y-conversaciones/Documentos%20compartidos/24-11-2016NuevoAcuerdoFinal.pdf).

31. Le texte de l’accord mentionne « la promotion et la protection des semences indigènes et des banques de semences, sans restreindre ni imposer d’autres types de semences, telles que les semences améliorées, les hybrides et autres. »

32. Ce fait a été reconnu par le directeur de l’UPRA, le bureau du département de la planification nationale qui est chargé de déterminer la qualité des sols dans les différentes régions du pays : « Le directeur de cette entité, rattaché au ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Felipe Fonseca, a déclaré à Dinero qu’actuellement, le pays comptait environ 3 691 000 millions de propriétés rurales identifiées. Cependant, le grand défi du pays reste l’informalité des campagnes, puisque 54,3 % des domaines ruraux du pays sont exploités sans titres, soit l’équivalent de près de 49 millions d’hectares ». (Revista Dinero, 30 juillet 2017 : www.dinero.com/pais/articulo/informalidad-en-el-campo-colombiano-unidad-planificacion-rural/248010).

33. Et aussi de l’histoire nationale : « L’occupation et l’utilisation du territoire colombien ont été un processus conflictuel et violent, dans lequel les efforts des élites ont joué un rôle déterminant en soumettant le travail au service du régime latifundiste, provoquant la réaction des paysans qui s’enfuyaient pour coloniser des espaces où ils pourraient se libérer du monopole de la terre et réaliser des projets indépendants d’accumulation économique. » (Alejandro Reyes Posada, Guerreros y Campesinos, op. cit. note 11, p 396).

34. Il s’agit des unités associatives paysannes dans lesquelles les extensions de la propriété familiale sont limitées. Elles ont été créées par la loi agraire actuelle (loi 160 de 1994) dans la perspective d’une augmentation continue de la frontière agricole : pour les FARC, cette forme associative a joué un rôle important dans les relations avec le mouvement paysan.

35. Dans le cas des militaires par la « renonciation à l’action judiciaire de l’État ».

36. « La Haute Cour a décidé que, contrairement à ce qui avait été convenu entre le gouvernement national et les FARC, les tiers civils qui doivent répondre de ces crimes ne peuvent pas être appelés à la juridiction et ne comparaîtront que volontairement. Cela signifie que le nouveau système, dans la pratique, jugera en masse les ex-combattants de la guérilla des FARC disparus et les membres de la force publique qui ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité… » (https://verdadabierta.com/tribunal-constitutionnel-gauche-à-la-justice-de-transition/ du 16 novembre 2017). Le lendemain, le Congrès – qui avait retardé la publication de la loi statutaire de la JEP en attente de la décision de cette Cour – l’a approuvé avec ces considérants. Cette décision a également laissé aux tribunaux ordinaires le choix des tutelles délivrées par la JEP. En outre, il a déterminé que sa durée sera de 20 ans.

37. Ceci a pour but d’articuler la planification nationale avec les plans de développement territorial (TDP), qui seront mis en œuvre dans les anciennes zones de conflit dans le but d’y concentrer les investissements. À cette fin, le gouvernement a créé l’Agence de renouvellement territorial, qui vise à coordonner l’ensemble des entités, plans et programmes sur le territoire. Cette agence doit agir dans 170 municipalités choisies en utilisant quatre indicateurs : pauvreté, violence, fragilité institutionnelle et économies illégales.

38. « La Direction des mines commerciales est chargée de gérer les progrès miniers nécessaires à la mise en œuvre des Projets d’intérêt national et stratégique (PINE), afin de permettre le respect des objectifs du plan de développement national. Il est important d’indiquer que le gouvernement national doit sélectionner les projets PINE ayant un impact important sur la croissance économique et sociale de la Colombie, liés aux minéraux stratégiques pour le pays, ce qui constitue un projet viable et une opportunité de développement social… » (Ministère des mines et de l’énergie : https://www.minminas.gov.co/proyectos-de-interes-nacional-estrategico-pine).

39. Dans diverses régions fertiles du pays : Altillanura, Guajira, Urabá Chocoano et Mojana-Sucre. En mai dernier la Cour constitutionnelle a approuvé cette loi. Le texte de la loi se termine par l’ancien critère normatif, selon lequel les friches devraient être principalement destinées aux colons et aux paysans pauvres. Outre les critiques de l’opposition parlementaire, OXFAM a critiqué cette loi en arguant qu’elle « légalisait l’accumulation irrégulière de propriétés par des sociétés nationales et étrangères, entraînant des effets négatifs en termes de concentration et d’expropriation de terres… » Cf. : https://www.semana.com/nacion/articulo/abece-de-la-ley-zidres-que-sanciono-santos/458494

40. C’est surtout dans la région orientale des plaines appelée Altillanura que le groupe Santodomingo (d’origine colombienne) associé maintenant avec SABMiller, a depuis 2011 mis en œuvre un grand plan d’investissements : « Le plan est de produire des céréales, principalement du soja et du maïs, d’abord pour le marché intérieur et, à long terme, pour le marché mondial. Santodomingo est le symbole d’un nouveau style d’investisseur qui se positionne actuellement dans les hautes terres colombiennes. Il a contracté la firme Impar afin de transférer la technologie brésilienne d’Embrapa, l’agence brésilienne de recherche agricole. Cette agence est reconnue mondialement pour être l’axe de l’expansion miraculeuse de la productivité réalisée par ce pays au cours des deux dernières décennies. Le modèle inclut un patient transfert de technologie des experts brésiliens aux habitants de la région, qui doivent apprendre toute une gamme de pratiques de gestion des sols ». Jusqu’à présent, le groupe Santodomingo n’est pas le seul investisseur : « Le grand pionnier est le Business Group Aliar, qui regroupe l’industriel Jaime Liévano et l’entreprise Contegral, qui a investi 100 millions de dollars américains et compte aujourd’hui 13 000 hectares de maïs et de soja. L’un des plus grands projets connus est celui de La Fazenda. Le modèle d’Aliar est basé sur la configuration d’une chaîne alimentaire pour le secteur de la volaille de Santander. » Des incursions de grands investisseurs ont également été le fait du groupe Sarmiento et du groupe Eder (propriétaire des raffineries du sucre), ont également procédé à de gros investissements, dans le second cas dans Valle del Cauca. Cf. « Los nuevos Llaneros », Revista Dinero du 21 février 2011 (https://www.dinero.com/caratula/edicion-impresa/articulo/los-nuevos-llaneros/113492).

41. En élaborant ces accords, le gouvernement a été autorisé d’agir par décrets, ce qui a été justifié par le caractère d’urgence de la mise en œuvre du processus de paix. Ils ont été appelées fast track par analogie avec les autorisations accordées par la législation nord-américaine au Président dans le domaine commercial.

42. « Le Financement des services environnementaux [PSA] constitue un accord avec les propriétaires, les possesseurs et les occupants des zones stratégiques qui génèrent des services environnementaux, leur permettant de développer des activités de préservation et de restauration dans leurs propriétés (…). Il est primordial dans la stratégie de préparation à la paix et de l’après-conflit, c’est pourquoi le PSA est inclus dans le portefeuille thématique du Fonds Colombie pour la paix en tant qu’alternative intégrale pour le développement économique et social des populations touchées par le conflit armé. Pendant des décennies, des facteurs tels que la présence de cultures illicites, l’expansion de la frontière agricole et le conflit armé ont affecté nos terres et territoires. Maintenant que la Colombie avance sur la voie de la paix, nous créons ces instruments pour que notre nature en bénéficie également, avec ce nouveau pays que nous avons déjà commencé à construire ». Déclarations du ministre de l’Environnement, Luis Gilberto Murillo, le 7 juillet 2017, rapportés par : http://www.minambiente.gov.co/index.php/noticias/3025-con-la-politica-de-pago-por-servicios-ambientales-se-da-via-libre-a-los-incentivos-economicos-para-la-conservacion

43. Décret 1915 de 2017. Le mécanisme de paiement des travaux pour impôts, traité par l’article 238 de la loi 1819 de 2016, est un moyen d’éteindre les obligations fiscales des impôts sur le revenu et complémentaires, par l’investissement direct du contribuable dans l’exécution de projets de transcendance sociale dans les zones les plus touchées par le conflit armé (ZOMAC). Cf. http://es.presidencia.gov.co/normativa/normativa/decreto%201915%20del%2022%20de%20noviembre%20de%202017.pdf

44. Voir : Áreas de referencia para identificar Zidres, Documento conjunto elaborado por el Ministerio de Agricultura y la UPRA-Unidad de Planeación Rural Agropecuaria (Zones de référence pour identifier Zidres – Document conjoint préparé par le ministère de l’Agriculture et l’Unité de planification rurale agricole UPRA).

45. À titre d’exemple : « Mon attention a été attirée par le fait que l’université de Purdue et celle des Andes annonçaient une présentation sur les progrès de la recherche sous contrat pour la DNP, qu’elles développaient en partenariat avec d’autres universités, Corpoica et d’autres institutions, et j’ai assisté à la réunion dans l’espoir de découvrir des nouvelles encourageantes. L’une d’elles était que la recherche n’était pas concentrée uniquement sur la zone des hauts plateaux, mais s’étendait à toute la région, qui comprend sept départements : Arauca, Casanare, Meta, Vichada, Guaviare, Guainia et Vaupes. Ils ont également mis au point des projets pilotes pour la production de divers produits, dont certains peuvent être développés dans les petites et moyennes exploitations, ce qui ouvre la possibilité que le développement de la région ne soit pas exclusivement destiné aux grandes exploitations agricoles commerciales. Il est possible d’établir des unités de production de différentes tailles, y compris les exploitations familiales, diverses formes d’organisation et de production qui créeraient une offre locale diversifiée de produits agricoles (agrumes, ananas, autres fruits, aliments pour la population locale, riz, porcs, pisciculture, cacao, caoutchouc, palme africaine, noix et, bien sûr, maïs et soja dans les grandes étendues)… » (Rudolf Hommes, « Orinoquia », El Tiempo, 1er juillet 2018, http://www.eltiempo.com/opinion/columnistas/rudolf-hommes/orinoquia-rudolf-hommes-237836/

46. « Motivos de un Respaldo » (Raisons d’un soutien), éditorial de El Tiempo, 9 juin 2018, http://www.eltiempo.com/opinion/editorial/motivos-de-un-respaldo-a-ivan-duque-228530

47. « 282 dirigeants sociaux ont été tués au cours des deux dernières années », déclaration du médiateur Carlos Negrette dans le quotidien El País de Cali (http://www.eltiempo.com/opinion/editorial/motivos-de-un-respaldo-a-ivan-duque-228530).

48. RCN-Radio, 5 juin 2018 (https://www.rcnradio.com/colombia/98-lideres-sociales-han-sido-asesinados-en-lo-corrido-de-2018-en-colombia)

49. « El número de combatientes de las FARC ya es alarmante », El Pacifista (http://pacifista.co/el-numero-de-excombatientes-de-las-farc-asesinados-ya-es-alarmante/)

50. Cité le 18 décembre 2017 par : https://www.kienyke.com/radark/asesinato-de-lideres-sociales-lios-de-faldas

51. En politicien réaliste, Gustavo Petro s’est prononcé sur ce sujet à partir du calendrier des accords : si le crime allégué avait été commis après leur signature, il disait qu’il extraderait Santrich. Humberto de la Calle, candidat du Parti libéral et principal négociateur au nom du gouvernement dans les dialogues de La Havane, a d’abord exigé des preuves plus sérieuses.

52. « Colombia autoriza uso de drones para fumigar cultivos de hoja de coca con glifosato » (La Colombie autorise l’emploi des drones pour l’épandage du glyphosate sur les cultures de feuilles de coca) : https://www.asuntoslegales.com.co/actualidad/colombia-autoriza-uso-de-drones-para-fumigar-cultivos-de-hoja-de-coca-con-glifosato-2743220

53. Les documents déclassés du Département d’État de la décennie 1990-2000 pointent les relations entre Álvaro Uribe et les cartels de la drogue : « Luis Guillermo Vélez Trujillo, alors sénateur du Parti libéral, formation politique dans laquelle Uribe a milité, (...) a expliqué au gouvernement américain que Uribe avait reçu un “financement” pour ses campagnes électorales au Sénat de la part de la famille Ochoa Vásquez, membre du cartel de Medellín dirigé par le chef du narcotrafic Pablo Escobar. Le sénateur Velez Trujillo a également indiqué aux Américains que c’était Uribe qui avait pris contact avec la mère de Pablo Escobar, lorsque ce trafiquant tentait de négocier un canal de communication avec le président de l’époque, Cesar Gaviria (1990-1994). » (« Documentos desclasificados de Estados Unidos vinculan a Álvaro Uribe con el narcotráfico », Vanguardia.com, 25 mai 2018 : http://www.vanguardia.com/colombia/434108-documentos-desclasificados-de-estados-unidos-vinculan-a-alvaro-uribe-con-narcotrafic).

Daniel Libreros

Ponencia del profesor Daniel Libreros Caicedo de CADTM Colombia sobre la Crisis Económica en la plenaria del Congreso de la República de Colombia, en representación del Polo Democrático Alternativo.

http://cadtm.org/Colombia-Ponencia-del-profesor

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