Édition du 26 mars 2024

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Europe

Le triomphe solitaire d’Angela Merkel

Angela Merkel remporte les élections haut la main mais perd son partenaire libéral, éjecté du Bundestag pour la première fois depuis 1949. Proches de la majorité absolue, les conservateurs peuvent aussi s’allier avec un SPD aux résultats moroses. L’entrée du petit parti anti-euro Alliance pour l’Allemagne au Bundestag est encore possible. Berlin, de notre correspondant

22 SEPTEMBRE 2013 |tiré de mediapart.fr

Merkel, triomphale et impériale. La victoire de la chancelière allemande n’a surpris personne. Mais son énorme score, de plus de 42,5 %, est étonnant. C’est la première fois depuis 1994 que les conservateurs dépassent à nouveau la barre des 40 %. Angela Merkel n’arrive pas loin du résultat de Helmut Kohl de 1990 (43,8 %), alors que ce dernier incarnait le grand “réunificateur” de l’Allemagne. Les bons chiffres de l’économie et du chômage, ses poses électorales en « Mère protectrice de la Nation » face à la crise de l’euro, ou encore ses emprunts aux programmes des partis de gauche, tous ses coups stratégiques ont porté. Ils lui apportent un score presque « bavarois ».

Angela Merkel dans les studios de la ZDF, dimanche soir.Angela Merkel dans les studios de la ZDF, dimanche soir.© ReutersSi le parti anti-euro Alliance pour l’Allemagne ne passe pas la barre des 5 % nécessaires pour entrer au Bundestag à la fin de cette soirée (on peut suivre ici l’évolution des résultats), les conservateurs pourraient même obtenir une majorité parlementaire absolue. Si tel n’est pas le cas, ils composeront alors avec les sociaux-démocrates, arrivés en deuxième position, afin de former une « grande coalition ». Cependant, comme l’a expliqué la secrétaire générale du SPD, Andréa Nahles : « Ce n’est pas ce soir que l’on décidera si l’on entre dans une coalition ou pas ! » En 2005, CDU et SPD avaient négocié pendant 9 semaines et demie avant de former une grande coalition !
Joie sans bornes pour Angela Merkel, catastrophe absolue pour Philipp Rösler, le chef du parti libéral. Le FDP s’effondre en effet brutalement. Au fil de la soirée, les estimations confirmaient son exclusion du Parlement (moins de 5 % des suffrages). Le coup est extrêmement dur pour un parti qui, depuis 1949, a toujours été présent au Bundestag et y a longtemps joué les « faiseurs de rois », accordant tour à tour ses faveurs aux conservateurs et aux sociaux-démocrates (Willy Brandt et Helmut Schmidt). L’appel de soutien lancé en dernière minute par Philipp Rösler aux électeurs conservateurs, pour « défendre le parti de la liberté », n’a eu quasiment aucune répercussion, contrairement à ce qui a pu arriver lors d’autres scrutins. Il semble que les libéraux payent leur recentrage, annoncé en 2009, sur les « valeurs libérales ». Un recentrage qui s’est limité à promouvoir les libertés économiques et le clientélisme. Le cadeau fiscal de 1 milliard d’euros accordé à l’hôtellerie, première donatrice du FDP, l’obstruction totale sur la création d’un salaire minimum universel, ou encore le refus de venir en aide aux 10 000 salariées licenciées de la chaîne de drogueries Schlecker ont largement confirmé l’image de froideur sociale du parti à un moment où plus de 7 millions d’Allemands gagnent moins de 9 euros de l’heure.

Les euro-critiques aux portes du Bundestag

À gauche, l’heure n’est pas non plus à la fête, même si les sociaux-démocrates progressent légèrement par rapport à l’élection de 2009. Avec 25,5 %, ils réalisent néanmoins leur deuxième plus mauvais score historique. Le candidat du SPD, Peer Steinbrück, combatif sur les derniers mètres mais gaffeur et imprévisible pour le reste, n’a pas réussi à convaincre les électeurs que son parti proposait un programme vraiment différent de celui des conservateurs. Il n’a pas non plus réussi à se libérer de son profil de social-libéral qui n’hésite pas à gagner son argent en tenant des conférences devant le monde de la finance. Enfin, les deux autres partis, Die Grünen (écologistes) et Die Linke (gauche radicale), enregistrent pour leur part des pertes modérées mais douloureuses. Eux aussi n’ont pas réussi à définir et à communiquer un profil clair qui permette de mobiliser l’électorat au-delà du cercle des convaincus. Les voix qui exigent que les trois partis de gauche enterrent la hache de guerre et se mettent enfin au travail pour trouver une ligne commune étaient déjà audibles ces dernières semaines. Elles devraient gagner en force dans les mois qui viennent.

L’autre surprise de la soirée vient évidemment du score de l’Alliance pour l’Allemagne (AfD), le tout jeune parti anti-euro. À 21h30, les estimations des grandes chaînes de télévision accordaient à l’AfD un score stable de 4,9 %, soit tout juste sous la barre des 5 %. L’arrivée du président de l’AfD, Bernd Lucke, et de ses troupes au Bundestag rendrait évidemment la formation d’une grande coalition plus probable, mais ne changerait pas fondamentalement le destin de Merkel et du prochain gouvernement. En revanche, le Bundestag deviendrait une formidable tribune pour ces adversaires allemands de l’Euro, leur donnant l’opportunité d’influencer les débats parlementaires. Mais pas forcément pour bloquer les décisions de l’Allemagne puisque les partis pro-euro conservent une écrasante majorité au Bundestag.

Qu’il siège au Parlement ou pas, Bernd Lucke a en tout cas réussi son pari de convaincre en seulement six mois une bonne partie des euro-critiques allemands : 450 000 électeurs libéraux, 300 000 électeurs conservateurs mais aussi 360 000 électeurs de Die Linke ont choisi de lui donner leurs voix. Pour autant, il est trop tôt pour savoir si l’AfD est promise à un grand avenir. Il faudrait encore que le petit parti élargisse ses thématiques au-delà du seul discours en faveur de l’abandon de l’euro. Et surtout qu’il ne dérape pas dans le nationalisme ou la xénophobie, comme quand Bernd Lucke a récemment qualifié les étrangers bénéficiaires de l’aide sociale de « lie de la société »…

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