Édition du 16 avril 2024

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Environnement

Les émissions de GES du Québec ont augmenté en valeur absolue en 2013 ! (AQLPA)

Mais où se cache le diable ?

Saint-Léon-de-Standon, 29 mars 2016 – La diffusion presque en catimini à la veille du long congé pascal du dernier inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre (GES) 1990-2013 est riche d’enseignement. Le ministre du développement durable, de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) du Québec ne semble pas particulièrement fier des résultats ! Avec raison ! Car tout en annonçant une diminution de 8,6% des émissions de ses GES en 2013 par rapport au niveau de 1990, Québec n’est pas en voie d’atteindre ses cibles de -20% d’ici 2020 puisque les émissions sont apparemment restées stables entre 2012 et 2013 (-0.1%). Et le faible prix du pétrole depuis un an, en dépit de la bourse carbone, n’augure rien de bon pour les émissions du secteur transport, le plus grand contributeur des émissions québécoises, sans compter celles reliées à la réalisation prochaine de projets industriels et énergétiques fortement émetteurs. 

Nous disons « apparemment » stables car cela est vrai seulement en valeur relative. En valeur absolue les émissions totales sont passées de 78 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (eCO2) en 2012 comme on peut le constater dans l’inventaire 1990-2012, à 81,2 millions de tonnes eCO2 en 2013, tel que mentionné dans l’inventaire 1990-2013, soit une augmentation de 4,1%. Comment cette différence est-elle possible ?
 
L’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) a attiré l’attention dès 2014 sur une donnée cachée et sous-estimée dans les inventaires de GES qui change radicalement les valeurs des émissions liées au méthane, à savoir son potentiel de réchauffement planétaire (PRP) par rapport au dioxyde de de carbone. Ce potentiel a augmenté régulièrement au fil des nouveaux rapports de la science du climat comme on peut le voir dans la fiche technique en hyperlien, mais il n’a été révisé officiellement qu’une seule fois.[1] L’inventaire québécois 1990-2013 reprend ainsi les calculs des émissions avec les nouvelles directives adoptées à Varsovie en 2013 qui fixe un PRP pour le méthane 19% plus puissant que précédemment (le méthane est maintenant officiellement considéré 25 fois plus réchauffant que le CO2 sur 100 ans contre 21 avant). Le graphique de l’inventaire 1990-2013, reproduit ci-dessous, compare les émissions, selon ce nouveau PRP de 25 sur toute la série de données, avec celles de l’inventaire 1990-2012, calculées selon un potentiel de réchauffement de 21. On constate que le profil de la courbe ne change pas mais qu’elle se situe plus haut sur l’axe des quantités émises, entre 2,2 et 3,5% de plus pour chacune des années, dit le MDDELCC.
 
« Autrement dit, la différence relative entre 1990 et 2013 reste similaire avec le nouveau PRP mais les valeurs absolues augmentent ! C’est comme si on se retrouvait en avion plus haut en altitude après avoir parcouru le même trajet entre deux points alors que le but est d’atterrir ! »,dit Alain Brunel, directeur climat énergie AQLPA.

Plus consternant encore, selon les dernières estimations du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), le potentiel de réchauffement planétaire du méthane fossile sur 20 ans est maintenant 87 fois plus intense que celui du CO2, c’est-à-dire 4,14 fois plus important que la valeur utilisée pour la série 1990-2012. Cette donnée cruciale est ignorée par l’ensemble des gouvernements du monde car la convention consiste à comparer le potentiel de réchauffement des gaz sur 100 ans seulement. Pourtant, le GIEC dit qu’il n’y a aucune raison scientifique de choisir un horizon temporel plutôt qu’un autre. Il s’agit d’un pur « jugement de valeur ». Or si le potentiel du réchauffement du méthane était pris en compte sur 20 ans, toutes choses égales par ailleurs, les émissions absolues du Québec de 1990 à 2013 seraient plus élevées, selon les années, de 50 à 65% !
 
« Ce fait rend particulièrement préoccupantes les émissions fugitives de méthane de l’industrie du gaz et du pétrole, ainsi que celles des puits abandonnés, fermés ou en attente, pour lesquelles n’existe aucun bilan. Force est d’admettre que beaucoup préfèrent rester dans l’illusion d’agir plutôt que de voir la vérité en face quant au réchauffement réel en cours qui ne peut donc que s’accélérer. Nos instruments de bord sont défectueux, c’est la recette parfaite pour un atterrissage en catastrophe », déplore Alain Brunel. 

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