Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Les enfants que nous voulons

Nous apprenions cette semaine, le décès de monsieur Henry Morgentaler. C’est avec regret que nous nous souviendrons de la disparition de cet homme qui a tant fait pour développer des conditions décentes de vie. Ce grand homme a fait beaucoup pour les droits des femmes concernant la maternité…et oui la maternité. Car l’avortement ne peut réellement se comprendre que dans le libre choix d’avoir ou non des enfants.

Ce triste événement actualise donc le débat sur l’avortement. Le gouvernement Harper n’arrête pas de dire qu’il ne veut pas ouvrir le débat mais les députés conservateurs continuent de présenter des projets de lois criminalisant l’avortement. Le dernier en date est des plus pernicieux et vise à éliminer les avortements sexués. La droite conservatrice demeure mobilisée. À noter que monsieur Harper n’a fait aucun communiqué suite à la mort de monsieur Morgentaler alors qu’il a été une figure importante de la vie politique dans l’ensemble du Canada qu’on soit d’accord ou non avec lui.

Dans le débat de l’enjeu 4 de Québec Solidaire sur le féminisme, ce qui est avancé sur la question de l’avortement c’est la reconnaissance sociale de la maternité. La reconnaissance passe non pas par une valorisation individuelle du rôle de mère dans la famille mais par la responsabilité sociale des enfants. C’est un acte social de mettre un enfant au monde pas seulement un choix individuel. Et l’ensemble de la société doit reconnaître la maternité en instaurant une série de mesures.

C’est d’abord le droit pour les femmes d’accoucher comme et où elles veulent : à la maison, dans des maisons de naissance ou à l’hôpital. La pratique des sages-femmes doit aussi être reconnu et généralisé. Un réseau de maison des naissances doit aussi se mettre sur pied et être accessible aussi en région. Ensuite d’autres mesures doivent être instaurées comme l’instauration de congés maternité payés à 100 % du salaire ; de congés de parentalités pour les maladies et visites médicales des enfants ; de congés de paternité pris à part égale entre les personnes conjointes, pas de licenciement pour maternité et retour dans les mêmes conditions de travail sans baisse d’heures de travail, de salaire ou de responsabilités. Ainsi les femmes n’auront pas à perdre des aspects financiers et des acquis sociaux pour mettre au monde les enfants et s’en occuper.

Les femmes doivent aussi jouir d’un ensemble de services (cafétéria, buanderie, services ménagers) pour en finir avec la double ou triple journée de travail. Le travail gratuit des femmes à la maison est l’antithèse d’une reconnaissance sociale de la maternité. C’est en fait la pauvreté des femmes obligées de prendre soin des enfants. Cet élargissement de services collectifs permettra aux femmes de jouer leur rôle de citoyennes dans l’ensemble de la société civile : implication politique (municipal, nationale, conseil de quartier, etc…) communautaire ou bénévole, artistique, sportive ou de loisir. Les services en Centre de la Petite Enfance sont un bel exemple de services collectifs. C’est aussi un acquis important pour les femmes. Il faut tendre vers la gratuité de ce réseau tout comme dans l’ensemble du réseau d’éducation y compris l’éducation supérieure.
La reconnaissance sociale de la maternité c’est la création de réseaux de centres de femmes. Les services offerts en santé reproductives doivent toucher tous les aspects de la vie des femmes jeunes ou vieilles, être gratuits, accessibles à toutes y compris en région.

La contraception pour les femmes doit aussi être abordée. Oui la contraception pour les hommes existent mais peut-on se fier à l’autre d’autant plus si la relation est temporaire, éphémère et sans conséquence ? Actuellement, la contraception pour les femmes a ses limites, ses coûts. L’industrie pharmaceutique a profité de cette stérilisation des femmes. Elle a fait beaucoup d’argent sur le dos des femmes. À preuve l’utilisation des contraceptifs par les femmes (Québec 2008) :

« En 2008, 66,5 % des femmes âgées de 15 à 49 ans, actives sexuellement, ont utilisé un moyen contraceptif au cours de la dernière année.
Le taux d’utilisation de moyens contraceptifs diminue avec l’âge.
La proportion de femmes âgées de 15 à 24 ans qui utilisent des moyens contraceptifs est de 90 %. » (http://www.msss.gouv.qc.ca/statistiques/sante-bien-etre/index.php?Utilisation-de-contraceptifs-chez-les-femmes-selon-lage&PHPSESSID=fde7d2b862e78b8c4f682e31080269f2
Les femmes utilisent la contraception. Bravo. Mais les contraceptifs sont partie prenante de l’ensemble des autres médicaments et les pharmaceutiques sont critiquées sur bien des points :

« Les succès de l’industrie pharmaceutique ne doivent pas nous fermer les yeux sur des pratiques devenues injustifiables. Que faut-il penser quand nous apprenons qu’un fabricant :

 supprime volontairement les données sur les effets indésirables de son produit ou embellit les résultats d’une étude ;

 continue de commercialiser un produit qu’il sait à l’origine de nombreux décès ;

 tente de bâillonner des chercheurs dont les découvertes mettent en question l’efficacité et la sécurité de son médicament ;

 verse le prix fort à des médecins et des pharmaciens pour faire la promotion d’un produit ;

 et engrange, bien sûr, chaque année des milliards de profits sans payer sa juste part d’impôts ? » (http://www.ecosociete.org/t119.php)

C’est pourquoi nous demandons que l’information et les moyens contraceptifs soient accessibles partout aux femmes et gratuits ; que les recherches soient publiquement et suffisamment subventionnées et se fassent dans le respect du corps et de la santé générale des femmes.
C’est dans le contexte de la maternité librement choisie que nous situons le débat sur l’avortement. Les mesures sociales et les divers congés parentaux ainsi que la conscientisation sur la contraception ont fait qu’au Québec, les avortements ont diminué :

« En 2010, on compte 26,124 avortements volontaires de grossesse (IVG) comparativement à 29,460, six ans plus tôt. Depuis 2004, le taux d’IVG a suivi une nette tendance à la baisse. Pour 1000 femmes âgées entre 15 et 44 ans, on comptait 19 IVG en 2004 alors qu’en 2010, on en compte 17,1. » (Portrait des Québécoises en 8 temps édition 20102 p. 15).

L’avortement doit être reconnu comme un moyen ultime de contraception. Il faut rappeler que le stérilet rempli son rôle contraceptif par avortement de l’ovule. Les partisans anti-avortement issus des droites religieuses élèvent peu le débat vers la contraception sinon pour poser l’abstinence et accepter la fatalité de faire l’amour. Au départ, c’est à la vie et à l’intimité des femmes que cette question touche. C’est pourquoi les féministes défendent le droit des femmes de choisir les enfants qu’elles veulent et pour avoir ce droit il faut que l’avortement soit une réelle possibilité. C’est aux femmes de décider des circonstances de garder ou non un fœtus. Il faut parler de fœtus car les partisans contre l’avortement parlent eux de meurtre d’une vie alors que les cellules fécondées ne sont pas encore viables.

Reconnaître la maternité socialement ce sont toutes ces mesures dans leur ensemble. C’est un débat et une prise ne charge du devenir de notre société. C’est une remise en question des rôles sociaux de mère et de père. C’est remettre en question les liens intimement liés entre les systèmes patriarcal et capitaliste en affirmant le droit des femmes de disposer librement de leurs corps, en posant la nécessité de reconnaître la maternité pour celles qui choisissent d’avoir des enfants comme un acte social avec des palliatifs financiers, des avantages sociaux et des services collectifs.

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