Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Premières Nations

Élections québécoises 2012

Femmes Autochtones du Québec Inc.

Lettre ouverte aux candidats dans le cadre de la campagne électorale : où sont les Inuits et les Premières Nations ?

Kahnawake, le 28 août 2012

La campagne actuelle laisse de côté de nombreuses questions qui intéressent pourtant une part non seulement importante de la population du Québec, mais surtout une population qui occupe la majeure partie du territoire du Plan Nord : les Inuits et les Premières Nations, projet qui est présenté comme l’espoir économique du Québec, comme le projet « d’une génération ».

Femmes autochtones du Québec travaille depuis plus de 38 ans à faire reconnaître les droits des femmes autochtones au Québec et à promouvoir l’amélioration de leurs conditions de vie. À l’occasion de cette campagne électorale 2012, nous souhaitons rappeler aux candidats que de nombreux défis sont toujours à relever pour que les femmes autochtones aient les mêmes droits que le reste de la population au Québec.

Nous souhaitons rappeler aussi à tous les candidats que le Canada a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en 2010 et que cet instrument rappelle les droits des peuples autochtones et les devoirs des États pour respecter ces droits.

Nous aimerions par conséquent interpeller les candidats à l’élection provinciale sur 6 sujets clés pour les femmes autochtones en particulier :

1. Le Plan Nord
2. Violence contre les femmes
3. Adoption coutumière et protection de la jeunesse
4. Langue et culture
5. Justice communautaire
6. Lutte contre la pauvreté des femmes autochtones

1. Les femmes autochtones et le Plan Nord

Article 32 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones :

1. Les peuples autochtones ont le droit de définir et d’établir des priorités et des stratégies pour la mise en valeur et l’utilisation de leurs terres ou territoires et autres ressources.

2. Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.

Le Plan Nord, tel qu’il est présenté actuellement, a été conçu sans aucune consultation des Inuits et des Premières Nations, et a encore moins pris en compte le point de vue des femmes autochtones. Ce Plan prévoit l’ouverture des territoires du Nord aux industries d’exploitation des ressources sans consulter adéquatement les communautés, ni reconnaître leurs droits territoriaux.

De plus, l’activité minière occasionne de nombreux impacts négatifs sur les communautés locales qu’il est important de prendre en compte afin de pouvoir y pallier. Or les représentants autochtones et les femmes autochtones n’ont été invités que récemment à participer à une certaine planification du Plan Nord, et seulement dans l’aspect touchant à l’emploi. Pourtant, le logement, la santé, l’environnement, l’augmentation du coût de la vie, les relations interculturelles, sont des problèmes tout aussi importants que l’on ne peut laisser de côté si on prétend réellement favoriser le développement du Nord.

Enfin, le Plan Nord tel qu’il est conçu actuellement prétend prendre en compte seulement les nations au Nord du 49ème parallèle, pourtant les nations atikamekws et algonquines, situées en dessous de ce fameux parallèle se retrouvent aussi confronter à des problématiques de développement des ressources naturelles sur leur territoire sans pouvoir prétendre participer à la décision et au partage des bénéfices.

Nous vous demandons donc :

 De consulter toutes les nations autochtones en faisant un effort particulier pour écouter les femmes autochtones, avant tout développement des ressources naturelles (minier, forestier et hydrique) sur le territoire des Premières Nations.
 L’inclusion des femmes autochtones dans le processus de mise en oeuvre d’un Plan Nord à visage humain afin que l’ouverture des territoires du Nord se fasse dans le respect et la reconnaissance des droits des premières nations à leur territoire, à la sécurité, au développement et à la protection de leurs coutumes et traditions, en créant différents comités de planification du développement du Nord, incluant le développement social, économique, environnemental et culturel.
 Sensibiliser les populations du Nord et les travailleurs des chantiers miniers aux réalités des nations et des femmes autochtones pour permettre une meilleure cohabitation pacifique.

2. Violence contre les femmes autochtones

Article 22

1. Une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones dans l’application de la présente Déclaration.

2. Les États prennent des mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues.

Femmes autochtones du Québec travaille depuis maintenant dix ans pour lutter contre la violence faite aux femmes et sensibiliser tant les communautés que les acteurs non-autochtones à cette réalité. Le travail de FAQ a permis la mise en place d’un réseau de maisons d’hébergement pour femmes autochtones ainsi que le développement d’outils présentant l’approche autochtone en matière de violence familiale. Ces outils sont reconnus maintenant pour leur utilité et leur côté novateur tant par les maisons d’hébergement que par les partenaires sociaux qui travaillent avec des femmes autochtones. Or le plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale a pris fin en 2009 et depuis nous attendons des engagements fermes en matière de violence conjugale qui ne viennent pas.

De même, le plan d’action gouvernemental en matière de violence sexuelle finit en 2013 et nous espérons pouvoir poursuivre le travail de sensibilisation auprès des femmes et des filles autochtones, un travail à peine commencé et qui reçoit des échos très favorables dans les communautés.

Nous vous demandons donc :

 Que le prochain plan de travail sur la violence conjugale inclut un volet autochtone afin que l’on puisse continuer à mettre en oeuvre ces différents outils.
 Que les femmes autochtones fassent partie de la conception des programmes les concernant et que la question de la violence envers les femmes autochtones soit pris en compte non seulement dans un plan d’action en matière de violence conjugale, mais aussi dans les programmes touchant la santé, le logement, l’économie et la justice.
 Qu’une force policière spécifique soit mise en place incluant les policiers autochtones pour travailler sur la question des femmes autochtones disparues ou assassinées.

3. Adoption coutumière et protection de la jeunesse

Article 7

1. Les autochtones ont droit à la vie, à l’intégrité physique et mentale, à la liberté et à la sécurité de la personne.

2. Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de vivre dans la liberté, la paix et la sécurité en tant que peuples distincts et ne font l’objet d’aucun acte de génocide ou autre acte de violence, y compris le transfert forcé d’enfants autochtones d’un groupe à un autre.

En juin dernier, le gouvernement déposait un projet de loi sur l’adoption incluant des dispositions reconnaissant les effets de l’adoption coutumière pour les Inuits et les Premières Nations au Québec. Ce texte faisait suite aux travaux du groupe de travail sur l’adoption coutumière auquel FAQ a grandement participé.

Nous demandons :
 Que ce projet de loi soit maintenu et discuté lors de la session parlementaire d’automne
 Que les recommandations du groupe de travail sur l’adoption coutumière soient prises en compte, afin de prendre en compte les besoins et réalités spécifiques des femmes autochtones.

4. Langue et culture

Article 14

1. Les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage.

2. Les autochtones, en particulier les enfants, ont le droit d’accéder à tous les niveaux et à toutes les formes d’enseignement public, sans discrimination aucune.

La vitalité politique et économique d’un peuple ne peut se faire sans la connaissance de son histoire, ainsi que la vigueur de sa culture et la maîtrise de sa langue et cela ne peut se faire sans un système d’éducation adapté prenant en compte les particularités culturelles et linguistiques de chaque nation.

L’Amérique latine nous offre de nombreux exemples d’éducation bilingue et biculturelle pour les nations autochtones et nous montre que cela est possible et même souhaitable afin d’aider les communautés à sortir de leurs impasses.

Nous demandons donc :

 La mise en place d’un système d’éducation bilingue et biculturelle pour les nations autochtones en consultation avec les représentants des différentes nations et les femmes autochtones ;
 La reconnaissance des langues autochtones comme faisant parti des langues parlées au Québec ;
 L’inclusion dans les livres d’histoire au Québec de l’histoire des peuples autochtones, en consultation avec les nations autochtones, en particulier les traités et leur signification et les pensionnats indiens.

5. Justice communautaire

Article 5

Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’État.

Femmes autochtones du Québec a appuyé la nation atikamekw dans son processus de mise en place d’une justice communautaire et sa reconnaissance par le gouvernement du Québec. Ces réflexions permettent aux nations autochtones et aux femmes autochtones de reprendre possession de leur gouvernance et nous demandons :

 Au gouvernement du Québec de poursuivre la reconnaissance des institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes des premières nations ;
 D’inclure la participation des représentants des premières nations dans toutes décisions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles les concernant dans un dialogue de nations à nations.

6. Lutte contre la pauvreté des femmes autochtones

Article 21

1. Les peuples autochtones ont droit, sans discrimination d’aucune sorte, à l’amélioration de leur situation économique et sociale, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de l’assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.
Les femmes autochtones sont particulièrement touchées par le chômage, sont plus que les québécoises chefs de familles monoparentales, et sont souvent victimes d’une double discrimination lors de leur recherche d’emplois ou de retour aux études, celle d’être femme et celle d’être autochtone.

Femmes autochtones du Québec souhaite mettre en place un programme favorisant le développement économique des femmes en les appuyant dans la création d’entreprise notamment par la mise en place d’un fonds de micro-crédit.

Nous demandons donc :

 Que le gouvernement du Québec assure son appui au développement économique des femmes autochtones ;
 Que Femmes autochtones du Québec soit partie prenante des décisions concernant le développement économique et la lutte contre la pauvreté des femmes autochtones

Sur le même thème : Premières Nations

Sur le même thème : Élections québécoises 2012

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...