Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Nancy Pelosi en a assez de faciliter la vie au Président et au Parti républicain

Mme Pelosi comprend son rôle de contrôle de la Présidence. C’est la première fois que nous la voyons le jouer mais ce ne sera pas la dernière.

Joan Walsh, The Nation, 17 janvier 2019
Traduction, Alexandra Cyr

Et elle ne joue pas un jeu.


Sa lettre au Président, polie mais accablante, pour lui dire qu’il n’est plus le bienvenu pour présenter son Adresse sur l’union à la fin du mois, prive le « bébé en chef » de ce dont il a un besoin maladif, les feux des médias et les applaudissements de ses fidèles du Parti républicain. Pour annuler l’évènement, Mme Pelosi invoque des raisons de sécurité en ces temps où le gouvernement est interminablement à l’arrêt. Elle a raison de le faire en s’appuyant sur ce qui est clair pour la plupart. Elle avait déjà eu la bonne idée d’annuler un concert pour célébrer sa nomination au poste de Présidente de la Chambre plus tôt en janvier sachant que 800,000 fonctionnaires ne sont pas payés.es, que des millions de contracteurs.trices ont été remerciés.es et que les difficultés économiques s’infiltrent partout.

Le spectacle de notre célébration de la continuité de notre gouvernement démocratique par les deux Partis réunis, n’aurait que fait réagir et mécontenter ceux et celles qui souffrent de la paralysie du gouvernement dont les personnes qui doivent attendre des heures dans les files d’accès à la sécurité dans les aéroports. Et puis, qui a besoin de cette adresse formelle ? L’état de notre union est en morceaux grâce à l’action de D. Trump et du Parti républicain.

Les pleurnichards.es à la tête du Parti républicain accusent N. Pelosi de « faire de la politique » et les commentateurs.trices des deux bords ne se privent pas de la critiquer. Mais elle tisse son pouvoir avec précaution et stratégiquement. Elle laisse le leader de la majorité au Sénat, le Sénateur M. McConnell, s’agenouiller devant le Président et renoncer à son pouvoir de soumettre un projet de loi au vote pour mettre fin à la paralysie. Elle comprend son rôle de contrôle de la Présidence. C’est la première fois qu’on peut la voir agir ainsi, ce ne sera pas la dernière.

Mais elle a une conviction un peu plus profonde qui date d’avant la Présidence Trump. Elle a longtemps été préoccupée par la tendance des Démocrates à vouloir être les raisonnables au Congrès devant l’irrationalité toujours montante du Parti républicain qui de son côté était obsédé par son rôle de pseudo star de médias et s’appuyait sur sa base radicalement contrariée. Il a finalement obligé l’autre Parti à aller vers la droite. Durant l’arrêt du fonctionnement du gouvernement en 2013, elle m’a déclaré dans une entrevue, qu’elle croyait que les Démocrates facilitaient le cruel travail des Républicains.es contre le Président Obama durant son premier mandat.

À l’été 2011, ils ont laissé les Républicains.es s’emparer du « plafond de la dette » qui est traditionnellement traité par les deux Partis en commun, pour procéder à des coupes dans les dépenses du gouvernement. Super content, M. McConnell avait notoirement déclaré que son nouveau caucus du Tea Party lui avait prouvé que le « plafond de la dette » valait la peine qu’on s’en empare et le tienne en otage. Une série de mauvaises retombées ont découlé de cette opération (il faut se rappeler la « séquestration » (coupes du même pourcentage dans tous les ministères. N.d.t.), dont l’entente du « fossé fiscal » à la fin de 2012 qui a empêché des coupes sévères dans les dépenses mais a maintenu les baisses d’impôt pour les familles gagnant 400,000$ et plus introduites par le Président Bush. (Il était prévu que le plancher de 250,000$ soit rétabli). Mme Pelosi s’est opposée à cette entente mais les Démocrates ont voté pour, alors que le Président de la Chambre de l’époque, M. John Boehner a perdu les votes des deux tiers de son caucus. Il semble bien qu’elle se soit jurée : « Plus jamais ça » !

Un an plus tard, elle a refusé d’augmenter le plafond de la dette alors que le gouvernement était à l’arrêt. Son taux d’approbation a augmenté ; elle a été la seule parmi la totalité des dirigeants.es. M. Boehner a perdu 14 points, elle en a gagné 5. Elle m’a expliqué : « nous sommes devenus les facilitateurs.trices (des Républicains.es). Nous ne pouvons plus nous permettre cela ». Elle s’y tient en ce moment.

De grandes gueules prétendent que la décision de Mme Pelosi de ne pas négocier avec D. Trump tant qu’il ne rétablira pas la marche normale du gouvernement est teintée de « politique ». Si la « politique » signifie représenter les intérêts de ses électeurs.trices, elle n’a pas le choix que d’en faire. Les Démocrates ont gagné 40 sièges à la Chambre avec l’élection de mi-mandat. Pendant cette campagne, le Président et le Parti Républicain ont mis de l’avant l’idée de crise à la frontière sud et ils en ont fait le centre de leur discours.

Pourtant, chez les Démocrates, les sondages portant sur le mur ne reçoivent pas 10% d’approbation et la popularité de D. Trump diminue constamment dans la population. Mme Pelosi serait bien stupide et sans lien avec la réalité (politique) si elle accordait au Président le financement pour le mur alors qu’il tient le gouvernement en otage.

Il est évident qu’elle utilise la crise pour donner une leçon élémentaire de ses capacités politiques à D. Trump. Pramila Jayapal, vice-présidente du caucus progressiste, l’a décrite sur Politico comme une politicienne sans peur, authentique, ayant de la compassion et qu’il y a quelque chose de vrai quand elle dit : « Je suis une grand-mère et je sais reconnaitre un caprice, une crise de colère (infantile) quand je la vois ».

Ça ne veut pas dire que des femmes sans enfants ne peuvent pas être solides, mais il y a quelque chose de réconfortant à regarder cette femme qui a élevé 5 enfants avant de commencer sa carrière politique faire la leçon à quelqu’un qui agit comme s’il n’avait jamais dépassé le stade du petit pot. Et encore plus satisfaisant : le plus dur adversaire auquel ce Président sexiste fasse face, est une femme. Cet homme qui a déclaré cette semaine que la première et la seconde dames, Mmes Melania Trump et Karen Pence, auraient pu faire les salades pour les Tigers de Clemson en visite (à la Maison blanche) apprend que la place des femmes n’est pas qu’à la maison ; elle est aussi à la Chambre (des représentants). Mme Pelosi va le remettre à sa place et il sera bien chanceux si ça n’est pas à la cuisine.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : États-Unis

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...