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tiré de : L’INFOLETTRE DE FUGUES # 632 - 26 juin 2017

Sologamie
Publié le 19 juin 2017 Denis-Daniel Boullé

Se marier avec soi-même ? Pourquoi pas ? Cela s’appelle la sologamie. J’ai bien écrit SoLogamie et pas SoDogamie pour celles et ceux qui, comme moi, pensent souvent au sexe. Un mouvement qui, peut-être, aura la chance de devenir une tendance. Organiser une cérémonie à l’égal d’un mariage, avec famille et amis réunis pour s’unir à soi-même. Cela se pratique déjà chez nos voisins du sud. En fait, le nombre de célibataires augmentant, et certains le restant jusqu’à la fin de leur vie, cela peut être un choix de vie aussi valorisant que le couple. Et pour marquer le coup, pourquoi ne pas instituer une cérémonie aussi symboliquement forte que le mariage pour celles et ceux qui le souhaitent ?

ILLUSIONS

Il y a quelques années, assistant à une conférence sur le vieillissement heureux, la conférencière gérontologue invitée listait les quatre ingrédients nécessaires pour envi-sager une fin de vie sereine :

1) Être en couple

2) Avoir des enfants et petits-enfants

3) Être propriétaire de sa maison ou de son appartement

4) Avoir eu une vie professionnelle épanouissante

Si nous n’avons rien de tout ça, doit-on se tourner vers le suicide assisté ? Être en couple arrive en tête des critères. Tout dans la société nous ramène au couple. De l’horoscope au chronique psychologique sur comment réussir sa vie conjugale, de la Saint-Valentin aux sites de rencontre, du désir des parents de voir leurs enfants se caser aux ami.es qui se désolent de ne pas rencontrer leur douce moitié, des avantages sociaux offerts aux couples jusqu’à la cerise sur le gâteau en forme de pièce montée, le mariage.

Hors du couple, hors du coup ? Une des premières questions que l’on nous pose dans des conversations avec de nouvelles personnes, c’est de savoir si nous sommes seuls ou avec quelqu’un. Tout récemment dans un party fêtant les x années de relation d’un couple, je me suis vu demander si j’avais un chum ? Après trois Caïpirinhas bien tassées (mon cocktail préféré après le Pisco sour), j’ai dû répondre une connerie pour éluder la question. En revanche, je me serais bien mis à genoux devant le gars qui s’inquiétait de ma vie sentimentale. Une petite union charnelle éphémère à défaut d’une union légale durable. La seconde question est la suite logique de la première quand la réponse est négative : pourquoi ?

Comme si c’était bizarre. Quand on est jeune, les gens nous disent que nous avons encore le temps de rencontrer quelqu’un. Quand on est plus âgé, on sent dans leur regard comme de la compassion. On entend presque cette lourde sentence : Tu vas donc vieillir seul ! Vieille fille, vieux garçon, handicapé affectif, caractère trop difficile, pas trouvé le bon partenaire, etc. Bref, c’est qu’il y aurait donc une faille en nous, dans notre histoire, qui ne nous aurait pas permis de construire une relation. Ben oui ! Tiens donc ! Et si le célibat nous convenait ? Et si le célibat nous donnait l’opportunité de nous épanouir ? Et si le célibat n’était pas synonyme d’une solitude imposée, mais d’une solitude choisie, assumée ? Et si le célibat n’était pas une autre façon de mener une vie tout aussi épanouissante que celle du couple, comme d’autres types de relation, le polyamour, le nomadisme sexuel, une plus grande culture de l’amitié ? D’autres formes ni moins bonnes, ni meilleures que le couple ?

On oublie qu’au cours d’une vie, notre façon d’envisager nos relations affectives peut changer, et que ce qui nous comblait à un certain âge ne nous satisfait peut-être plus à un autre.

J’ai connu le couple. Des relations de quelques mois à quelques années. J’ai vécu le couple fermé et le couple ouvert, celui qui tentait d’insérer un troisième amant, etc. Est-ce que le fait d’être aujourd’hui célibataire est mieux ou moins bien ? Je ne sais pas, mais je ne vis pas cela avec un manque à l’Autre, de l’Autre.

Certaines et certains célibataires souhaitent aujourd’hui marquer le coup en organisant une cérémonie de sologamie. Une union avec soi-même devant leurs proches avec une fête à la clé, et un seul petit personnage trônant au sommet du gâteau. Au-delà du ridicule que certaines et certains pourraient trouver dans ce calque du mariage traditionnel, il y a la volonté de mettre sur un plan d’égalité d’autres modalités d’envisager une vie réussie, d’autres formes de relations affectives et sexuelles avec les autres que le couple, et qu’elles pourraient être tout autant célébrées et reconnues socialement.

Personnellement, je ne me vois pas organi-sant ma cérémonie de sologamie. D’une part, il y a trop de conflits entre mes différents moi-même pour qu’une décision soit prise à l’unanimité. D’autre part, je n’ai jamais rêvé de devenir l’époux, le mari de quelqu’un même si je comprends celles et ceux qui décident de le faire. Je le comprends d’autant plus que j’ai accepté pour plusieurs couples d’amis d’être leur célébrant. Mais je ne me suis jamais vu de l’autre côté de la barrière. Ça tombe bien, mes chums successifs, de quelques jours ou de quelques années, n’ont jamais demandé ma main. Moi-même, je n’ai jamais ressenti ce désir d’officialiser mes histoires d’amour. Et si je m’agenouillais devant des gars, ce n’était pas leur main que je cherchais à prendre.

Nous revendiquons le droit à la différence, nous le cultivons souvent. Nous souhaitons choisir le genre qui nous convient le mieux et souhaitons que les différentes formes de son expression soient respectées, acceptées. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la façon d’envisager nos relations ? Pourquoi la sologamie ne pourrait-elle pas obtenir socialement les mêmes lettres de noblesse que le couple ? Pourquoi les sologames n’auraient-ils pas leur cérémonie partagée avec les ami.es et la famille ?

Qu’on me comprenne bien, je ne suis pas contre le couple. Je questionne seulement la façon dont on le magnifie aux dépens d’autres types de relation. J’accepterai toujours qu’un gars se mette à genoux devant moi, mais je lui offrirai plutôt un cockring qu’une bague de fiancé.

Mots-clés : LGBT Québec

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