Édition du 23 avril 2024

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Politique québécoise

Partenaires dans la catastrophe ? Le ministre Blanchet doit entrer dans le 21e siècle

Le quotidien montréalais Le Devoir confirme ce matin ce dont on se doutait déjà : le gouvernement du Parti québécois autorisera le forage avec fracturation sur l’île d’Anticosti et ce, avant que ne soit réalisée une évaluation environnementale sur le sujet. Après avoir déclaré un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste, voilà que le PQ fonce à fond de train - les yeux fermés - vers l’exploitation du pétrole de schiste.

Tiré du site d’Alternatives.

On prend également toute la mesure du sens de l’État du ministre de l’Environnement Yves-François Blanchet, alors qu’il affirme sans broncher que « le plus grand service qu’on peut rendre aux entreprises est de rassurer la population par rapport à ce qui se passe. Si la population est rassurée, la capacité d’aller de l’avant des entreprises est évidemment plus importante ». Le PQ se prendrait-il pour une firme de relations publiques à la solde des pétrolières ? Doit-on lui rappeler qu’il est censé être au service du bien commun, et non un partenaire d’affaires de Junex ou Pétrolia ? Pour un gouvernement qui prétend profiter des politiques de Stephen Harper - notamment en environnement - pour mousser son projet de souveraineté, voilà qui est plutôt contradictoire. Est-ce cela, défendre les intérêts du Québec ?

Puisque le gouvernement de Pauline Marois ne semble pas être encore entré au 21e siècle, rappelons-lui les faits. Il y a quelques jours à peine, on apprenait que le taux de CO2 dans l’air atteignait son plus haut niveau depuis 2,5 millions d’années : 400 parties par millions (ppm). Selon les plus récents travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), une stabilisation à ce niveau de CO2 entraînerait une augmentation moyenne de la température terrestre de 2,4°C à 2,8°C. Cela est déjà bien au-delà du seuil maximal de 2°C fixé par la déclaration du Sommet de Copenhague en 2009. Au-delà de ce seuil, les scientifiques sont incapables de prédire l’ampleur des catastrophes naturelles qui nous attendent. On considérait jusqu’à récemment que l’humanité pouvait se permettre d’émettre environ 565 gigatonnes de CO2 si elle voulait espérer rester en deçà de ce seuil critique. En 2012, les réserves mondiales de pétrole, de gaz et de charbon des entreprises et des gouvernements représentaient 2785 gigatonnes d’émissions de CO2.

Bref, nous avons déjà sous la main cinq fois plus de combustibles fossiles que ce que les scientifiques considèrent responsable de brûler dans les 50 prochaines années. Devant cette situation déjà catastrophique, le Parti québécois entreprend d’en extraire encore davantage. Voulons-nous devenir « partenaires » de cette catastrophe ?

Ajoutant l’arrogance à l’inconscience, le ministre Blanchet qualifie les craintes citoyennes au sujet de l’importation des sables bitumineux albertains au Québec de « philosophiques ». Manifestement, l’ancien gérant d’artistes n’a pas lu beaucoup de philosophie dans sa vie : ce n’est pas Aristote qui a calculé que les pipelines albertains avaient été le théâtre de 60 119 fuites au cours des 37 dernières années, dont deux par jour de pétrole brut provenant des sables bitumineux. Et ce n’est pas Kant qui est responsable du plus grand déversement pétrolier terrestre de l’histoire des États-Unis, mais bien Enbridge , la compagnie à laquelle le gouvernement Marois propose gracieusement ses services d’entremetteurs afin de convaincre la population du Québec d’accueillir quotidiennement sur son territoire 900 000 barils du pétrole le plus polluant au monde.

Se voulant peut-être rassurant, le ministre Blanchet parle de son plan d’électrification des transports en évoquant des résultats pour 2017-2018. Voilà qui contraste avec son empressement à démarrer l’exploitation pétrolière sur Anticosti. Considérant la popularité actuelle du PQ et la fragilité de son gouvernement, il y a de quoi sourire : on voit bien lequel des deux projets est à l’agenda électoral du parti. Pour une formation qui prétendait faire de la politique autrement, cela ressemble beaucoup aux manœuvres électoralistes à court terme auxquelles nous a habitués notre classe politique dans les dernières années.

Chers élus du Parti Québécois, vous qui parlez constamment de briller parmi les meilleurs, pourquoi ne pas, pour une fois, le faire ? Le Québec, pays d’eau et de vents, a tout ce qu’il faut pour relever le défi de la crise écologique. Cela est beaucoup plus qu’une richesse collective, cela nous confère une responsabilité envers le monde. Si vous refusez cette responsabilité, vous ferez la démonstration - à ceux qui en doutent encore - que vous appartenez non pas « à ce qui commence », comme vous le chantiez en campagne électorale, mais à ce qui, fort heureusement, est en train de s’éteindre.

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