Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Agriculture

Pis comment vont vos tomates ?

Peut-être avez-vous fait comme moi, planter des plants de tomates sur la galerie dans une variété de pots récupérés de toutes sortes allant de la chaudière pour enfants au plat à vaisselle large. Mais ça marche, les tomates grossissent. Formidable pour une fille de la ville.

L’agriculture urbaine nous permet de renouer bien simplement et bien humblement avec nos racines agricoles. Jusqu’en 1920, la majorité de la population québécoise vivaient à la campagne.

Mais surtout l’agriculture urbaine offre une vision nouvelle de l’agriculture. Elle pose le lien entre le respect de la terre et les gens qui la cultivent et qui consomment les produits. Cette agriculture de proximité est donc une épine plantée dans le pied de l’agriculture monoculture et productiviste pratiquée actuellement au Québec.

Les paysans d’autrefois produisaient une agriculture variée, peu productive mais autosuffisante. Il y avait une connaissance de la terre et des éléments de la nature transmise de générations en générations.

Maintenant l’agriculture exige des compétences et des connaissances scientifiques pour l’analyse des sols, la génétique des animaux, le marketing et la gestion des marchés. L’agriculture québécoise est une industrie intégrée aux usines de transformations au début du XXème siècle et maintenant aux entreprises de distribution et d’exportation.

Mais cette transformation d’une agriculture de subsistance à une agriculture capitaliste s’est faite au détriment des ressources naturelles. La terre s’est vu recouverte d’engrais chimiques, les fruits et légumes de pesticides, les animaux ont été nourris aux antibiotiques, l’eau des nappes phréatiques a été contaminée et les ruisseaux déviés, pollués et laissés à l’abandon.
Mais cette agriculture capitaliste et productiviste même si elle produit parfois le double que durant les années ’60, n’enrichit que les entreprises de distribution. Les fermiers sont de plus en plus endettés en frais d’engrais, de mécanisation, de modernisation etc….les fermes familiales disparaissent à vue d’œil au profit des grosses entreprises agricoles qui bien sûr bénéficient de l’aval gouvernemental.

« L’évolution récente du secteur montre une fragilisation croissante de la situation financière des fermes (endettement, baisse des revenus), et ce, malgré une concentration économique et spatiale des moyens de production et des revenus. Le nombre de fermes diminue sans cesse, mais leur taille augmente. Avec une population agricole qui s’amenuise et vieillit, l’agriculture est confrontée aux enjeux de l’occupation des territoires, de la relève et du transfert des fermes, aux défis de l’environnement et du développement durable, en plus de la mondialisation des marchés
http://www.ruralite.qc.ca/fr/Enjeux/Agriculture
Les faits suivants vont encore mieux dresser le portrait de la situation et montrer la concentration croissante en monopole agricole.

« Quelques faits

 En 2006, l’activité agricole occupait 5,7% de la population rurale québécoise. On dénombrait la même année 30 675 fermes ;

 77% des agriculteurs comptent sur une autre source de revenus pour faire vivre leur famille ;
On comptait 7 jeunes pour 20 fermes en 1991, on en comptait 3 en 2002.
Une concentration économique et spatiale qui se renforce

 20% des fermes ayant des revenus supérieurs à 250 000$ génèrent 70% des revenus totaux ;

 54% des fermes, 55% des emplois agricoles, 60% du PIB agricole et 64% des revenus agricoles sont concentrés dans les régions de la Montérégie, du Centre-du-Québec et de Chaudière-Appalaches ;

 65% du PIB de la transformation alimentaire se retrouve à Montréal et en Montérégie ;

 75% des parts de marché de la distribution concentrée dans trois entreprises.

Des programmes qui accentuent la concentration

61% des compensations de l’ASRA entre 2001 et 2004 ont été versées dans les trois principaux bassins de production ;

Les fermes générant le plus de revenus (recettes supérieures à 250 000$) sont celles qui bénéficient le plus des paiements gouvernementaux.
Une contribution à l’occupation du territoire qui s’érode

33% du territoire habité du Québec est zoné agricole ;
Mais seulement 53% du territoire zoné agricole est occupé par une ferme ;
L’intensification agricole sur certains territoires renforce dans d’autres la déstructuration, l’exode, la perte de services et de patrimoine bâti, le manque de relève, etc.
http://www.ruralite.qc.ca/fr/Enjeux/Agriculture

Mais depuis quelques années quelques ardis, et maintenant il faut rajouter le féminin car l’implication des femmes dans ce type d’agriculture est importante, donc d’ardies avant-gardistes ont innové en parlant d’écologie, d’agriculture biologique et de bien commun. De nouvelles techniques liés à la science mais surtout à l’environnement ont vu le jour renouant parfois avec de vieilles pratiques ancestrales.

L’implication citoyenne a aussi été importante pour discipliner dans un premier temps l’industrie agricole mais dans un deuxième temps pour interroger les pratiques. Qu’on pense à l’élevage des porcs décrié pour les odeurs mais aussi en crise à cause de ses pratiques trop stressantes pour les bêtes.

Des questions nouvelles ont été aussi soulevés : l’importance du savoir et de la production de produits du terroir, la proximité des marchés, des paniers alimentaires pour encourager les polycultures biologiques et maintenant l’importance pour lutter contre le réchauffement de la planète de l’agriculture urbaine verdissant la ville et des toits verts comme climatisation naturelle des maisons.

L’eau dans ce contexte a pris une valeur inestimable. L’eau doit demeurer un bien commun et non devenir une marchandise embouteillable et vendue au profit d’entreprises exploitant des milieux naturels.

Les animaux aussi sont devenus partie prenante d’un écosystème à protéger. Qu’on pense aux abeilles, aux chauves-souris et aux insectes. Les bêtes de ferme, d’élevage sont aussi vues sous un autre jour. Peut-on leur fournir un meilleur cadre de vie et plus de liberté de mouvement ? La crise de la morue a posé l’importance d’en finir avec la surpêche et de protéger les cheptels de poissons. Ce qui a permis de découvrir d’autres espèces et d’autres crustacées à mettre dans nos assiettes.

Il est possible donc de développer une autre agriculture, de penser autrement la production alimentaire. Des principes posant l’agriculture de proximité, le manger local, le pouvoir de décision local, la multi-diversité, l’agriculture de subsistance plus que productiviste peuvent être appliqués et donner des résultats respectueux de l’environnement. Pour cela il faut en finir avec la concentration et la spéculation sur les terres et les quotas, avec la monoculture axée sur les besoins des industries et sur le gaspillage des ressources naturelles comme l’eau et la terre. Il faut en finir avec le capitalisme et développer une vision écosocialiste de l’agriculture.

Chloé Matte Gagné

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