Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Pourquoi les progressistes du Québec ont intérêt à voter pour le NPD

D’ici à la souveraineté à venir, que voulons-nous ? Il y a des personnes démunies devant « compter » sur des programmes fédéraux tantôt insuffisants, tantôt carrément inaccessibles. Faut-il rappeler que les enjeux écologiques, financiers et militaires n’ont pas de frontière et qu’il y a urgence écologique ? Est-ce que le NPD a une détermination sincère, avec ses candidatures québécoises et avec un nombre record de 123 femmes candidates ? La réalité est qu’un grand nombre de personnes au Québec ne votent pas de manière idéologique et sont ouvertes à l’idée d’un gouvernement NPD. Connaissons-nous la culture du NPD et voulons-nous un gouvernement progressiste ?

Soyons clair, étant militant pour les droits humains et pour la solidarité internationale, j’ai en mémoire comment les Conservateurs et les Libéraux ont bafoué les droits de gens que nous devions aider. Je pense à des femmes courageuses en Afghanistan qui furent ignorées parce qu’elles n’appuyaient pas le gouvernement Karzai. Je n’ai pas oublié les êtres humains abandonnés dans le trou d’injustice et de désespoir qu’est la base de Guantanamo Bay. J’ai aussi en mémoire comment aucun gouvernement fédéral n’a vraiment pris au sérieux les souffrances de gens démunis au Canada et au Québec devant « compter » sur des programmes fédéraux tantôt insuffisants, tantôt carrément inaccessibles.

Mes engagements pour les droits humains et le mouvement altermondialiste m’ont amené naturellement à rejoindre les luttes menées jadis par Svend Robinson et Alexa McDonough du NPD. C’est d’abord à travers des luttes citoyennes indépendantes que j’ai découvert l’esprit sincère qui règne au sein du NPD pour défendre les droits de toute personne, ici et ailleurs, et refusant l’élitisme et l’injustice (1). Ayant alors fait un stage auprès de ces personnes, ce ne sont pas leurs paroles que j’ai entendues, mais plutôt leurs actions et leurs gestes.

Soyons clair aussi qu’aucun parti fédéral ne répond vraiment au désir de démocratie participative, au rêve d’une démocratie digne du 21e siècle qui nous ferait avancer après plusieurs siècles d’un système créé dans l’ancienne Europe, puis aux Etats-Unis, en se libérant de peine et de misère des aristocraties. Ainsi, un gouvernement néo-démocrate ne serait pas la révolution au sens radical, mais pour bon nombre d’êtres humains au Québec, au Canada et dans le monde, il y aurait un impact bien réel sur certaines souffrances et injustices. Pour plusieurs personnes, ce serait une petite révolution dans leurs conditions de vie. Le NPD compte d’ailleurs un nombre record de 123 femmes candidates. Pour les questions écologiques et internationales, il va sans dire que le NPD changerait notre réalité. N’est-ce pas dans le même esprit que nous sommes plusieurs à lutter pour un gouvernement solidaire au Québec, même si cet objectif électoral ne se fait pas d’un seul coup et n’est pas une panacée ?

Les défis pour les progressistes et les écologistes sont nombreux, et dépassent le cadre de la gouvernance classique ou les élections, mais une opposition bloquiste ne nous avance en rien. Et si nous aidions un parti progressiste à créer des changements ayant un impact sur la vie des gens et notre écologie ?

Aux souverainistes solidaires :
dans un esprit de coopération et de solidarité entre les nations

Depuis 2002, je fais partie des gens ouvertement souverainistes qui appuient activement le NPD. Lors de plusieurs votes, les membres québécois-es du NPD ont choisi l’esprit d’une coalition de progressistes au sens large, ouverte au fait que des membres puissent préférer des options autonomistes, fédéralistes, indépendantistes (incluant face aux États-Unis), souverainistes ou soient indifférentes concernant cette question (2). Nous sommes donc progressistes, en tout genre, d’abord et avant tout. Les nouvelles générations veulent ramener les débats de société à l’avant-scène, dont la justice sociale et l’écologie, et ne plus se laisser manipuler par la seule question souveraineté versus fédération.

À Québec, en 2006, saviez-vous que la section québécoise a fait adopter, par des membres de partout au Canada et au Québec, la position claire que le NPD s’engage à respecter le résultat d’un éventuel référendum (50 % +1) et reconnaît à la nation québécoise le droit de refuser un programme fédéral et de recevoir les sommes publiques pour financer son propre programme ? (3) Je juge les politicien-nes et les partis selon leurs actions. Ces dernières m’indiquent, malgré l’occultation par les médias avant l’élection de Mulcair et malgré la propagande cyclique du Bloc québécois, que le NPD applique une approche coopérative envers les compétences du Québec.

Vous le devinez, je suis un fier membre de Québec solidaire et jadis d’Option citoyenne. Comment une personne peut-elle, d’un côté, refuser de voter stratégique contre la gouvernance de Jean Charest, refuser de s’associer à la coalition gauche-centre-droite, aux tendances néolibérales, qu’est le PQ, mais d’un autre côté ne pas voter pour le parti progressiste au fédéral pour se contenter du Bloc, soit un parti lié au PQ, n’apportant aucun progrès positif et coopératif dans la fédération actuelle ? D’ici à la souveraineté, qui se fera exclusivement au Québec, projet auquel le Bloc ne contribue en rien, nous devons appuyer la formation clairement progressiste et déterminée à changer les politiques fédérales. Il faut rappeler que les enjeux écologiques, financiers et militaires n’ont pas de frontière et qu’il y a urgence écologique.

La souveraineté du Québec se fera un jour au-delà du « parti bourgeois » qu’est le PQ. Nous pouvons, d’ici là, élire des progressistes québécois-es avec le NPD, dans un esprit de coopération concrète entre les nations dans la fédération.

C’est possible maintenant

La réalité est que bon nombre des personnes ayant voté pour les Conservateurs ou les Libéraux en 2008 sont ouvertes à l’idée de voter pour le NPD. Leur vote ne se veut pas idéologique : les gens souhaitent un gouvernement honnête, sensé et sincère. Comme les sondages le démontrent, il est possible d’élire plusieurs député-es du NPD au Québec cette année et dès lors possible aussi d’envisager un gouvernement néo-démocrate lors de prochaines élections. Pour ce faire, l’occasion actuelle est à saisir pour l’élection d’une forte opposition néo-démocrate. Cette dernière aurait pour effet de communiquer au peuple que le NPD peut être la gouvernance alternative.

Je propose donc que le véritable vote stratégique pour les progressistes est de lutter pour l’avènement d’un gouvernement pouvant garantir que les compétences fédérales produisent des politiques justes et plus écologiques, par une fiscalité qui n’est pas vendue à certaines classes sociales favorisées et permet donc un transfert décent de fonds publics au Québec.

Les « F-35 milliards » pour les industries militaires au Québec !

Il serait idéal que je ne dénonce pas les positions des autres partis, pour me contenter de parler de mesures constructives, mais il y a des limites aux manipulations que je peux ignorer. M. Duceppe, pour les élections, se joint à la chorale contre l’achat de F-35, or le Bloc québécois a voté avec les Conservateurs pour ces chasseurs expérimentaux de luxe et contre un appel d’offres. La position du Bloc a été claire : les chasseurs F-35 sont une dépense acceptable pourvu que cela rapporte des profits au Québec. Nationaliste, oui, progressiste, non.

Non seulement le NPD refuse ces dépenses militaires disproportionnées, mais un gouvernement néo-démocrate redéfinira rapidement le rôle de l’armée et fera en sorte que les militaires soient davantage formés pour les missions de paix et d’aide aux populations lors de catastrophes naturelles. Mais surtout, le NPD refuse que les missions armées puissent se faire sans un vote démocratique à la Chambre des Communes. Certes, l’armée canadienne a des besoins, à adapter à des missions de paix, mais les besoins des gens auront la priorité. Ajoutons qu’il faut mieux aider les anciens combattants, incluant par une réforme des tribunaux militaires.(4)

Oui, il y a des député-es du Bloc québécois qui ont pris des positions respectables et qui ont mon respect, mais ce parti demeure une coalition qui ne peut se comparer avec la culture du NPD. Quand je vois Claude Bachand se lever pour glorifier l’OTAN et sa mission en Afghanistan, sans nuance, cela confirme mes émotions mitigées pour ce parti aux visions sociales fort variables.

À la demande des membres, le NPD fut le premier parti à avoir demandé la fin de la mission en Afghanistan, à une époque où cela était très peu populaire. La seule mission qui sera acceptable en Afghanistan est celle de la solidarité internationale, soit une aide civile et indépendante.

Les intouchables

Il y a bien d’autres exemples où le Bloc québécois ne brille pas par sa solidarité : refus d’un salaire minimum pour les emplois fédéraux, refus de bloquer les pesticides à usage cosmétique, refus de mettre fin aux subventions aux propagandes pour l’amiante, etc. Ces enjeux étaient de compétences fédérales. La philosophie du Bloc québécois peut se caricaturer ainsi : on peut critiquer les industries albertaines, mais les industries québécoises sont intouchables.

Au lieu de mener la lutte judiciaire pour défendre notre industrie du bois d’œuvre contre les plaintes des Etats-Unis, et donc réclamer une compensation pour les entreprises qui ont souffert du litige, le Bloc québécois a appuyé la stratégie du Parti Conservateur de donner un milliard aux Etats-Unis pour tenter d’acheter la paix. Nous aurions pu avoir gain de cause et compensation pour ce conflit économique. Au fait, ce conflit risque de recommencer…

La force du NPD est de proposer des solutions et d’éviter de simplement attaquer à la négative, mais il me fallait rappeler que le Bloc n’a pas la même cohérence et culture progressistes que le NPD.

Voulez-vous les mesures progressistes qui suivent ?

Tous les partis se prétendent aidants et progressistes durant les élections mais, en guise de conclusion, je vous pose la question : quel parti a réellement l’intention d’appliquer les mesures suivantes et pourra le faire ?

 Ramener l’imposition des entreprises à leur niveau normal, tout en aidant les petites entreprises ;

 Réformer l’assurance-emploi, dont la Prestation de compassion de l’assurance-emploi ;

 Créer une nouvelle Prestation d’aidant naturel pour toute personne d’une famille ou d’un couple ;

 Financer le logement social (abordable, subventioné, coop, etc.) ;

 Lutter contre la privatisation des services de santé et des assurances-santé ;

 Mettre fin aux subventions aux pétrolières et à d’autres entreprises engendrant des coûts environnementaux et sociaux importants ;

 Mieux appuyer financièrement le transport en commun et les énergies renouvelables ;

 Respecter les cibles internationales de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et encourager la production d’énergies propres ;

 Transformer Condition féminine Canada en un ministère à part entière ;

 Rétablir le Programme de contestation judiciaire du Canada pour les femmes ainsi que les minorités subissant une discrimination ;

 Nouveau partenariat nation-à-nation avec les Premières nations, les Inuits et les Métis de partout au pays, afin de restaurer une justice sociale ;

 Programme pour aider les communautés autochtones à mettre fin à la violence faite aux femmes, en soutenant leurs organismes communautaires de femmes ;

 Système d’immigration juste, transparent et redevable, mettant fin aux mesures restrictives basées sur le secret et les décisions arbitraires des ministres ;

 Mode de scrutin plus démocratique, où les sièges seraient plus proportionnels aux votes réels.

 Michaël Lessard

Responsable de médias alternatifs et communautaires en ligne,

sympathisant du NPD, bénévole pour Raymond Côté dans Beauport-Limoilou.
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(1) Les activités qui m’ont amené au NPD sont surtout, entre autres, ma participation au mouvement mondial de dénonciation du blocus inhumain et meurtrier imposé à l’ensemble de la nation irakienne de 1990 à 2003, mon implication contre la ZLÉA en avril 2001 à Québec, le mouvement mondial pour le respect des droits démocratiques et humains des Palestinien-nes, et les manifestations contre l’invasion de l’Irak.

(2) Ces options sont nommées en ordre alphabétique. Il ne s’agit pas d’un consensus parfait. Il y a des membres à Montréal qui ne sont pas à l’aise avec l’approche « progressistes d’abord et avant tout, au-delà des allégeances souverainistes/fédéralistes », mais la majorité des membres l’endosse. Comme le disait Tommy Douglas, le fondateur du NPD, « quand tout le monde pense de la même manière, c’est que peu de gens pensent ».

(3) Ce n’est là qu’une partie des principes de la Déclaration de Sherbrooke
http://www.francoiseboivin.com/fr/docs/Declaration_Sherbrooke_FR_V2.pdf

(4) Ces objectifs et politiques concernant l’armée sont affirmés dans la plateforme électorale sur npd.ca.

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