Édition du 23 avril 2024

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Environnement

Projet de loi sur les hydrocarbures – Commentaires du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles sur la question de l’expropriation

En deux mots : Verbalement en commission parlementaire : « je ne suis pas sûr que d’aider une pétrolière à forer, c’est de l’intérêt public » Par écrit à la Chambre des notaires : « bien que chaque cas soit un cas d’espèce, nous estimons qu’un projet de production d’hydrocarbures pourrait effectivement revêtir dans des circonstances exceptionnelles le caractère d’utilité publique suffisant pour qu’une expropriation puisse être autorisée par le gouvernement »

Avec contexte

Explication verbale en commission parlementaire le 17 août 2016

M. Pierre Arcand – Verbatim

13:09 « Alors oui, il peut y avoir dans le cadre d’une exploitation éventuelle une expropriation, mais encore une fois cette expropriation (bruit extérieur), il peut y en avoir, mais c’est vraiment dans un cas d’intérêt public. Et, comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises, intérêt public, je ne suis pas sûr que d’aider une pétrolière à forer, c’est de l’intérêt public. Alors je pense que c’est ça, l’expropriation existe, dans le cas par exemple, je sais pas, ça peut être un tuyau de gaz naturel vers un hôpital puis il faut que le tuyau soit fait pour chauffer l’hôpital, là peut-être qu’un juge va décider que c’est du bien public, de l’intérêt public. » 13:55

Lettre au président de la Chambre des notaires le 19 août 2016

En réponse à la lettre ouverte du président de la Chambre des notaires parue dans La Presse + le 11 août 2016

Original ici – Réponse du ministre Arcand à la lettre de la Chambre des notaires

(Les caractères gras sont de nous)

Gouvernement du Québec

Cabinet du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et ministre responsable du Plan Nord

Le 19 août 2016

Monsieur Gérard Guay, notaire

Président Chambre des notaires

600-1801, avenue McGili College

Montréal (Québec) H3A OA ?

Monsieur le Président,

C’est avec beaucoup d’intérêt que nous recevons vos commentaires sur le projet de loi no106 et que nous prenons note de vos recommandations.

Nous comprenons que selon la lecture que vous faites du projet de loi no 106, il serait souhaitable que l’inscription des droits au registre public des droits réels et immobiliers relatif aux hydrocarbures s’accompagne d’une inscription au registre foncier. Toutefois, comme vous semblez d’avis que cette inscription au registre foncier s’impose déjà aux titulaires de licence afin que leur droit soit opposable aux tiers, nous tenons à vous rassurer que le projet de loi ne vient pas changer l’état du droit sur cette question. Ainsi, le nouveau registre qui sera créé par le projet de loi n0106 viendra s’ajouter au registre foncier, et non s’y substituer.

Vous soulevez également des doutes quant à la légalité du recours à l’expropriation par un titulaire de licence de production. Vous soulignez avec raison qu’une éventuelle expropriation ne pourrait se faire que pour un projet de production d’hydrocarbures et qu’elle serait assujettie à la Loi sur l’expropriation et à une autorisation du gouvernement. Toutefois, vous estimez qu’une telle expropriation ne se ferait pas pour cause d’utilité publique et qu’elle revêtirait plutôt un caractère d’utilité privée. Nous sommes en désaccord avec cette interprétation. Nous tenons à vous rappeler que les hydrocarbures, au même titre que d’autres ressources naturelles, constituent un bien collectif pour les générations actuelles et futures. A ce titre, ces ressources appartiennent à tous les Québécois et Québécoises et leur mise en valeur dans une perspective de protection de l’environnement bénéficie à toute la collectivité, notamment par le biais de redevances. C’est le cas autant en vertu de l’actuelle Loi sur les mines qu’en vertu du projet de Loi sur les hydrocarbures. Par conséquent, bien que chaque cas soit un cas d’espèce, nous estimons qu’un projet de production d’hydrocarbures pourrait effectivement revêtir dans des circonstances exceptionnelles le caractère d’utilité publique suffisant pour qu’une expropriation puisse être autorisée par le gouvernement. Permettez-moi cependant de porter à votre attention le fait que le projet de loi tel que proposé ne permet aucune expropriation en phase d’exploration.

En ce qui concerne l’expropriation en phase d’exploitation, nous ne pouvons suffisamment souligner qu’elle ne serait autorisée par le gouvernement qu’en dernier recours et ne pourrait qu’être un cas d’exception en raison du cumul de conditions requises. Par exemple, et sans prétendre être exhaustif, il faudrait d’abord avoir démontré la présence d’un gisement d’hydrocarbures, une occurrence d’emblée assez rare, ainsi que la rentabilité économique de ce dernier. En plus du décret d’expropriation lui-même, il faudrait également une autorisation préalable du gouvernement suivant le processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement. Avant d’autoriser une telle mesure, il va sans dire que le promoteur aurait également la responsabilité de démontrer que la réalisation de son projet a lieu dans l’intérêt public des québécois. Est-il nécessaire » aussi de préciser, que notre société de droit permet à tout citoyen de contester une décision d’expropriation, qui si recevable sera entendue devant un juge. De plus, nous portons à votre attention la création de comités de suivi pour les projets d’exploration. Le rôle de ces comités est justement d’amorcer un dialogue entre le titulaire de licence d’exploration et des représentants du milieu local en amont de la phase de production. Nous croyons que ce dialogue, combiné au paiement par le titulaire de licence de production d’honoraires professionnels nécessaires à la négociation d’ententes avec les propriétaires privés, pourra contribuer à faciliter la conclusion d’ententes entre les parties.

Par ailleurs, vous exprimez votre préoccupation à l’effet que le projet de loi n0106 entraînerait un accroissement des tâches des notaires et qu’il augmenterait le coût des transactions immobilières des citoyens. Nous tenons à vous assurer que le projet de loi ne propose pas de changement fondamental au droit existant à cet égard, et à vous rappeler que des permis d’exploration sont en vigueur dans la vallée du Saint-Laurent et les Appalaches depuis de nombreuses années.

Pour tout renseignement additionnel ou pour me faire part de nouveaux commentaires, je vous encourage à communiquer avec moi en tout temps.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Le ministre,

Pierre Arcand

Carole Dupuis

Militante du Réseau vigilance hydrocarbures du Québec.

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