Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Charte des valeurs québécoises

Manifestation contre la Charte des valeurs québécoises à Québec

Québec solidaire : il n’est pas possible d’être inclusif tout en excluant une partie de la population

Un contingent de Québec solidaire était présent lors de la manifestation contre la Charte des valeurs québécoise qui a eu lieu le 21 septembre à Québec. Notre candidate, Marie-Ève Duchesne, a été invitée à prendre la parole lors des discours devant l’Assemblée nationale à l’issue de la marche. Nous vous présentons ici la version formelle de sa prise de parole.

Bonjour !

Cette manifestation, ici à Québec, était une initiative nécessaire. Ici, comme ailleurs au Québec, nous sommes nombreux et nombreuses à accueillir avec indignation, colère –et aussi quelques fois avec crainte– les orientations proposées par le ministre Drainville dans ce que le gouvernement du Parti québécois appelle sa « Charte des valeurs québécoises ».

Cette Charte joue sur les différences et la méconnaissance que nous avons les unes et les uns des autres, elle caricature nos concitoyens et nos concitoyennes et elle tente d’exclure des hommes et des femmes qui ne demandent souvent rien de mieux que de vivre ici, avec nous. C‘est tout simplement inacceptable quand ça vient d’un parti qui dit vouloir faire du Québec un pays !

Il y a des idées dans le projet de Charte avec lesquelles je suis en accord. Ça fait plusieurs années que Québec solidaire s’est positionné sur la laïcité et nous sommes tout à fait pour l’idée d’inscrire ce principe dans la Charte des droits et libertés. C’est une notion qui nous semble fondamentale. Nous sommes aussi pour le fait que les services publics soient rendus à visage découvert. Nous sommes pour l’établissement de balises concernant les accommodements religieux et nous sommes pour l’affirmation du devoir de neutralité des employé-e-s de l’État, parce que l’État doit être neutre.

Les institutions de l’État doivent être neutres pour assurer des décisions équitables envers tous les citoyens et toutes les citoyennes. Toutefois, les individus qui travaillent dans plus de 500 000 emplois publics et parapublics ont tout à fait le droit de pratiquer leur religion et ça inclut le port de signes religieux. Je considère que les personnes qui reçoivent les services de l’État sont assez intelligentes pour pouvoir faire la part des choses. Je considère aussi que les gens qui travaillent pour l’État sont des personnes professionnelles et qu’elles aussi savent faire la part des choses. Mais de vouloir forcer ces personnes à nier ce qu’elles sont, c’est là que la Charte ne représente plus du tout nos valeurs.

Pour moi, il n’est pas possible d’être inclusif tout en excluant une partie de la population. L’égalité hommes-femmes, la justice sociale, le désir d’émancipation, la liberté, le refus du racisme, le refus de toutes les formes de discrimination et de domination, c’est à la base du projet de société de Québec solidaire. Un projet de société solidaire, précisément !

La position du gouvernement ne tient pas la route ! Son projet ne rime qu’avec inégalité et discrimination. La Charte s’en prend aux individus alors que c’est du côté des institutions qu’il faudrait regarder. La Charte remet en question la liberté de religion et de conviction, alors que c’est reconnu par la « Déclaration universelle des droits de l’homme » qui a été adoptée par les Nations unies en 1948, mais aussi par la « Charte des droits et libertés de la personne » qui a été adoptée ici même, à Québec, en 1975 et qui est valable depuis. Pour ajouter à tout ça, le projet du gouvernement ne peut qu’avoir un impact particulièrement néfaste sur les droits des femmes.

Si c’est véritablement l’égalité hommes-femmes qui tient le gouvernement à cœur, je l’encourage à intervenir du côté de la violence faite aux femmes. Rappelons-nous qu’hier, le 20 septembre, était la journée contre la violence sexuelle. Avons-nous entendu le gouvernement du Québec s’indigner contre cette violence ?

Si c’est véritablement l’égalité hommes-femmes qui tient le gouvernement à cœur, parce qu’on nous dit que de permettre le port du voile serait un retour en arrière pour les femmes, je l’invite à nous expliquer pourquoi le retour de ces femmes à la maison n’en serait pas un aussi.

Si c’est véritablement l’égalité hommes-femmes qui tient le gouvernement à cœur, comment expliquer l’ingérence de celui-ci dans les nominations faites dernièrement au Conseil du statut de la femme qui nous laissent croire que l’étude d’impact sur les femmes pourrait être vue comme une menace ?
Ça n’est clairement pas d’égalité dont il s’agit avec cette Charte.

Il faut en souligner les terribles confusions. Pourquoi est-ce qu’on insiste pour garder le crucifix à l’Assemblée nationale alors que c’est Maurice Duplessis qui l’a fait placer là en 1936, pour sceller l’alliance entre l’État et l’Église ? Il me semble qu’on n’est plus là aujourd’hui !

Pourquoi est-ce qu’on insiste pour maintenir les subventions aux écoles privées confessionnelles, si on craint tant l’influence de la religion ?
Finalement, pourquoi est-ce qu’on accepte que certains conseils municipaux récitent encore la prière avant de tenir leurs séances si la laïcité est un concept si important au sein des institutions de l’État ?

C’est plus que d’un débat sur les valeurs dites « québécoises » et sur l’identité qui est censée nous caractériser dont nous avons besoin. C’est un débat sur la laïcité des institutions étatiques qui doit être mené.

Il y a une chose qui est certaine, c’est qu’il ne faut plus s’étonner de ce genre de discours répressif et diviseur de la part d’un gouvernement qui a abandonné toute perspective progressiste.

Le Parti québécois nous montre son vrai visage avec cette Charte. Et pendant ce temps, que fait-il quand des groupes lobbyistes religieux de droite poussent le gouvernement conservateur à faire des projets de loi visant à interdire l’avortement ?

Que fait le PQ devant la mise au grand jour depuis quelques semaines de gestes violents et racistes ? Au nom de leurs valeurs dites « québécoises », sommes-nous prêts et prêtes à accepter ces actes criminels ? Voilà une crainte que nous inspire la Charte.

Nous ne pouvons pas accepter ça. Refusons cette stratégie du bouc émissaire ! Disons oui à un état laïque tout en mettant sur le même pied d’égalité un projet de société inclusif et solidaire !

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